04 / 1998
Est-il nécessaire d’introduire une clause sociale dans les échanges commerciaux internationaux ? Le débat est largement contradictoire. En 1995, un collectif de 70 organisations suisses a élaboré une déclaration sur les précautions de mise en oeuvre de la clause sociale et en a proposé la signature aux différentes organisations concernées par cette question.
Une enquête sur la clause sociale
Deux ONG suisses, La Déclaration de Berne et l’association Pain pour le prochain, désireuses de connaître réellement l’état des opinions aussi bien au Nord qu’au Sud, ont réalisé un sondage centré sur cette déclaration.
82 organisations non gouvernementales ont répondu à l’enquête : 65 des pays du Sud, 2 d’Europe de l’Est et 15 d’Europe du Nord. Parmi elles, il y a : 50 % d’ONG laïques, 26 % d’ONG religieuses, 12 % de syndicats, 8,5 % de centres de recherche et 3,5 % de divers. La faible participation des syndicats est due au fait que ce sont surtout des ONG d’entraide qui ont servi de relais à l’enquête.
La clause sociale plébiscitée au Nord comme au Sud
La déclaration sur la clause sociale est plébiscitée par les organisations consultées. La nécessité de son introduction dans les échanges commerciaux internationaux est approuvée à 92 % par les ONG et syndicats (94 % pour ceux du Nord). Les réserves qu’ils expriment sont les mêmes que celles des signataires de la déclaration, à savoir qu’elles portent sur l’usage et non sur la nature même de la clause. 84 % des ONG du Sud croient que l’efficacité d’une telle clause peut être réelle. Les ONG du Nord sont plus enthousiastes encore (94 %). Cette baisse relative de confiance concerne par exemple les barrages institutionnels dont les syndicats et ONG pensent qu’ils seront difficiles à abattre.
Une majorité (95 %)de réponses indique que l’introduction des normes sociales doit se faire conjointement à une clause écologique. Celle-ci devrait peut-être même être prioritaire dans la mesure où l’Homme et l’environnement sont, probablement plus fortement au Sud qu’au Nord, en relation symbiotique.
Ensuite 90 % des réponses indiquent que les organisations approuvent les normes minimales définies dans la déclaration sur la clause sociale. Même si des réponses montrent qu’elles souhaiteraient y voir introduire plus de conventions de l’Organisation Internationale du Travail (OIT): droit à la formation, salaire minimum, congé payé, sécurité au travail.....
Pour une coordination des organisations internationales
Le niveau d’application privilégié pour cette clause est multilatéral (87 %). Les autres niveaux - régional, bilatéral, privé, sont aussi indiqués de façon significative, quoique différente selon l’origine des réponses (Nord ou Sud). Il est normal de trouver des résultats moins marqués puisque avec cette question on rentre de plain-pied dans la mise en place concrète de la clause sociale. Au niveau multilatéral, les signataires souhaiteraient voir une coordination entre l’OIT et l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), chacune étant spécialiste des normes devant régir le travail et le commerce. 51 % des organisations du Sud approuvent ce choix, 24 % souhaiteraient que ceci soit du ressort de l’OIT seule, 17 % voudraient voir apparaître une nouvelle organisation supranationale, aucune ne voulant voir cette question laissée au soin exclusif de l’OMC.
Des codes de conduites et des labels
D’autre part, l’initiative représentée par une action privée (labels et codes de conduite)est, globalement, la plus soutenue - en dehors du niveau multilatéral - mais elle l’est modérément (60 % au Nord et 69 % au Sud). Ceci indique bien qu’il ne peut s’agir, dans l’esprit même de certains de ses initiateurs, que d’un palliatif de court et moyen terme. Parallèlement, on peut penser à la nécessité de concilier tous les niveaux d’action possibles afin de limiter les intérêts particuliers.
Des sanctions
Des sanctions sont également requises contre les contrevenants à 90 %. La nature des sanctions à appliquer est moins nette. Les résultats les plus indulgents sont le fait des ONG du Nord qui sont 67 % à souhaiter l’octroi de préférences (incitation positive) contre 48 % pour le Sud ; tandis que les ONG du Sud préfèrent l’interdiction de l’accès aux produits mis en cause à l’augmentation des tarifs douaniers (55 % contre 28 %) alors que pour le Nord c’est plutôt l’inverse (34 % contre 47 %). En somme, les organisations du Sud semblent plus sévères que celles du Nord quant à l’accès au marché du Nord des produits fabriqués en contradiction avec la clause sociale.
Clause sociale et aide au développement
Les personnes interrogées sont plutôt d’accord de conditionner l’aide au développement au respect des normes (66 % au Sud, 74 % au Nord), tout en remarquant que cette aide, si la situation des travailleurs n’est pas telle qu’elle invalide totalement tout effort de développement, doit rester apolitique. Notons toutefois que les règles du commerce international édictées par l’OMC n’autorisent pas, via la clause de la nation la plus favorisée, ce type de conditionnalité.
Il n’est plus guère surprenant de constater le décalage existant entre un gouvernement et l’ensemble de ses citoyens. Ainsi, l’information principale de ce sondage est que le clivage qui semblait se dessiner entre les pays du Nord - pour la clause sociale - et les pays du Sud - contre - est chimérique. En effet, ONG et syndicats du Sud approuvent massivement la clause sociale, sous certaines conditions qu’ils partagent d’ailleurs avec les associations du Nord, afin notamment d’éviter le protectionnisme.
Le manque de pertinence, bien souvent révélé a posteriori, dans le traitement de problèmes au Sud par des organisations du Nord fut maintes fois repéré comme un remède pire que le mal - même s’il est peut être le fait des entrepreneurs locaux qui défendent leurs propres intérêts. C’est pourquoi des ONG du Nord se questionnant sur leur légitimité ou plutôt sur celle de ses actions est une chose à noter et à apprécier à sa juste valeur.
comércio justo, ONG, direitos sociais, regulamentação internacional, condições de trabalho, claúsula social
, Europa
Livro
EGGER, Michel, SCHUMPERLI, Catherine, Clause sociale, Pour plus de renseignement contacter: LA DECLARATION DE BERNE, rue de Genève 52, CP 212, 1009 Lausanne, Suisse. Tél. : (41)21 624 54 17. - PAIN POUR LE PROCHAIN, Ch. du Boisy 3, 1004 Lausanne, Suisse. Tél. : (41)21 648 59 55. Fax : (41)21 647 67 07.
SOLAGRAL (Solidarité agricole et alimentaire) - n’existe plus