Notre point de vue d’ONG du Sud
10 / 1999
Il y a de nos jours un grand débat sur le concept de durabilité. D’ailleurs le "développement durable", l’"agriculture durable " sont bien des thèmes exploités par les ONG du Sud pour capter la manne financière libérée par les gros bailleurs du Nord. Le Credetip a une approche prudente par rapport à ce débat sur la durabilité. Dans le domaine des pêches, les experts ont une perception réductrice de ce concept. La majeure partie d’entre eux, pour ne pas dire tous, s’intéresse uniquement à la ressource. Donc pour ces derniers, c’est une question de rendre durable un potentiel donné et non la pêche dans sa globalité. Alors que pour nous, la question fondamentale est de voir comment permettre aux pêcheurs de préserver leur métier aussi longtemps qu’ils le souhaitent. Il est aussi important de rendre durable le capital social (les connaissances ethno-scientifiques des pêcheurs ; les technologies traditionnelles de transformation du poisson). A travers toute notre trajectoire dans la pêche, nous avons tenu à véhiculer ce message sur la durabilité qui est un enjeu important pour l’avenir des pêcheries et des Humains qui en dépendent. Notre vision est fondée par les réalités de la pêche artisanale. Nous sommes en réalité dans un secteur d’activité où les acteurs ne dépendent pas seulement d’une seule espèce. Les pêcheurs sont polyvalents qui peuvent changer de cible suivant les saisons de pêche.
Il y a une autre raison qui nous pousse à avoir un entendement plus large du concept de "durabilité". C’est le fait que sans les humains, on ne puisse pas parler de pêche. Ce n’est qu’à partir du moment où le pêcheur et / ou la femme mareyeuse -transformatrice s’intéresse au produit que ce dernier devient une ressource. Sans le capital social de l’humain, la pêche artisanale, n’aurait pas peut-être connu le succès qu’il a. Pour cette raison, la durabilité de la pêche dépendra aussi de nos capacités à faire pérenniser ce capital social.
Au-delà de ces considérations générales, certaines mesures doivent être prises pour que la pêche continue à jouer son rôle sur les plans social, économique et culturel. Parmi ces mesures, les plus urgentes dans le contexte des pêcheries ouest-africaines sont:
- Une évaluation la plus exacte possible et sans complaisance de nos ressources halieutiques ; exercice préalable à toute politique d’aménagement et de gestion des pêches. Les accords de pêche avec les pays devraient être fortement conditionnés par l’existence de connaissances sur l’état de la ressource ;
- Une évaluation des besoins en ressource des pêches nationales avant la signature des accords avec l’extérieur ;
- Faire en sorte que la zone réservée à la pêche artisanale soit respectée par les gros bateaux industriels
- Evaluer en permanence l’effort de pêche industriel en termes de puissance des bateaux (Kw/h)et non de capacité (tjb);
- La limitation voire dans certains cas l’interdiction de certains engins de pêche artisanale. Par exemple pour les sennes tournantes, des mesures urgentes (limitation)s’imposent;
- Les communautés de pêcheurs doivent être réellement associées aux politiques de gestion et d’aménagement des pêcheries ;
- Enfin, les politiques de gestion et d’aménagement doivent considérer la pêche dans sa diversité (plusieurs ressources ciblées en même temps par les pêcheurs)et non en isolant une espèce donnée lors de la conception des plans et schémas de gestion.
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, Senegal
Aliou Sall est socio-anthropologue, spécialiste de la pêche. Il est aussi le secrétaire exécutif du Credetip.
Texto original
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