Faut-il organiser des rencontres avec peu de moyens, au risque d’un confort précaire ?
09 / 1998
Le "People Global Action against free trade" (PGA)est un réseau informel d’acteurs de la société civile mobilisés contre l’ultra libéralisme. Il donne à voir la spécificité d’un mouvement non institutionnalisé, porté par un lieu de "non pouvoir", et la force qu’il peut en retirer.
L’initiative est partie d’un groupe d’étudiants allemands et espagnols en 1996, un groupe de copains réunis autour d’une intuition commune : la dynamique d’expansion de l’ultra-libéralisme est puissante et, si nous ne nous y opposons pas activement, elle va à n’en pas douter fabriquer un monde de plus en plus inégal. Leur aventure commence donc à l’automne 1996 où ils ont organisé une université d’été rassemblant étudiants et experts sur le thème de l’agriculture, l’environnement et la politique européenne (play fair Europe). A la suite de cette rencontre, ces quelques étudiants ont décidé de créer un réseau informel d’acteurs de la société civile près à s’engager dans l’action contre le libre échange, avec pour seul moyen les quelques ordinateurs mis à leur disposition par l’association des étudiants de l’université de Aix la Chapelle. En 1996, ils ont organisé une réunion (the hunger gathering)parallèlement au sommet mondial sur la faim organisé par la FAO à Rome. Ils ont pu à cette occasion rassembler un grand nombre de représentants de la société civile internationale. Toujours sans moyen et hors des circuits officiels du forum des ONG qui se tenait au même moment, les étudiants ont réussi à loger tous leurs invités dans un squat de la banlieue de Rome.
Au courant de l’été 1997, ces mêmes étudiants décidèrent d’organiser une rencontre à El Indiano en Andalousie. Cette fois-ci, il s’agissait de réfléchir à l’organisation d’un mouvement mondial de citoyens contre l’ultra-libéralisme. La réunion a été organisée sans moyen et pour cela les opportunités ont été saisies. D’abord un événement, la réunion internationale contre le néo-libéralisme des associations de soutien au mouvement zapatiste de libération du Chiappas, qui a permis à beaucoup de participants de profiter de leur venue en Espagne (pour les autres, de petits financements ont été trouvés). Ensuite un lieu, une coopérative de production agricole de la région qui a donné les légumes nécessaires à l’alimentation des convives et des locaux rudimentaires pour l’hébergement. A la suite de la réunion sur le Chiappas, cette rencontre a donc pu avoir lieu à frais réduits grâce à la bonne volonté de chacun (repas végétariens pendant une semaine et prise en charge collective pour la vaisselle et la cuisine).
Au total 50 personnes, représentants des réseaux de mouvements de base des 5 continents, ont participé à cette rencontre. Au cours de la semaine de travail, ils ont élaboré une plate-forme qui pose les bases d’une action revendicative commune. Le PGA (people global action against free trade)était né. Il ne comprend ni organe de décision, ni financement durable. Il fonctionne sur le seul bénévolat d’un groupe d’étudiants et la mobilisation d’organismes de bases (paysans, ouvriers, artistes..). Les tâches inhérentes au fonctionnement d’un réseau sont réparties par pôle d’animation.
De la même manière, et avec un pouvoir de mobilisation encore accru, le PGA a réuni 500 personnes en marge du sommet de l’OMC en Suisse en 1998 pour réfléchir et manifester contre le libre échange. Il constitue aujourd’hui un mouvement mondial de citoyens ayant, grâce à la confiance que leur accordent les mouvements de bases, une capacité d’action non négligeable.
metodologia, rede de cidadãos, liberalismo
, , Europa, Espanha
Le caractère extraordinaire du PGA repose donc sur la capacité de mobilisation qu’a pu susciter un groupe d’étudiants sans légitimité particulière. Plusieurs éléments nous permettent de mettre en perspective ce succès.
* Les étudiants se sont toujours considérés comme des facilitateurs et n’ont jamais voulu orienter les volontés des organismes de bases. Ils n’ont par exemple pas voulu jouer le rôle d’animateur lors de la réunion d’El Indiano en 1996 et ont laissé les participants s’organiser.
* Les étudiants n’ont presque aucun moyen et arrivent à organiser des événements grâce à l’investissement des réseaux avec lesquels ils travaillent et à beaucoup de débrouillardise.
* Car ils n’ont pas de moyen financier et pas de pouvoir (ni économique, ni politique), ils représentent un lieu de "non-pouvoir" où les organismes de base n’ont pas peur de se faire instrumentaliser.
* Le caractère précaire des réunions organisées par le PGA fait sortir les participants d’un cadre formel et pousse à la convivialité, à la découverte mutuelle.
Entretien avec MACE, Françoise
Entrevista
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