Depuis le commencement de l’ère industrielle, nos sociétés modernes évoluent dans un environnement façonné toujours davantage par la technique à tel point qu’aujourd’hui celle-ci concerne et conditionne jusqu’aux gestes les plus élémentaires de la vie quotidienne. Nul doute que dès l’origine l’innovation technique relevait d’un impératif d’humanisme soucieux d’améliorer les conditions matérielles de la vie humaine. Mais désormais omniprésente, l’activité techno-scientifique tend à perdre aux yeux de la société toute entière le sens de sa mission première pour se voir attribuer un statut de valeur universelle. Ainsi, et graduellement, non plus considérée comme un outil au service du bien-être collectif, elle devient une fin en soi, un ordre positif, nécessaire et indiscutable qui impose ses propres règles. D’autre part, l’innovation technique et la production de biens et de services sont désormais indissociables ce qui, dans le système capitaliste, entraîne de multiples effets pervers. En effet, la technique est désormais essentiellement appliquée à l’amélioration de la compétitivité de l’entreprise dans un environnement économique soumis à une concurrence toujours plus sauvage, si bien qu’elle est devenue une arme au service du pouvoir économique. Ainsi, la contradiction entre progrès technique et progrès social apparaît chaque jour plus manifeste et la neutralité de la technique comme celle de l’ingénieur sont dès lors en question.
C’est à l’ingénieur que l’ouvrage s’adresse en complément de sa formation scientifique et technique qui du reste est généralement exempte de toute réflexion d’ordre moral, éthique ou, plus prosaïquement, déontologique. Selon quelles exigences peut se constituer l’identité de l’ingénieur au sein de la société moderne ? Quels rapports doit-il entretenir avec les différentes formes de pouvoir et quelles sont les limites du pouvoir technique ? En rapport avec l’idéologie marchande et les contraintes qu’elle impose, quels compromis le technicien peut-il accepter ? Dans ses relations parfois ambiguës avec la science fondamentale, comment doit-il envisager sa fonction d’expert, notamment vis à vis de l’évaluation des risques, et selon quels critères peut-il évaluer l’objectivité scientifique ? Enfin, comment doit-il estimer la pertinence de l’innovation technique et selon quels moyens la société peut-elle maîtriser les processus qui la transforment ? Telles sont les questions que ce livre pose au travers d’un choix de textes philosophiques ou professionnels, d’articles de fond, d’études de cas, etc..., classés par thèmes, résumés, introduits et assortis de questions et d’indications bibliographiques. Aristote ou Platon, Taylor ou Marx, Popper ou Descartes, et bien d’autres, procurent au lecteur maints sujets de réflexion destinés en premier lieu aux futurs ingénieurs, leurs aînés, leurs enseignants, mais encore à tous ceux qui sont concernés par les enjeux de l’innovation techno-scientifique.
Pour exemple, un article posthume paru en 1994 et intitulé " les enseignements subversifs de Jacques Ellul ". Ici, la technique n’est pas considérée comme un outil neutre puisqu’elle modifie la totalité de l’homme et de son environnement. Ses moyens, et même s’il ne sont que des moyens, obéissent à leurs propres lois et ne sont plus subordonnés à des fins. Ainsi, la techno-science se développe-t-elle selon un processus causal, finaliste jamais et l’homme moderne n’est plus un sujet indépendant en rapport avec un objet neutre mais un sujet déterminé par l’objet voire lui-même objet du processus technique. Dès lors, le problème éthique en tant que comportement de l’homme doit être considéré par rapport à cet ensemble et non par rapport à tel ou tel objet technique. D’autre part, l’activité techno-scientifique, en tant que sujet, a développé sa propre éthique technicienne. Sans être formulée de façon autoritaire, elle est néanmoins totalitaire et exclusive. à partir de ces constats, Jacques Ellul propose quelques pistes afin de définir des règles d’éthique pour l’homme situé dans le monde technicien. Loin des lieux communs tel que le débat sur les fins et les moyens, il préconise une recherche de maîtrise conceptuelle de l’activité technique, caractérisée par un comportement critique, une attitude de réserve qui définissent des limites à la puissance sans contrôle que la techno-science tente de pérenniser.
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Livro
DIDIER, C.; GIREAU GENEAUX, A.; HÉRIARD DUBREUIL, B., Centre d'éthique contemporaine, Ethique industrielle, De Boeck Université, FPH, 1998 (France)
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