08 / 1999
A la fin des années 1980, la BRED (Banque Régionale d’Escompte et de Dépôts)a connu des difficultés liées à la fois, selon François-Xavier de Fournas, son actuel directeur général, à la dérégulation qui lamine les marges, à la progression forte des taux d’intérêts, à la crise économique, à la confusion des rôles entre l’Etat et la banque (dont témoigne l’affaire du Crédit Lyonnais), qui fausse la concurrence. En 1992, le déficit de la BRED était de 3 milliards de francs. Outre les mesures d’urgence destinées à trouver des fonds sans solliciter l’Etat ni les clients (qu’un appel de fonds aurait au contraire fait fuir), la banque s’est lancée dans une vaste opération de reengineering, selon des méthodes que F.-X. de Fournas, le directeur général, qualifie de "management réactif ".
Les effectifs sont passés rapidement de 3020 personnes à 2500 sans licenciement, grâce notamment à un turn-over traditionnellement élevé : tous les agents étant recrutés au niveau bac + 4 ou 5, ils n’ont que peu de perspectives de carrière et quittent rapidement l’entreprise, après y avoir reçu une formation qui a très bonne réputation. En revanche, le directeur général s’est refusé à pratiquer, sous couvert de pré-retraite et de départs aidés, l’éviction prioritaire des plus de 50 ans, qu’il juge démoralisante pour le reste des personnels. Il préfère leur faire comprendre que la banque ne leur doit pas un emploi à vie et qu’il n’a pas de "mission pantoufle" à leur proposer. Un cadre supérieur qui n’apportait plus de "valeur ajoutée" au siège a ainsi été renvoyée dans le réseau : il était surpayé par rapport à la fonction assumée, mais du moins il contribuait utilement à la marche de la banque ; le cadre en question a d’ailleurs pris goût à sa nouvelle activité et s’en occupe avec efficacité.
F.-X. de Fournas a également choisi de mettre fin à la traditionnelle organisation par métier et de favoriser les projets transversaux orientés vers les clients, et évalués selon quatre critères : qualité, sécurité, rentabilité, conséquences sociales. Ce dispositif, qui associe des agents d’origines et d’âges variés, choque parfois les anciens : un directeur de la sécurité habitué à commander a eu du mal à supporter de participer à un groupe animé par une jeune femme de 25 ans. Dans le même esprit de "transversalité", la direction informatique a été supprimée, et le principe établi que personne ne pouvait exercer une responsabilité technologique sans avoir eu une responsabilité commerciale ; en revanche, rien n’interdit qu’un informaticien devienne directeur d’agence.
Les niveaux hiérarchiques ont été réduits à 4 (il y a en a jusqu’à 17 dans certaines banques); pour désacraliser la notion de hiérarchie, les cadres de rang n ont obligatoirement une autre responsabilité de rang n - 1 : l’orateur lui-même est à la fois directeur général et directeur de l’exploitation. Pour renforcer l’émulation entre les 200 agences, leurs performances sont comparées dans tous les domaines et un "top 20" est organisé ; des comparaisons sont également faites avec d’autres banques.
Mais le plus difficile, selon F.-X. de Fournas, est d’obtenir des niveaux intermédiaires qu’ils sachent prendre des décisions (il s’est fait confectionner un tampon portant les mots "Prenez le pouvoir ! "); pour éviter les deux écueils d’une bureaucratie trop rigide et d’une gestion trop laxiste, le système de contrôle repose largement sur des "contrats d’action" qui rappellent les objectifs et les principes de la banque.
Ces différentes mesures ont permis de tripler le résultat d’exploitation et d’accroître la productivité de 35 pour cent en deux ans.
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, Franca
J’ai beaucoup apprécié le pragmatisme éclairé de ce patron qui sait concilier l’intérêt immédiat de sa banque avec des intérêts moins directs, comme le fait de préserver la dignité des agents les plus anciens tout en obtenant d’eux qu’ils travaillent, et qui adopte des formules qui paraissent généralement problématiques, comme le temps partagé : deux brillantes jeunes femmes lui ayant proposé d’occuper un poste à deux, il les a embauchées et aujourd’hui ce sont plus d’une centaine d’agents qui travaillent selon cette formule ; toute latitude leur est laissée pour se partager le temps (rotation journalière, hebdomadaire, bimensuelle, etc.).
Sans doute l’exemple de cette banque pourrait-il être utilisé avec profit par ceux qui réfléchissent aux évolutions nécessaires de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique : le secteur bancaire est encore très protégé tout en étant soumis à une concurrence de plus en plus vive, de même que les administrations publiques des différents pays de la communauté européenne vont tôt ou tard entrer en concurrence les unes avec les autres. Se donner comme but de mettre en valeur la dignité, les responsabilités et l’autonomie de chacun peut être un moyen - plus convainquant que la simple pression économique - de mobiliser les troupes.
Actas de colóquio, seminário, encontro,… ; Artigos e dossiês
DE FOURNAS, François Xavier, BERRY, Michel, Comment peut-on être banquier ? - séminaire 'Vie des affaires' in. Les Annales de l'Ecole de Paris, 1995 (France), I
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