12 / 1998
A la suite d’événements terribles, des populations paysannes guatémaltèques reprennent confiance, assurent leur développement endogène grâce à l’appui logistique de l’ONG Médecins du Monde. En effet, en initiant des projets de santé et d’assainissement, MDM organise des formations d’agents locaux pour la reprise en main des projets en fonction de leurs propres besoins. Le but de la coopération n’est-il pas celui-là même de la transmission et de l’échange des compétences pour que des hommes, des femmes et des enfants prennent en charge leur propre destin ? Ce souci constant d’intégration ou de réintégration des populations entre elles, de formation et d’appropriation d’instruments techniques apparaît donc comme la phase initiale indispensable à la mise en route de tout processus de développement humain dans tous ces aspects, et en particulier celui de la santé dans ce cas précis.
Au début des années 1980, la région de l’Ixcan, dans le département de Quiché, au Guatemala, a connu une période de répression. De terribles exactions sur les populations civiles paysannes ont été commises par l’armée, laquelle avait décidé de reprendre en main cette région du fait de l’implantation de la guérilla dans la zone. L’armée massacra ainsi des hommes, des femmes et des enfants, et brûla ensuite les villages. Les populations survivantes se réfugièrent dans la forêt et passèrent la frontière du Mexique. Ce dernier reçut alors plus de 100.000 réfugiés sur son territoire.
A partir de 1983, un vaste programme de repeuplement de l’Ixcan est mis en route par MDM, mais celle-ci va longtemps souffrir de l’isolement. La méfiance des ONG guatémaltèques est compréhensible, elles refusent de travailler dans cette région contrôlée par l’armée. L’arrivée en 1986 du premier gouvernement civil est marquée par une volonté de résoudre le problème des populations réfugiées au Mexique et de favoriser leur retour. Ce sera finalement la population civile elle-même qui va aider à l’implantation du programme. En effet, l’absence des institutions gouvernementales et notamment d’un service de santé appropriés aux besoins va mobiliser les populations à adhérer au projet.
Le programme a démarré par une assistance curative des maladies les plus communes grâce à un travail de proximité dans tous les villages de la région. Peu à peu la confiance s’est installée, les consultations se faisant de plus en plus nombreuses. MDM a alors proposé aux communautés un programme de formation d’agents de santé en leur laissant le choix des personnes à former. C’est ainsi que le programme de "promoteurs de santé" a démarré dans la perspective que des agents locaux soient capables de soigner les principales pathologies et de réaliser un travail de prévention. Grâce à un fond de départ de MDM, les populations ont construit elles-mêmes un dispensaire et des pharmacies villageoises, dont le fonctionnement sera régi par un système de fonds rotatif progressivement mis en place. Pour une meilleure distribution des médicaments et un accès aux meilleurs prix, MDM a mis les promoteurs de santé en contact avec les laboratoires de la capitale. Ainsi, les médicaments achetés en gros sont ensuite revendus à chacune des pharmacies villageoises. Et les bénéfices réalisés sont utilisés pour le rachat de nouveaux médicaments.
Ce travail de formation et d’organisation a permis de créer en 1989 la première Association de promoteurs de santé de l’Ixcan, dont les statuts ont été acceptés par le Ministère de l’Intérieur. Elle mobilise aujourd’hui 130 promoteurs et distribue des médicaments dans plus de 80 villages. De plus, l’association joue un rôle important dans les campagnes de vaccination du Ministère. Devenue un interlocuteur privilégié et indispensable des programmes de développement, l’association fait aujourd’hui partie d’une instance de coordination interinstitutionnelle avec le Ministère de la Santé, la Municipalité, les programmes de développement de l’ONU et diverses ONG nationales et internationales. Elle a également pris le relais de certaines activités de MDM en obtenant des fonds d’agences européennes.
En parallèle du travail effectué dans le secteur de la santé et de sa prévention, les villages ont fait une demande de soutien à MDM pour la réalisation de travaux d’assainissement. La méthodologie de MDM s’est orientée là encore sur la formation grâce à l’organisation de sessions pour apprendre aux villageois la construction et l’entretien de latrines, de puits et d’aqueducs ruraux. Au sein de chaque village, les habitants se sont mobilisés pour la construction effective et pour obtenir l’appui financier des ambassades et d’agences internationales. Les conditions d’hygiène se sont ainsi améliorées. Et avec elles, la région de l’Ixcan est sortie de son isolement grâce aux visites des représentants de ces ambassades et de ces agences internationales.
A partir de 1992, MDM a obtenu une reconnaissance qui lui a permis de prendre place dans la commission technique créée par les réfugiés au Mexique pour préparer leur retour dans la région. Avec l’appui du HCR, MDM a pris en charge l’accompagnement et le suivi sanitaire pendant et après les retours. Peu de temps après, les ONG guatémaltèques ont commencé à s’intéresser aux programmes de MDM. En venant travailler sur le terrain aux côtés de MDM, toujours avec la crainte des réactions de l’armée, elles ont acquis une expérience dans cette zone. Deux ONG locales ont aujourd’hui repris une partie du projet de l’ONG française grâce à l’accès à des financements de l’Union européenne.
Au Guatemala, MDM a dès le départ parié sur l’engagement des communautés pour leur permettre de s’approprier les projets. Ce sont elles qui ont mis la main à la pâte pour construire les pharmacies villageoises, pour choisir leurs promoteurs de santé, pour gérer les projets d’eau et de latrinisation. Ces efforts communautaires leur donnent maintenant du poids et de l’expérience pour négocier de nouveaux projets et exiger du gouvernement sa participation. Les problèmes socio-économiques demeurent néanmoins cruciaux tels le problème de la propriété de la terre et la violation des droits de l’homme, mais quelque chose de fondamental a changé : la population civile ose revendiquer un droit de parole dans les négociations au niveau local comme au niveau national.
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, Guatemala
En prônant le développement endogène des populations guatémaltèques, l’ONG Médecins du Monde soutient les initiatives et les revendications identitaires des Indiens. Ceux-ci prennent leur destin en main et s’approprient les projets. Une reconstruction populaire qui vaut la peine d’être vécue ...
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Documento interno
FORAX, Michel, 1995/10/
CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - Franca - cedal (@) globenet.org