Un conseiller municipal saisit la justice pour obliger le maire à respecter les lois régissant les collectivités locales
02 / 2001
En 1996, le Sénégal a connu une nouvelle réforme territoriale qui érige les régions en collectivités locales et institue les communes d’arrondissement (appelées par les populations les ’mairies de quartier’)dans la ville de Dakar, au développement tentaculaire. Ce deuxième aspect de la réforme, en dehors des motivations politiques (volonté du parti au pouvoir de reconquérir la capitale tombée dans l’escarcelle de l’opposition), cherche aussi à promouvoir une gestion administrative de proximité afin que les élus soient davantage à l’écoute des administrés.
Mais rapidement cette réforme perd tout son contenu progressiste car les maires d’arrondissement vont rapidement reproduire les pratiques clientélistes et un mode de gestion des deniers publics marqué par la non transparence, des pratiques qui ont caractérisé la gestion des communes au Sénégal depuis l’indépendance.
Dans la commune d’arrondissement où je suis conseiller, le maire décide un jour d’octroyer à chacun des 35 conseillers une enveloppe financière de 50 000 cfa (500 FF)soit-disant pour les aider à faire face aux dépenses que devrait occasionner une fête musulmane. Une telle pratique est courante au Sénégal, car à l’approche des fêtes les maires, pour s’attacher une clientèle politique, distribuent de l’argent, non seulement à leurs militants mais aussi à des conseillers municipaux, soit pour les gagner à sa cause politique, soit pour acheter leur silence. Face à cette situation, étant au fait des lois qui régissent la gestion financière des communes (je suis financier de profession), je décide d’attaquer le maire sur cette dilapidation des fonds publics car cette dépense n’est pas prévue dans les chapitres du budget. Par courrier je saisis les autorités compétentes : le ministre de la Décentralisation, le sous-préfet et le président de la section des comptes du Conseil d’Etat. Au delà de cet aspect, j’en profite pour poser globalement toutes les pratiques frauduleuses développées par le maire dans la gestion du budget municipal dont une bonne partie est consacrée aux dépenses de carburant du maire.
coletivo local, clientelismo, corrupção, gestão pública, ética do serviço público
, Senegal
Dans cette démarche pour le respect de la légalité, j’ai pu convaincre certains conseillers qui s’y sont associés. Cela a été une occasion pour ces derniers, qui ignoraient tout de la gestion financière municipale, de se rencontrer pour étudier cet aspect qui, par le jargon techniciste utilisé par les spécialistes, rebute plusieurs élus qui hésitent à éplucher les comptes de la commune. De plus, bon nombre de conseillers ne se donnent pas la peine d’attaquer les maires quand ils fautent, se disant que cela ne sert à rien car ils sont protégés en haut lieu - ce qui est vrai du reste. On en arrive à un état d’esprit fataliste et résigné. Dans ces conditions les maires ont les mains libres et les conseillers, parfois sans le savoir, se font les complices du maire en n’exerçant pas le rôle de contrôle que leur confèrent les lois.
Conscients de tous ces faits, nous avons monté un pool de conseillers municipaux qui ne demandent qu’une chose : le respect des lois sinon, ils saisiront les autorités compétentes pour que force reste à la loi. En tout cas notre maire est de plus en plus sensible à cet argument car il a devant lui des conseillers qui n’hésiteront pas à utiliser la presse indépendante pour informer l’opinion de ses malversations financières...
Fiche réalisée à partir de documents internes dont deux lettres adressées à Monsieur le Ministre de la Décentralisation et au Président de la Section des comptes du Conseil d’Etat du Sénégal datées du 28/10/98. M Fall est conseiller municipal dans la commune d’arrondissement de Mermoz-Sacré Coeur. Contact : F.Mbacké. Cissé, animateur national pour le Sénégal du réseau ’Dialogues sur la gouvernance en Afrique’
Documento interno