10 / 1998
Madame Ndeye Sarr, Présidente de la FONGS (Fédération des ONG Sénégalaises): "Je suis née dans un village, dans le département de Dagana. C’est là où j’ai fait mes études primaires et je les ai terminées dans le village de ma mère qui se trouve dans le même département. Après j’ai fait mon secondaire. En 1971 je suis rentrée au village. J’avais le niveau du BEPC à l’époque, mais cela n’a pas marché. Mon père avait l’intention de me payer des études mais il n’avait pas les moyens. Donc je suis retournée au village et je me suis mariée. De 1971, époque où j’ai quitté les bancs, à 1984, je suis femme au foyer. Je suis chez mon mari, je gère les activités de la maison, comme toutes les autres femmes du village. Je fais la cuisine, je fais mon champ, je vais chercher du bois dans la forêt avec mon enfant au dos. A l’époque, mon mari était un jeune instituteur qui était à Dakar et venait juste d’être embauché par la fonction publique. Et il a eu l’idée de revenir au village pour créer le foyer des jeunes. Il avait des raisons. Premièrement, notre village était encadré par la SAED, une structure de développement de l’Etat qui aménageait les périmètres irrigués. Et il s’est trouvé que mon père leur payait trop de redevances. Il ne leur devait pas car il y avait des surfaces non- exploitées qui étaient payées par mon père. A l’époque aussi il y avait la grande sécheresse (1973)et les jeunes quittaient massivement les villages. Le ministère de la jeunesse et des sports voulait développer la lutte contre l’exode rural. Les deux faits ont poussé mon mari à retourner au village et à animer le Foyer des jeunes qui avait pour objectif de lutter contre le sous-développement, de lutter contre l’exode rural et de permettre aux jeunes du village de rester dans leur terroir. Ce sont eux qui ont lancé des activités de développement. Le Foyer des jeunes de Ronkh s’est créé en 1963 et a été officiel en 1967.
Pendant tout le temps qu’existait le Foyer des jeunes, il n’y avait pas l’implication des femmes parce qu’on était dans un village où il y avait encore le poids de la tradition et de la religion. Ils disaient que la femme devait rester au foyer, qu’elle ne devait pas être présente dans certains lieux, qu’elle ne devait pas prendre la parole. Le Foyer a évolué pendant quelques années. Au Foyer, on était convaincu que le développement se faisait par l’homme et la femme et on a créé la section féminine du Foyer des jeunes; à l’époque j’étais encore étudiante, mon mari aussi même s’il avait déjà commencé à travailler. Je ne suis pas la première présidente de la section féminine du Foyer. Quand je suis rentrée de mes études, on devait créer un groupement de promotion féminine : il y avait la section féminine du Foyer mais il y avait aussi d’autres organisations dans le village, des organisations que l’on appelait les Comités. Certains pour la politique; d’autres pour la religion. On est tous musulmans, mais on n’a pas tous le même Califat.
Pour créer le groupement de promotion féminine, on devait avoir les jeunes filles et femmes du Foyer, les femmes qui sont aux Comités et les femmes des autres associations. On a pensé qu’il fallait créer quelque chose pour mobiliser toutes les femmes du village. Et c’était l’époque où, au niveau du gouvernement sénégalais, on avait la politique de créer des groupements de promotion féminine. On a créé en septembre 1984 le "Foyer Femmes". J’ai été volontairement élue comme présidente. On a travaillé avec le Foyer des jeunes qui était très très très dynamique à l’époque et qui a aussitôt salué l’implication des femmes dans ce mouvement. Ils nous ont appuyé. On avait des programmes pour retenir les jeunes filles et les femmes dans le village après les récoltes. On avait un programme d’allègement des travaux des femmes afin de pouvoir les aider à s’alphabétiser en langue nationale. On s’est rendu compte que les femmes étaient très occupées pour piler la nourriture, donc on a trouvé une décortiqueuse à riz et un moulin à mil, financés par une organisation européenne. Après, on a pensé aux jeunes filles et on a créé un centre de couture et de teinture.
L’expérience du Foyer des jeunes de Ronkh a fait tâche d’huile et on a pu sensibiliser les autres villages environnants, qui ont répondu favorablement. C’est alors qu’on a créé l’Amicale, l’ASESCAW, Association économique, culturelle et sportive des agriculteurs ruraux. On disait à l’époque "des jeunes agriculteurs" mais finalement on a enlevé "jeunes agriculteurs" et on a mis "des agriculteurs". Lorsqu’on a créé l’Amicale du Walo, on était conscient du rôle de la femme dans le développement. Les femmes de l’Amicale réclamaient leur part parce que jusqu’alors elles n’étaient pas impliquées. C’est là qu’on a créé la Commission de la promotion féminine de l’Amicale que j’ai eu à diriger pendant des années".
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, Senegal, Thies
Faire leur place aux femmes au sein des premières associations de paysans (qui se sont créées au Sénégal, durant les années 70)n’était pas prévu par les hommes. L’actuelle (1998)présidente de la fédération de ces mêmes associations rappelle les premiers pas de "celles qui réclamaient leur part".
Entretien à Bonneville, septembre 98
Entretien avec SARR, Ndeye
Entrevista
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