12 / 1999
L’acteur et le comique Coluche animait en 1985 une émission sur la radio Europe 1, au cours de laquelle il avait encouragé ses auditeurs à faire des dons pour combattre la pauvreté dans le monde, en Ethiopie notamment ; certains d’entre eux l’ont interpellé en soulignant qu’en France aussi il y avait des gens très démunis, et il a alors décidé de créer ce qui devait devenir les "Restos du Coeur", une version originale, festive et médiatique de la soupe populaire. Lorsque ce fils d’immigré, qui dans son enfance avait connu la pauvreté et les soupes de l’Abbé Pierre, a parlé de son projet à ce dernier, la réponse fut "Bravo, mais attention à votre gestion ! ". Comme Coluche ne se sentait pas de compétences particulières en la matière, il a accepté de recevoir l’aide de Paul Houdart, patron d’une des filiales du groupe Lesieur et membre d’un petit groupe de réflexion qui se réunissait régulièrement. Coluche a même finalement accepté de déléguer à ce groupe la responsabilité et le management des Restos du Coeur, tout en se réservant la stratégie ainsi que l’action auprès des médias. Dès le premier hiver, grâce à ses interventions à la radio et à la télévision et aux appels qu’il lançait pour obtenir des denrées, des camions, des locaux et de l’argent, 8,5 millions de repas ont pu être distribués.
Coluche est décédé en juin 1986 mais le mouvement qu’il avait lancé s’est poursuivi : aujourd’hui, l’association comprend 35 500 bénévoles qui distribuent 59 millions de repas à 570 000 personnes.
Parmi ses principes fondamentaux inscrit dans une "Charte des Bénévoles", on trouve des règles éthiques comme : le respect des personnes démunies, le bénévolat sans aucun profit direct ou indirect, l’engagement sur les responsabilités acceptées, l’indépendance totale à l’égard du politique ou du religieux (par exemple lorsque, à Vitrolles, les élus du Front National, parti d’extrême-droite, ont utilisé dans leurs arguments électoraux le fait que la commune subventionnait les Restos du Coeur, le montant de la subvention - d’ailleurs faible- a immédiatement été remboursé), mais aussi la convivialité et l’esprit d’équipe.
Le mouvement repose aussi sur une gestion très rigoureuse et sur le principe de l’adhésion de tous les membres aux directives nationales et départementales, qu’il s’agisse de la manière de distribuer les denrées ou des barèmes à appliquer (le niveau de revenu au-dessous duquel la personne a accès aux Restos du Coeur). Chaque association départementale a le droit d’utiliser le logo des Restos du Coeur et le devoir de le protéger (les collectes à domicile ou sur la voie publique sont par exemple interdites pour éviter que des escrocs puisent utiliser le logo à leur profit); elle est assurée de recevoir les denrées nécessaires (dont la gestion est centralisée)et elle est autonome dans sa gestion quotidienne ; en contrepartie, elle s’engage à collaborer loyalement avec les représentants nationaux ou départementaux et à soumettre ses comptes à leur contrôle.
L’association nationale comprend une petite équipe avec une structure en charge des médias, une autre pour les approvisionnements, une structure financière pour organiser les mailings et gérer les finances, une structure "Insertion" qui s’occupe des Relais du Coeur (des lieux d’écoute des personnes et d’aide en matière administrative), des Jardins du Coeur, où des personnes démunies bénéficient de CES (contrats emploi solidarité, aidés par l’Etat)pour cultiver des légumes, ou encore des Ateliers du Coeur, qui prennent en charge, avec l’aide de moniteurs, la réparation des vélos, des appareils électro-ménagers ou encore la rénovation des logements.
La cohésion de l’ensemble est assurée par une structure d’animation, composée d’une vingtaine de chargés de mission qui entretiennent un lien permanent et physique entre l’équipe nationale et les équipes départementales : chacun d’eux se rend dans cinq ou six départements pour s’assurer que tout se passe bien. Ce ne sont ni des inspecteurs, ni des patrons, mais des "amis vigilants" qui invitent au besoin à corriger le tir.
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, Franca
Selon l’orateur, Francis Bour, président de "Restaurants du Coeur - Insertion", l’association n’a aucun mal à recruter des bénévoles pour la distribution alimentaire : relativement ponctuelle, celle-ci correspond en outre à une symbolique forte qui la rend conviviale et gratifiante. En revanche, il est plus difficile de trouver des volontaires pour l’aide à l’insertion, qui exige une certaine expérience et doit s’exercer dans la continuité. L’accent très fort mis sur le bénévolat (l’autorisation d’embaucher des salariés n’est accordée par l’équipe nationale que pour les CES et pour certains postes techniques)ne risque-t-il pas de limiter ou même de compromettre le développement de ces activités nouvelles d’insertion ? L’association Accueil et Service (voir la fiche DPH sur ce thème)a trouvé un compromis intéressant entre bénévolat et salariat ; de plus ses bénévoles reçoivent une formation quasi-professionnelle et sont très rigoureusement encadrés dans leur travail. Peut-être une association comme les Restos du Coeur gagnerait-elle, sans renoncer aucunement aux principes éthiques qui la fondent, à accepter plus de diversité dans les motivations de ses membres ; la Marine nationale offre un exemple aussi intéressant qu’inattendu d’une grande ouverture d’esprit en la matière (voir la fiche "Vie collective sur un bateau de guerre").
Actas de colóquio, seminário, encontro,… ; Artigos e dossiês
BOUR, Francis, CLAES, Lucien, Les ressorts des Restos du Coeur - séminaire 'Vies collectives' in. Les Annales de l'Ecole de Paris, 1999 (France), V
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