Plaidoyer pour la constitution des Etats Unis d’Europe
04 / 1999
La construction européenne a toujours été une lutte entre les tenants de l’intégration politique et les partisans d’un simple espace commercial. <Il est grand temps, écrit Pierre-Yves Monette, d’emboîter le pas des pionniers de l’Europe et de comprendre que les États-nations sont à hier ce que l’Europe unie est à demain>.
Depuis vingt-cinq ans maintenant, l’économie européenne est en perte de vitesse. Elle a un besoin urgent de croissance porteuse d’emplois, ce que les différents gouvernements ne sont jamais parvenus à lui donner. Seule une intégration des politiques économiques (dans le domaine monétaire, social, commercial, fiscal, industriel, scientifique et technologique)peut y parvenir. Cette intégration économique totale est le prélude à une unification politique et militaire. Sans unification économique et monétaire, nos pays sombreront dans la décadence économique et sociale. Avons-nous le choix entre la prospérité et le déclin ?
En matière de politique extérieure, l’unification est également un impératif absolu. Dans un contexte d’après guerre froide, et malgré nos différences et nos rivalités, il faut en finir avec nos petites politiques nationales et embrasser un destin plus ambitieux, pour jouer le rôle qui nous revient sur la scène internationale.
Dans le domaine sécuritaire et militaire, dans celui de l’environnement, dans celui de l’énergie, dans celui des communications ou encore celui de l’approvisionnement alimentaire, il est urgent d’intégrer fortement nos politiques. Les citoyens européens ont un intérêt direct et évident à l’émergence d’un État européen, en faveur duquel nos gouvernements nationaux abdiqueraient leurs pouvoirs dans différents domaines. Le projet d’un État européen souverain et indépendant est ambitieux mais pas irréaliste. Quelles seraient ses principales caractéristiques ?
- une forte intégration des politiques n’est pas possible si l’Europe compte avec un trop grand nombre de pays. Avec vingt ou trente États, le projet serait trop dilué. Il faut mettre en place une Europe à deux vitesses, une "Europe rapide" et une "Europe lente". La première constituera le véritable État européen, la seconde sera un club de coopération inter-gouvernementale (avec zone de libre-échange et monnaie commune). Pour autant, l’Europe lente ne devra pas s’ouvrir à tous les pays : la candidature de la Turquie, par exemple, n’est pas réaliste, notamment pour des raisons liées au respect des droits de l’Homme, insuffisant dans ce pays. Il n’est pas question non plus que l’Europe s’étende progressivement jusqu’en Asie !
- la future Europe sera fédérale. Mais les entités fédérées pourraient être les régions plutôt que les États actuels, dans un souci de décentralisation. C’est en tous cas la position du mouvement européen régionaliste, quelque peu idyllique mais pas totalement fausse. En tous cas, la première étape est de fédérer les États nations avant de discuter si ceux-ci doivent ou non disparaître.
- cette Europe devra se doter d’une constitution unique et d’institutions, en particulier d’un Parlement et d’un gouvernement fédéral. Dans une période transitoire, et pour éviter les susceptibilités, un ministre au moins devrait provenir de chaque entité fédérée, mais cette situation devrait durer seulement une quinzaine d’années. Le président serait la clé de voûte du système institutionnel européen. Garant de la constitution et de l’indépendance nationale, chef de l’exécutif et des forces armées, il serait seul à pouvoir engager l’Europe dans les traités internationaux. Il serait élu au suffrage universel pour cinq ans. Nos chefs d’Etat actuel - présidents et souverains - ne disparaîtraient pas pour autant. Pareille abolition provoquerait un traumatisme social et nuirait à l’acceptabilité du projet européen. Leur rôle évoluera, mais leur poste ne sera pas remis en cause. Ils pourraient devenir des sortes de gouverneurs de leurs États respectifs.
- l’Europe devra se doter d’une capitale fédérale, sans doute Bruxelles. Elle devra également adopter des langues officielles, seules à être utilisées par le pouvoir fédéral pour des raisons d’économie notamment : probablement l’anglais, le français et l’allemand qui sont les plus parlées. Le trilinguisme devra être encouragé systématiquement. Mais l’intégration politique de signifiera pas l’uniformité culturelle, elle pourrait au contraire se doubler d’une diversité culturelle. Il y a bien des cultures régionales dans nos États actuels, il en ira de même avec une Europe unie.
(P.Y. Monette , ancien avocat, est médiateur fédéral de Belgique).
integração regional, fortalecimento das instituições
, Europa
La description détaillée du fonctionnement de ce que serait une Europe fédérale constitue le principal attrait de cet ouvrage, même si on peut penser que l’avènement de ce projet est peut-être un peu lointain pour être décrit avec autant de précision.
Mais surtout, l’argumentaire est contestable et nuit gravement à la thèse. P.Y. Monette recourt trop fréquemment à l’alarmisme pour rester crédible. Il déclare par exemple <Nos structures nationales sont complètement dépassées. Désunis, nos pays ne sont plus adaptés au monde d’aujourd’hui et ils le sont a fortiori encore moins à celui de demain. Une alternative s’offre donc clairement à nous, un choix urgent à faire entre l’unification européenne véritable ou le déclin irrémédiable, pour ne pas dire le chaos>(p. 15). Entre "moi ou le chaos", le lecteur n’est pas obligé de choisir, et de choisir vite, comme voudrait l’y obliger l’auteur. Homme de conviction sans aucun doute, P.Y. Monette ne parvient cependant pas à convaincre et balaie trop rapidement, sous prétexte de désuétude, les résistances d’une partie de la société européenne à la création des États Unis d’Europe.
Livro
MONETTE, Pierre Yves, L'Europe Etat d'urgence, Desclée de Brouwer, 1997 (France)
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