La question sociale, s’est d’abord le constat du fossé qui sépare la réalité sociale d’un idéal politique. Pourtant, les actions mises en oeuvre aujourd’hui, s’adressent souvent à des publics cibles - définis par leur âge, leur revenu ou leur origine - et non à des citoyens, ce qui révèle les relations ambigües entre gestion du social et exigence démocratique.
Les politiques de l’emploi ont été construites ces dernières décennies à partir d’analyses concrètes de la montée du chômage. Les catégories sociales les plus touchées firent l’objet de politiques ciblées qui se sont superposées au fil du temps. Si ces politiques ne peuvent toucher la cible, les pouvoirs publics créent alors des structures spécialisées tournées alors vers des personnes "en difficulté" ou personnes "handicapés sociaux" , ou "exclus", c’est à dire "ne pouvant assumer seules leurs responsabilités sociales ou familiales". Avec la montée du chômage de masse, ces "exclus" apparaissent moins comme des sujets anormaux que comme des personnes en surnombre, rejetées par le fonctionnement du système. "On leur reproche" finalement de ne pas savoir agir comme les autres - et non pas de ne pas savoir agir avec les autres. Est ce cela l’exclusion ?
Une des difficultés majeures pour "réinserer" une personne réside dans le fait que pour cela, elle est mise à l’épreuve de façon permanente et son passé est effacé. La mise à l’épreuve provoque plusieurs ruptures de stages, l’individu se sent exploité, le travail proposé, souvent dur et non qualifiant, ne correspondant pas à son "projet" personnel. De la même manière, on considèrera le chômeur de longue durée sans capacité (ou sans histoire)professionnelle et on pourra lui proposer (imposer ? )tout travaux de base.
Mais l’insertion d’une personne doit elle être toujours dépendante de son employabilité ? doit elle être systématiquement liée à la "qualification" de la personne ? Cette qualification doit elle être uniquement une reconnaissance "professionnelle" , hiérarchisée et corportementaliste ? ou peut elle être révélatrice d’une pluralité des apprentissages, d’un "métissage" ?
Pour exemple, M. Driss, marocain, a vécu de nombreuses expériences professionnelles dans différents pays, et appris plusieurs langues. Il n’a pas de qualification "professionnelle", mais n’est il pas riche d’apprentissage et de métissage ?
La société doit penser la pluralité, et reconnaître des identités métisses. Elle ne peut se donner des représentations d’elle même plutôt sommaire comme la représentation duale des "inclus" et des "exclus". Nous sommes nombreux à être à la frange de ces deux ensembles, à se situer dans la zone de vulnérabilité, nos situations acquises étant fragiles et nos statuts assurés vite défaits.
Heureusement, les histoires d’insertion ne sont pas des histoires uniquement professionnelles et uniquement individuelles. Elles sont aussi le fait de création de liens sociaux, elles sont aussi réussies grâce à des réseaux (avec une identité lâche), des communautés (dont l’identité est plus forte)et naissent grâce à des initiatives multiples, diverses... à la manière des feux follets.
Les expériences relatées et critiquées (de façon constructive, bien sûr)de l’opération "contre l’exclusion, une qualification" d’ATD quart monde, qui se définit à partir d’un groupe social ; ou de l’association "Ebullition", qui au contraire se définit à partir d’un territoire et qui cherche à développer l’entraide, sont révélatrices d’autres façons de construire des identités collectives et de participer aux renforcements de liens sociaux indispensables à l’insertion de tous.
inserção social, inserção profissional, exclusão social, pobreza
, Franca
Ce document (ou cet essai)est délibérement optimiste, ce qui est à la fois étonnant et agréable pour ceux que l’insertion passionne et qui sont souvent désabusés par les nombreuses lectures sur le sujet, ou par leurs travaux de terrain.
Mais en dehors de cette sensation globale d’optimisme, c’est un document qui foisonne d’idées et de concepts, tous liés les uns aux autres par le "génie" de sa rédaction. Le style est assez simple, les références litteraires sont nombreuses et précisées, les exemples viennent à point illustrer les quelques concepts plus difficiles.
Un livre dense, clair et sympathique, mais que l’on doit peut-être lire plus d’une fois si on veut en posséder totalement toute la matière.
Livro
BARON, Céline, BUREAU, Marie Christine, LEYMARIE, Colette, NIVOLLE, Patrick, Insertion - Les feux follets de la démocratie, Desclée de Brouwer, 1998 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - Franca - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr