español   français   english   português

dph participa da coredem
www.coredem.info

diálogos, propuestas, historias para uma cidadania mundial

Gouverner la cité avec les associations : l’exemple de Chanteloup-les-Vignes

Elisabeth BOURGUINAT

12 / 1999

Pierre Cardo s’est installé en 1975 dans la cité de Chanteloup-les-Vignes, un paisible village de banlieue dont la vie a été sérieusement perturbée par l’implantation brutale de deux mille trois cent vingt logements. Cette cité devait permettre d’accueillir les salariés d’une usine automobile proche, mais a surtout servi à reloger les familles devenues indésirables dans des quartiers parisiens qui devaient être rénovés. La population est passée de 2 000 à plus de 10 000 habitants en quelques années, alors qu’aucun équipement n’avait été mis en place. Parallèlement, des milliers d’emplois étaient supprimés et la situation financière de la ville devenait catastrophique : il n’existait pas de zone industrielle et le potentiel fiscal par habitant était de 500 F par an, alors qu’il fallait construire une gare, des groupes scolaires, un collège, un complexe sportif (50 pour cent de la population avait moins de vingt ans).

P. Cardo a commencé par s’impliquer dans la vie associative locale, en se faisant entraîneur de foot et en créant la première association de locataires du quartier. Il devient ensuite, bien qu’étant de sensibilité de droite, président d’une association populaire créée par la FOL (Fédération des Oeuvres Laïques), - qui connaissait, elle aussi, de graves difficultés financières- et trouve des idées peu coûteuses pour animer la cité malgré tout : achat d’une chaîne stéréo pour organiser des bals populaires, création d’un club de majorettes, suppression d’un ciné-club qui ne comptait que 7 adhérents et création d’un cinéma d’enfants, le mercredi après-midi, à 1 F l’entrée, etc. De cette expérience, il retire l’idée qu’il faut absolument que les habitants, au lieu d’être de simples consommateurs, assument la responsabilité des activités associatives, même si objectivement ils n’en sont pas toujours parfaitement capables.

Devenu maire de la ville, il s’oppose aux projets de l’agence foncière qui prévoyait de construire des habitations supplémentaires sur le terrain initialement réservé à la zone industrielle ; il embauche un chargé de mission qui réussit à attirer des entreprises en faisant baisser le prix du terrain et en leur garantissant que le montant de la taxe professionnelle restera stable au fil des ans. Au début des années 90, 1 000 emplois sont créés grâce à l’implantation de 45 entreprises ; avec l’afflux des candidats, le prix du terrain est passé de 99 F le m2 pour la première tranche à 160 F pour la seconde et 350 F pour la troisième.

Conscient que le maire d’une ville en déficit chronique (15 M de recettes pour 30 M de dépenses en 1983)n’a que peu de pouvoir institutionnel, puisqu’il ne fixe pas le budget, n’établit pas les impôts, et n’attribue pas les logements, P. Cardo a décidé de s’appuyer sur les associations pour "prendre le pouvoir sur la ville" et, par ailleurs, pouvoir peser face aux ministres. Plus d’une centaine d’associations ont été ainsi créées : soutien scolaire, aide aux personnes âgées, aménagement d’une ferme en Lozère pour y organiser des classes vertes et des camps de vacance, ou encore une crèche adaptée aux horaires des femmes qui font des ménages et partent travailler très tôt le matin.

Parallèlement, une agence communale pour le développement de l’emploi a été fondée, avec pour principe de distinguer entre les différentes catégories de chômeurs, et d’essayer d’apporter à chacun l’aide pertinente : certains sont immédiatement employables, d’autres ont un problème de formation ou de comportement, d’autres, ne sachant pas lire, n’osent même pas prendre le métro pour se rendre à leurs entretiens d’embauche et ont donc besoin d’alphabétisation, etc.

P. Cardo, qui se dit "plus libéral que Madelin", s’oppose à ce que l’on donne de l’argent aux entreprises pour créer des emplois : leur but n’est pas de créer des emplois, et cette démarche lui paraît donc absurde. Il privilégie le concept d’entreprise à but social : ces entreprises, subventionnées, peuvent s’implanter dans des secteurs marchands non encore occupés par les entreprises classiques parce que non rentables. P. Cardo a par exemple créé une entreprise d’insertion qui s’occupe de récupérer des vêtements, de les trier, de les revendre comme vêtements d’occasion, de les exporter vers le tiers-monde ou d’en faire des chiffons pour l’industrie. Ce genre de dispositif lui paraît plus fructueux que le versement d’indemnités de chômage ou de RMI qui ne résolvent pas le problème "existentiel" des personnes concernées.

De même, il s’insurge contre les projets de réhabilitation à répétition des cités, qui ne servent pas à grand chose puisque les lieux sont à nouveau dégradés très rapidement, et estime qu’il serait beaucoup plus efficace de consacrer les sommes en question au développement du tissu associatif.

Palavras-chave

subúrbio, associação, vida associativa, desemprego, criação de emprego, cidadezinha, moradia, coletivo local, pobreza, serviço de proximidade


, Franca, Chanteloup les Vignes

Comentários

Des participants se sont étonnés du positionnement politique de P. Cardo, député de droite, alors qu’à travers le rôle qu’il attribue aux associations, il semble redécouvrir les bienfaits de la vie collective. Il me semble que c’est le propre d’une vision globale que de faire disparaître peu ou prou les notions de droite et de gauche : les entreprises qui se sont installées à Chanteloup ne l’ont pas fait pour des raisons sociales, mais parce qu’elles y trouvaient leur compte ; si P. Cardo encourage le réseau associatif, qui en retour lui apporte son soutien, c’est pour que les habitants vivent mieux dans le quartier mais aussi pour retrouver un certain pouvoir dans sa ville et face à l’Etat. Il a ainsi déploré que Martine Aubry ait signé peu de temps avant un contrat avec la SNCF selon lequel l’Etat prenait en charge 80 pour cent du coût de la mise en place de "médiateurs" dans les trains, alors que lui-même avait négocié, localement, le partage du financement à 50 pour cent : si chacun faisait ses comptes, les entrepreneurs comme les habitants s’apercevraient sans doute qu’il y a tout à gagner, y compris sur le plan économique strict, à maintenir ou à retrouver la paix sociale et à améliorer la qualité de vie des habitants.

Fonte

Actas de colóquio, seminário, encontro,… ; Artigos e dossiês

CARDO, Pierre, BOURGUINAT, Elisabeth, Gouverner la cité avec les associations - séminaire 'Vies collectives' in. Les Annales de l'Ecole de Paris, 1998 (France), IV

Ecole de Paris de Management - 94, Boulevard du Montparnasse 75014 Paris, FRANCE - Tél. 33 (0)1 42 79 40 80 - Fax 33 (0)1 43 21 56 84 - Franca - ecole.org/ - ecopar (@) paris.ensmp.fr

menções legais