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Autonomie et dépendance des organisations paysannes sénégalaises face à leurs partenaires financiers du Nord, selon la présidente de la Fédération des ONG sénégalaises -FONGS-

Séverine BENOIT, Ndeye SARR

10 / 1998

Madame Ndeye Sarr, Présidente de la FONGS (Fédération des ONG paysannes Sénégalaises): "Il y a pas mal de problèmes avec l’aide. Je peux raconter une petite anecdote. Tu connais le chacal? Il y a un arbre fruitier dont les fruits sont beaucoup aimés par les chacals. Et là, il y a un chacal qui est malade. Alors on lui demande de quoi il avait eu ses maux de ventre. Il avait la diarrhée. On lui a demandé ce qui lui avait donné la diarrhée. Il a dit: "Par tel fruit". Et on lui a dit: "Qu’est-ce qui va te soigner?". Et il a dit: "Le même fruit". C’est cela l’aide. On a des problèmes avec l’aide. Mais jusqu’à aujourd’hui, on ne peut pas s’en passer. On a des problèmes si l’aide ne vient pas répondre à un besoin, ou bien si l’aide ne respecte pas nos valeurs, car chaque localité a sa propre culture et si l’aide vient pour nous couper de notre culture, cela ne va pas nous rendre service. Si l’aide vient pour nous faire changer de route et nous dit: "Vous allez faire cela parce que c’est cela que je veux", cela ne va pas nous rendre service. Je pense que l’aide est nécessaire et jusqu’à présent on en a besoin parce qu’on n’est pas autosuffisants pour aller seuls. Même les gouvernements, dans nos pays, ne sont pas autosuffisants. Ils reçoivent de l’aide. Mais l’aide doit venir renforcer nos acquis. L’aide doit venir répondre à nos besoins, c’est à dire solutionner nos problèmes, et pas nous poser d’autres problèmes. Quelquefois l’aide passe par le gouvernement, et le plus souvent cela ne règle pas le problème du producteur. Si l’aide doit répondre au besoin de quelqu’un, elle doit aller jusqu’au bénéficiaire directement. Une fois allée au bénéficiaire, l’aide doit se fonder sur un partenariat. C’est à dire que l’aide ne doit jamais dire: "Ne faites plus cela, je vais vous aider, vous allez faire ceci". Si quelqu’un a besoin d’être aidé, il dit: "Je veux être aidé sur tel et tel domaine" et on voit comment le faire. Jusqu’à présent , ce n’est pas toujours cela, mais il y a certains mouvements qui exigent que ce soit cela. Il y a certains milieux qui exigent que l’aide soit l’assistance, mais nous, nous demandons qu’elle réponde à nos propres besoins et disons non à la dictature de l’aide. On a besoin de l’aide. Mais quelquefois l’aide ne vient pas aider, elle vient plus fatiguer.

Au niveau de la FONGS, il nous est arrivé de tourner le dos à des bailleurs de fonds, parce que ce qu’ils voulaient nous faire comprendre, on ne voulait pas le comprendre. C’est possible de refuser l’aide et il faut même quelquefois la refuser. Il nous est arrivé de suspendre un programme parce qu’on ne pouvait pas les rejoindre dans leur démarche et qu’ils ne voulaient pas nous comprendre la nôtre. On ne refuse pas l’aide et si on ne travaille plus avec un partenaire, on va travailler avec un autre. Si on était autosuffisants, on ne travaillerait pas avec un consortium de bailleurs de fonds pour leur demander des fonds. Si on était autosuffisants, on financerait directement nos associations, ou nous serions une ONG qui donne des financements. On a besoin de l’aide. Mais l’aide ne doit pas détruire nos valeurs, elle doit respecter les valeurs de ses partenaires, essayer de les comprendre. Il faut que dans la relation d’aide, chacun trouve son compte.

Il faut parvenir à un vrai partenariat. Il y a plusieurs mauvais partenariats, que l’on peut dessiner. Ndeye Sarr dessine deux personnes, assises sur un même socle, c’est le partenariat:

- il y a un monsieur avec une grande bouche et de toutes petites oreilles (ou il n’en a pas, car il ne veut rien entendre), les poches remplies d’argent, il a une grosse tête parce qu’il se dit qu’il connaît tout;

- il y a un monsieur, peut-être c’est nous, qui a de grandes oreilles, une petite bouche (ou il n’en pas), les poches vides. Nous ne voulons pas de ces partenariats-là.

Certains partenaires le comprennent, ceux qui veulent le comprendre. Il n’y a pas longtemps, j’ai rencontré un certain monsieur Gunter, d’une ONG allemande. Si la façon dont il défendait l’aide était comprise par les autres bailleurs de fonds, il n’y aurait pas de problème. Parce qu’il a dit qu’il ne voulait pas venir avec de l’aide pour dire ce qu’il fallait faire, mais pour assister, en concertation avec les bénéficiaires. Ce qu’il faudrait pour améliorer l’aide, c’est de tenir un partenariat, durable, concerté. Il faut que ceux qui donnent l’aide et ceux qui la reçoivent soient des partenaires, qu’il n’y ait pas de dictature. On doit être aidé sur un tel domaine.

On fait la concertation, on accepte de réfléchir, de s’engager, de travailler autour d’un programme, flexible, transparent. Flexible parce que l’on peut programmer de faire quelque chose à telle période et par exemple, si à la période c’est bloqué du côté de l’un ou de l’autre, il faut qu’on accepte de se rencontrer, de se reparler. S’il y a réussite, qu’on accepte que c’est l’effort de tout le monde, qu’on partage. S’il y a le contraire, il faut qu’on partage les pots cassés. On doit accepter d’instaurer un dialogue fréquent, permanent, de s’asseoir à chaque fois que c’est nécessaire".

Palavras-chave

cooperação, organização camponesa, parceiro, autonomia, dependência econômica, financiamento do desenvolvimento


, Senegal, Thies

Comentários

L’aide soigne. L’aide rend malade. Comment soigner cette maladie sinon par l’aide elle-même, explique Madame Ndeye Sarr. Mais à condition que "dans la relation, chacun y trouve son compte", conclut-elle, avec optimisme. Elle-même nous expliquait, en 1980, que sans l’aide extérieure, les femmes ne seraient pas devenues responsables au sein des associations paysannes.

Notas

Entretien à Bonneville, septembre 98

Entretien avec SARR, Ndeye

Fonte

Entrevista

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