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Avoir vingt ans à Bamako

Pierre Yves GUIHENEUF

01 / 2000

Après trente-trois ans de régime autoritaire, le Mali connaît une accalmie et bénéficie d’une réelle démocratie. Les jeunes de Bamako en profitent pour inventer et faire vivre une culture urbaine encore récente. Car la capitale, qui a grossi pour atteindre quasiment le million d’habitants, garde des allures de village.

Ainsi les "grins" exhalent une odeur bon enfant, rieuse et nonchalante. Ces groupes amicaux se réunissent à la tombée de la nuit. Ils sont composés d’une dizaine de garçons ou de filles, parfois plus. On y parle de tout et de rien, on évoque la mode ou on refait le monde, on commente les derniers films ou on discute des relations avec l’autre sexe. On raconte comment, en se rendant au lycée, on échappe à la vigilance des parents - le pagne glissée par-dessus la minijupe, les chaussures à talons dissimulés dans le sac - et comment on se fait prendre par un oncle qui passait par là. On parle de la musique, de la danse ou du sport. On partage le thé et les cigarettes, les problèmes et les joies.

A vingt ans, ces rendez-vous quasi quotidiens de la convivialité et de la solidarité deviennent vite indispensables et la capitale du Mali regorge de grins. Parfois, les garçons rendent visite aux filles, pour des discussions pudiques qui se poursuivent parfois en aparté, dans la discrétion : les jeunes couples hors mariage sont légion, mais ne se montrent guère en public.

Dans les grins, on parle aussi du travail. Décrocher en emploi stable est une obsession et souvent une illusion, pour ces jeunes qui doivent rendre compte à leurs aînés des sacrifices consentis pour leurs études. Les élus sont rares dans un pays où les petits boulots et "la débouille" sont la règle, et où on reste à la merci des patrons. D’autant plus que le niveau de scolarisation est faible au Mali : 9 % seulement des jeunes accèdent au collège (6 % des filles). Dans la capitale, ce taux est plus élevé, mais les études ne garantissent pas pour autant l’emploi. Les relations sont pour beaucoup dans le succès des démarches de recherche d’un travail.

Autre objectif largement partagé par la jeunesse malienne : fonder une famille. Il n’y a pas urgence : l’âge du mariage recule sensiblement. Mais la famille reste une valeur sûre, malgré un taux de divorce important chez les quadragénaires, la vision quotidienne de parents souvent empêtrés dans les problèmes de mésentente entre les co-épouses (la polygamie étant pratiquée au Mali)et les difficultés de la coexistence dans les "concessions", groupes d’habitations où vivent plusieurs familles plus ou moins apparentées.

Les jeunes Maliens, sous une apparente indolence et décontraction, cachent une énergie qui transparaît au travers des citations à l’emporte-pièce rapportées par la sociologue Marie-Laure de Noray et des clichés du photographe Gilles Coulon.

Palavras-chave

cidadezinha, jovem, relações sociais, condições de vida


, Mali

Fonte

Livro

COULON, Gilles; DE NORAY, Marie Laure, Avoir 20 ans à Bamako, Alternatives, 1999 (France)

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