Atelier du Sud, 2 décembre 1996
09 / 1999
Comment les ONG peuvent-elles investir le champ de la prévention ? Quelle légitimité ont-elles pour participer à ce travail et pour s’introduire dans le contexte international ? Ces questions étaient au centre de la journée d’échanges organisée le 2 décembre 1996 par la Coordination Sud (voir ci-dessous). En toile de fond : l’action humanitaire et les situations de conflit, les expériences dans la région des Grands Lacs en Afrique, en Europe de L’Est ou en Yougoslavie.
Dans ce compte-rendu, une typologie historique des conflits de 1950 à nos jours est dressée par Jean-Christophe Ruffin, de l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).
Les années 1990 lui apparaissent comme une période de conflictualité débridée qui se caractérise par "l’absence de joueurs de grande taille". Les conflits locaux, très nombreux dans le Tiers-Monde, ne s’articulent plus dans le cadre extérieur qui permettait autrefois d’organiser et de modérer la conflictualité planétaire. Les possibilités d’explosions régionales capables d’impliquer des armements de plus en plus puissants s’accroissent. Chez nos gouvernants, la volonté de maintenir la paix est moins forte qu’elle n’apparaît dans les médias. Elle est souvent motivée par le "do something syndrom" (on envoie des troupes parce qu’on voit décidément trop d’horreurs à la télévision...)ce qui aggrave souvent les logiques d’affrontement ! M. Ruffin juge toute intervention militaire extérieure très dangereuse voire nuisible si elle est lancée avant un accord de cessez le feu. Il est fort difficile d’imposer la paix tant que les protagonistes locaux ne la désirent pas. En revanche, une intervention militaire peut se justifier pour garantir un accord.
L’auteur préconise des interventions non militaires sur le terrain, notamment celles qui visent à ouvrir des espaces de discussion entre belligérants. Il faut pouvoir faire en sorte que toutes les factions, y compris celles qui ne sont pas reconnues, puissent accéder au dialogue. Les ONG ont une grande capacité à investir ce domaine, même si la place qu’elles peuvent y prendre reste à préciser.
Eugenia Piza-Lopez évoque à ce sujet la jeune expérience d’International Alert, une organisation créée en 1985 par Martin Enals (un des fondateurs d’Amnesty International). Au Rwanda, Burundi, Sri-Lanka, dans l’ex-URSS, au Guatemala, International Alert lance des partenariats avec les populations locales et les agences internationales (telles que le HCR), créant des espaces de dialogue pour aboutir à la paix.
Eugenia Piza-Lopez estime que la diplomatie préventive est possible à tout moment d’un cycle de violence. Mais elle n’est efficace que si l’on s’engage sur le long terme et si l’on reconnaît tous les aspects et perspectives de la situation sur le terrain.
L’auteur aborde l’épineux problème de l’indépendance : à qui International Alert doit-elle rendre des compte ? Aux peuples ? Aux bailleurs de fonds ? Autre question : faut-il tout prévenir , éviter tout conflit ou se contenter de gérer leur violence ? M Ruffin estime que certains conflits peuvent être moteurs dans l’histoire d’un pays. Ils permettent de trouver des solutions durables à des problèmes épineux.
L’expérience du Rwanda, montre que les ONG, très présentes dans ce pays, n’ont pas forcément les capacités de prédiction nécessaires pour éviter le pire. Mais il n’empêche que l’action sur le terrain leur permet d’ observer pour témoigner, alerter. Pendant le conflit, les ONG qui font le choix de rester peuvent aussi perpétuer un lien entre les belligérants, aussi ténu soit-il.
Quand elles intègrent la prévention des conflits, les ONG doivent particulièrement se méfier des effets pervers que leur présence engendre, des risques de manipulation, de l’amateurisme ou de la valorisation excessive de leurs capacités.
Leurs réelles possibilités d’influence restent modestes mais elles peuvent être améliorées par une plus grande coordination inter-ONG. Les ateliers de cette journée du 2 décembre 1996 ont aussi permis de lancer quelques pistes pour avancer dans ce sens : créer une ONG capable de récolter l’info pour constituer un réseau d’alerte ou créer une coordination inter-structures.
Michel Rocard intervenait lors de cette journée en tant que rapporteur de la commission intergouvernementale européenne qui a tenté de mettre en place une cellule de planification de la politique européenne et de préparation des décisions. Cellule qui réunirait notamment des acteurs de terrain et dont la mission première serait d’alerter les gouvernements sur les situations potentiellement conflictuelles. Autrement dit faire en sorte que les décideurs européens puissent avoir un accès rapide à ces informations et la possibilité d’en discuter pour aboutir à une action concertée. Des efforts qui, le 2 décembre 1996, n’avaient pas porté leurs fruits.
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Les ONG ont tenté lors de cette journée du 2 décembre 1996 une première réflexion sur le rôle qu’elle peuvent prendre dans la prévention des conflits. Grâce à sa forme synthétique et à ses textes très accessibles, le compte-rendu permet de faire le tour des nombreuses questions cruciales abordées lors des interventions ou des travaux d’atelier.
La poursuite de ce travail nécessitera sûrement de se pencher plus avant sur la coordination de l’action des ONG entre elles, ainsi que sur les relations entre ONG et diplomatie gouvernementale.
Faut-il pour autant créer une nouvelle coordination inter-ONG ou une nouvelle ONG spécialisée dans la prévention ? Ne serait-il pas plus rapide, plus économe en énergie et en moyens qu’une structure déjà investie d’une mission de coordination-inter ONG se charge de ce travail ?
Actas de colóquio, seminário, encontro,…
HERLEMONT, Nathalie, Coordination Sud, International Alert, Journée de travail sur la prévention des conflits, FPH in. Dossiers à fenêtre, 1997 (France), n° 90
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - Franca - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr