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Avoir vingt ans à Moscou

Pierre Yves GUIHENEUF

12 / 1998

De quoi rêve-t-on lorsqu’on a vingt ans aujourd’hui à Moscou ? Pour Guylène Saffrais, spécialiste des mouvements de jeunes et de marginaux en Russie, les yeux de la jeunesse sont tournés vers l’avenir et non pas vers le passé bousculé de leur pays. Les jeunes veulent avoir des revenus plus élevés que ceux de leurs parents et une liberté plus grande. Ils souhaitent que le rythme des réformes se maintienne. Conformisme petit bourgeois ? Pas si simple, car la jeunesse russe a l’histoire d’un mouvement protestataire.

Dès les années soixante-dix, elle développe une culture de la contestation qui s’exprime notamment à travers le rock. Avec la glasnost, les revendications se banalisent, mais la jeunesse trouve un espace suffisant pour s’affirmer à travers une culture propre. C’est un nouveau "continent social" qui cherche à se distinguer dans société encore profondément marquée par l’ère soviétique.

Aujourd’hui, les enfants de Gorbatchev n’ont plus à se battre contre les autorités, même si leurs combats contre une certaine morale ne sont pas achevés. Mais ils doivent faire la preuve de leur capacité à réussir dans cette société nouvelle qu’ils ont longtemps appelée de leurs voeux. Ils sont les premiers à se lever pour défendre la démocratie, comme lors de la tentative de putsch d’octobre 1993. Pacifistes, anti-nationalistes, anticommunistes et fiers d’être Russes !

Et amoureux. La séduction et l’envie de vivre sont dans toutes les photos qu’Igor Moukhin a réalisé dans la grande capitale russe. Regards tendres et enlacements dans le parc Gorki, baisers rapides dans un couloir du métro Arbatskaja, confidences échangées au coin du square Puschkinkaja.

La précarité de leur situation économique renforce-t-elle les excès ? On boit toujours beaucoup en Russie, y compris chez les jeunes, et l’ecstasy est à la mode. La techno a supplanté le rock.

La vie sexuelle s’est libéralisée et les jeunes n’ont plus honte d’en parler. Les filles semblent plus libérées et plus entreprenantes que les garçons. Malheureusement, l’avortement reste le moyen le plus courant de régulation des naissances. Quant à l’homosexualité, pourtant dépénalisée depuis 1993, elle n’est pas encore tolérée par une large partie de la société, y compris par de nombreux jeunes.

Au désir de liberté et d’autonomie s’ajoute une recherche aussi profonde de sécurité. Le foyer familial reste un idéal et un refuge. Les Russes se marient tôt, souvent avant 25 ans. Ils accordent également une grande importance à la chaleur des relations au sein de leur collectif de travail.

A l’image de leur société, les jeunes Moscovites oscillent entre rupture et continuité. Pour Guylène Saffrais, ils sont à l’aise dans leur époque et trouveront certainement une place dans la société qu’ils sont en train de construire. Ce faisant, ils se révèlent en somme très proches de leurs cousins occidentaux : insouciants et réalistes à la fois.

Palavras-chave

jovem, sociedade civil, meio urbano, sexualidade, gênero


, Rússia, Moscou

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Une cinquantaine de photographies en noir et blanc d’Igor Moukhin, pour la plupart prises sur le vif dans les rues de Moscou, donnent une image passionée et désinvolte de la jeunesse russe. Une vision tempérée par le constat documenté de la sociologue, qui montre que tout n’est pas rose pour les fils et les filles de la Pérestroïka. La complémentarité de ces deux regards, la mariage du texte et des photos font tout l’intérêt de cet ouvrage.

Fonte

Livro

SAFFRAIS, Guylaine; MOUKHIN, Igor, Avoir vingt ans à Moscou, Alternatives, 1998 (France)

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