03 / 1996
Le développement de l’agriculture Vietnamienne est passé par plusieurs étapes. En ce qui concerne le delta du Fleuve Rouge les principaux jalons ont été les suivants:
-De 1960 à 1981, c’est l’épisode collectiviste pendant laquelle la production agricole est entièrement dépendante de l’instance gestionnaire de la coopérative. Les occupations des paysans, dans l’agriculture ou en dehors d’elle, sont rémunérées par des points-travail.
-De 1981 à 1988, période de la directive n°100, les paysans ont davantage d’opportunités pour augmenter leurs revenus. Ils reçoivent des parcelles de rizières, en contrat, de la coopérative. Celle-ci rémunère la force de travail sur les superficies contractuelles. En fin de saison, les points attribués sont convertis en produits. Au début de son application, cette directive fut acceptée avec enthousiasme. Cependant, la valeur du point de travail étant considéré comme trop basse, le paysan s’est détourné du travail de la terre et son attachement pour elle s’est relâchée. A la fin de la période, ils sont de plus en plus nombreux à rendre leurs rizières contractuelles. Les résultats d’exploitation des terres coopératives sont très médiocres.
-Avec la phase de la directive n°10 (d’Avril 1988 à 1993), l’Etat proclame officiellement le retour à l’unité de production familiale autonome. Celle-ci s’occupe elle-même des cultures et de leur commercialisation et n’a de compte à rendre à la coopérative que sur deux points: 1)payer les redevances aux services d’irrigation, de phytosanitaire, de labourage éventuellement et à quelques autres caisses, sous l’autorité de la coopérative, et 2)s’acquitter des impôts à l’Etat selon les catégories de terres détenues. Néanmoins, le paysan ne se sent pas encore complètement sécurisé car, au bout de 3 ou 4 ans, les parcelles sont à nouveau redistribuées. Aussi, il ne se concentre que sur leur exploitation et non sur leur développement.
Pourtant, l’Etat a pu attacher le paysan plus étroitement à la terre qu’il cultive. Les productions augmentent et certaines denrées alimentent progressivement les exportations. Ces liens ne feront que se renforcer avec la promulgation de la nouvelle loi foncière de Juillet 1993. le droit de jouissance sur la terre est prolongé et il est possible de la louer, de l’échanger et de la transmettre. Le paysan sent à présent, l’opportunité de développer une vraie stratégie de production. Il réfléchit aux différents moyens de rentabiliser au maximum ses potentialités, dans le cadre des directives communes, et en rapport avec les conditions de l’ouverture économique au marché.
Dans la commune de Thanh Thuy (district de Nam Thanh), située dans le delta du Fleuve Rouge dans le Nord du Vietnam, depuis la loi foncière de 1993, les terres ont été distribuées en fonction du nombre de "bouches à nourrir" de la communauté. Sont considérées comme "bouches" toutes les personnes appartenant au secteur agricole, les soldats en service, les militaires blessés, les malades. Comptent pour une "demi-bouche" les cadres physiquement diminués, les petits artisans retournant à l’agriculture. Les retraités n’ont pas de part car ils reçoivent déjà une pension de retraite de l’Etat. En tout, on a dénombré 4 336 bouches à nourrir bénéficiaires de la redistribution foncière.
Les terres ne faisant pas partie de la nouvelle répartition sont les terres d’habitation, les terres de jardin en superflu, les terres de 10% des cadres retraités distribués en 1988, les terres de culte, de pagode, celles utilisées dans le cadre des travaux collectifs (écoles, jardins communautaires, voies de communication...). Les superficies soumises à redistribution regroupent celles gérées par la coopérative (256ha), celles de 10% des membres de la communes (dont jardins familiaux pour 13, 5ha et 18, 3ha de parcelles dans la campagne). Au total, la surface à redistribuer est de 287, 8ha. Selon les modalités de la nouvelle loi, 5% sont destinées à des rizières communales (soit 14, 39ha), restent ainsi 273 à répartir. Chaque "bouche" reçoit donc 613m2.
En 1994, la directive n°5 autorise les changements de structure économique en agriculture. Cela signifie la possibilité de transformer le type de cultures initiale en liaison avec le développement de celle du letchie, plus rentable. La coopérative a planifié la possibilité de substituer aux rizières, situées dans les terres de bas-fonds, de rendement aléatoire, des plantations de letchies. Ce projet est étendu à tout le district de Nam Thanh de 1994 à l’an 2000 et concerne une superficie de 2000ha. Il reçoit l’adhésion des jeunes foyers surtout. Cependant, cette mesure est étroitement liée aux conditions économiques des familles paysannes. En effet, pour transformer un "sào" de rizière en verger il faut investir: dans des travaux de comblement des parcelles 600 OOO dôngs et dans des jeunes plants 120 000 dôngs. Au total 720 000 dôngs doivent être financés avec une rentabilité différée sur une dizaine d’années environ. Les 6 à 7 premières années, le letchie ne donne pas de fruit, mais il faut l’entretenir et le développer et, en même temps, on ne peut pas cultiver de riz. Le groupe des paysans les plus riches possède des capacités financières dont ne disposent pas les moyens et les plus pauvres, ils ont des préoccupations vivrières prioritaires. C’est pourquoi les plus pauvres n’osent pas transformer leurs rizières en verger actuellement.
reforma agrária, agricultura camponesa, agricultura familiar, cooperativa agrícola, não coletivização da terra
, Vietname, Thanh Thuy, Hai Hung, Vietnam du Nord
En conclusion l’auteur souligne que la disposition agraire de 1993, en allongeant la durée du droit d’usage et la possibilité de le transmettre ou de négocier, a resserré les liens entre les paysans et la terre. Dans la commune de Thanh Thuy, cette récente redistribution et la transformation du système productif ont mobilisé leur participation et les relations sociales communales. Une différenciation socio-économique apparaît nettement entre les catégories de foyers. Celle-ci montre l’importance déterminante de la possession d’un verger de dimensions conséquentes. Du fait que l’on n’a pas touché aux superficies des jardins détenues antérieurement, le groupe le plus riche est celui qui possède les meilleurs atouts pour élever son niveau de vie. Ceux qui font partie des plus pauvres continuent à nécessiter un appui de l’Etat, en crédit et en techniques, pour se développer ou même simplement pour survivre.
Colloque "Agriculture Paysanne et Question Alimentaire ", Chantilly, 20 - 23 Février, 1996
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