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La sécurité alimentaire face à l’Organisation mondiale du commerce

Pierre Yves GUIHENEUF

06 / 1999

Les négociations de l’OMC qui doivent s’ouvrir à la fin de l’année 1999 constituent une étape décisive pour le commerce et la production des produits agricoles et alimentaires. Et, comme le rappelle Marcel Marloie dans l’introduction de ce numéro, elles auront un large impact sur les petites paysanneries, qui représentent une population considérable à l’échelle de la planète et dont les intérêts sont souvent niés ou mal représentés par les organisations existantes. Il est important que celles-ci se fassent un point de vue sur le processus de mondialisation et sur les politiques publiques qui les concernent, de façon à ce qu’elles puissent jouer un véritable rôle dans leur évolution. Ce numéro se fait l’écho de leur réflexion et voudrait les encourager à prendre une part plus active dans ces négociations.

Jean-Christophe Bureau identifie de nombreux points dans l’agenda prévu de ces négociations, dont la plupart sont susceptibles de provoquer des crispations entre l’Union européenne et les États-Unis, mais également avec le Groupe de Cairns ou plusieurs pays en voie de développement, notamment asiatiques :

- les quotas tarifaires

- les droits de douane

- les aides ou les taxes aux exportations

- les aides compensatrices aux agriculteurs (la boîte bleue)

- les barrières sanitaires et phytosanitaires

- les normes environnementales

- la politique de concurrence et l’administration publique du commerce

- les accords régionaux

- les barrières non tarifaires fondées sur des principes éthiques ou sociaux (article XX du Gatt)

- la stabilisation des cours mondiaux.

Selon Stéphane Guéneau, Anne Chetaille et Rémi Montgruel, les ONG écologistes adoptent en général une stratégie visant à aménager les règles de l’OMC plutôt que de les rejeter en bloc même si, depuis 1995, la conception dominante à l’OMC en matière de développement durable consiste toujours à dire que le libre commerce favorisera une croissance économique génératrice de ressources, ce qui permettra de réparer les dégâts causés à l’environnement. Cette philosophie ultra-libérale est violemment critiquée par les ONG, mais celles-ci tentent de dépassionner le débat et de formuler des propositions constructives sur des points précis. Deux grands sujets de controverse sont ainsi susceptibles d’apparaître au cours des prochaines négociations :

- l’interprétation de l’article XX du Gatt par l’Organisme de règlement des différends. L’article XX est invoqué pour justifier des entorses au libre-commerce lorsque celles-ci sont nécessaires à protection de la santé, de la vie des personnes, des animaux et des végétaux.

- l’application du principe de précaution. Ce principe sera certainement invoqué dans le cas des produits animaux aux hormones (viande bovine, lait...)et surtout dans celui des Organismes génétiquement modifiés.

Herman Van Beek rappelle que la clause sociale, qui prévoit que certains pays doivent respecter les droits sociaux pour bénéficier de certains avantages commerciaux, est contestée par des pays en développement qui y voient un protectionnisme déguisé des pays développés. Mais le respect de ces droits n’est pas incompatible avec la compétitivité et le développement économique, au contraire. Et même si c’était le cas, il serait inacceptable que des pays qui ne respectent pas ces droits se trouvent de fait en position d’avantage concurrentiel. Ce débat pose la question de l’universalité de ces normes et du droit d’ingérence : c’est pour cela que les normes sociales doivent être limitées aux droits fondamentaux basés sur l’universalité des Droits de l’Homme.

Au-delà de ces points précis sur lesquels se porteront les négociations, ce sommet s’ouvre dans un contexte où l’idéologie du tout libéral est contestée. C’est le point de vue de Dao Thê Tuan, qui estime que la crise asiatique a montré l’intérêt de certains niveaux de protection. Dans le cas du Viet Nam en particulier, le fait que l’économie nationale soit peu intégrée dans l’économie mondiale, que la monnaie soit inconvertible et que le secteur bancaire soit peu internationalisé a constitué un facteur positif qui a permis d’amortir les effets de la crise. En revanche, les bons élèves des institutions internationales se sont trouvés être les plus durement frappés. Dans le domaine agricole, il est nécessaire de revaloriser les modèles de développement fondés sur l’agriculture familiale et les marchés intérieurs.

Paul Nicholson, au nom de l’organisation paysanne internationale Via Campesina, estime que l’OMC, outil du libéralisme, ne doit pas soumettre à ses règles les échanges alimentaires. Il est nécessaire que chaque région ou pays conserve le droit de produire ses aliments et de conserver son agriculture, pour des raisons liées à la souveraineté alimentaire et à la protection de l’emploi.

Jeanot Minla Mfou’ou va dans le même sens en déclarant, au nom du réseau africain APM, que le maintien de la petite agriculture est nécessaire et que cela passe par des politiques publiques de régulation, de contrôle et d’appui. La protection des cultures vivrières nationales doit être garantie par une certaine protection douanière. Pour ces deux raisons, l’agriculture paysanne a besoin de l’Etat.

Le réseau international APM (Agricultures paysannes, société et mondialisation)mis en place à l’initiative de la FPH, a largement contribué à l’élaboration et à la confrontation de ces positions. Cette capacité collective d’analyse et de proposition est le fruit d’un long processus de formation, d’étude et d’échanges. Pour son animateur, Pierre Vuarin, un tel réseau d’organisations et d’individus peut stimuler un débat citoyen sur les normes internationales dans le domaine agricole et alimentaire. Alors que l’ultra-libéralisme a perdu de sa crédibilité, il faut travailler collectivement à l’élaboration de propositions visant à intégrer dans les règles de l’OMC des mesures garantissant la sécurité alimentaire et la survie de la paysannerie dans le monde.

Palavras-chave

agricultura, agricultura camponesa, comércio internacional, soberania alimentar, negociação internacional, normalização, rede de cidadãos, alimentação, regulamentação internacional, OMC


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Fonte

Artigos e dossiês

MARLOIE,Marcel (Coord.), SOLAGRAL, La sécurité alimentaire face à l'Organisation mondiale du commerce, Marcel Marloie, Solagral in. Coopération internationale pour la démocratie (CID), 1998/12/ (France), n° 8

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