Travailler avec l’homme de manière globale pour éviter les pièges du cloisonnement sectoriel des actions de développement
04 / 1998
"Zambo"Djeralar, Responsable du Service de Production de l’ASSAILD (Association d’Appui aux Initiatives Locales de Développement)au Tchad, témoigne :
"Les gens, quand ils se mettent en groupe, réalisent un certain nombre d’activités. Par exemple, la construction de puits, de magasins, de bâtiments scolaires ou bien de centres de santé. Cela a un sens parce qu’après tout ce sont les femmes et les enfants de ces producteurs, qui bénéficient de ces structures et c’est important.
Par contre, pour les thèmes relatifs à la production par exemple, on ne peut pas mettre tout le monde ensemble et les amener à changer leur niveau de production. Les agents de l’ASSAILD faisaient du crédit et le crédit n’a pas donné les résultats escomptés. Ils donnaient des fonds aux groupements croyant que ceux-ci allaient investir dans les équipements et que cela permettrait d’augmenter la production. Or, faire des crédits de 200.000 CFA à des groupes de 10 à 20 membres, on se retrouve avec 20.000/10.000 CFA (100 FF)par personne et cela ne sert pratiquement pas à grand chose.
La question centrale de la nouvelle approche était celle-ci :"comment changer l’approche pour que les individus puissent changer de manière significative leur niveau de vie ?"Et, en travaillant avec les paysans durant l’autoévaluation, on a pensé agir au niveau individuel parce qu’il y a des disparités : il y en a qui ont des terres riches; il y en a qui n’ont pas de terre; d’autres n’ont pas d’équipements. On ne peut donc pas formuler les mêmes thèmes pour tout le monde parce que chacun a ses points forts et ses points faibles. C’est pourquoi on est arrivé à concevoir deux niveaux d’appui :
* le niveau des organisations paysannes pour aider à résoudre un problème qui dépasse le niveau d’un individu.
* le niveau individuel où l’on travaille directement avec le paysan dans son exploitation pour l’aider, en fonction de son niveau, à améliorer ses conditions de vie.
Je pense que l’ASSAILD est maintenant sur une bonne voie. Les autres structures font des choses mais c’est vraiment sectoriel; c’est-à-dire leur type vient chez le paysan et il lui dit qu’il développe telle technologie, qu’il lui donne la charrue et qu’il va se développer. D’autres disent :"Je fais de la formation et puis c’est tout. Que le paysan se débrouille !"Or, l’homme il est tout, le paysan il est à la fois sociologue, il est économiste, il est agriculteur, il est tout ! Donc on ne peut pas l’aborder seulement sous un angle, il faut le prendre vraiment dans sa globalité et c’est ce qu’ASSAILD met en route.
Cela fait une année déjà qu’on a commencé à travailler avec l’homme de manière globale. Parce que si vous amenez une nouveauté dans une famille, vous êtes assuré que cela va avoir des répercussions sur les autres aspects. Par exemple, si vous allez donner 10.000 CFA à un producteur, cela va avoir des répercussions sur sa femme, sur ses enfants, sur ses voisins. La réflexion s’élargit. On a identifié tel problème chez ce producteur et on cherche ce que cela peut avoir comme répercussion sur les autres aspects ? Là où nous, on est compétent, on peut appuyer ce nouvel aspect. Et là où l’on n’est pas compétent, on peut orienter les producteurs vers d’autres structures compétentes.
On essaie de faire cela et on voit déjà le résultat. Prendre en même temps non seulement la dimension matérielle, mais aussi la dimension spirituelle, la dimension intellectuelle, les connaissances, les dimensions relationnelles : sa femme, ses enfants, ses voisins. On aide le producteur pour qu’il puisse se projeter le plus loin possible. Un producteur dit :"Voilà mon niveau actuel et voilà dans 10 ans quel niveau je voudrais bien atteindre". Ses idées sont claires, il faut mettre les moyens en route et c’est à ce moment que l’aide extérieure a son sens. Le producteur veut par exemple des équipements : il faut trouver des fonds pour que la communauté ou l’individu puisse démarrer son projet.
Actuellement, on réfléchit à trois choses :
1. Est-ce qu’il faut mettre des fonds souples en place ? Quelle structure d’aide toucher pour que ces gens qui ont des idées claires puissent mettre leurs projets en route ? Il y a plein d’idées, mais ce qui est sûr c’est qu’on ne peut pas venir vers quelqu’un pour l’aider à avoir des idées claires et puis au moment où l’on parle de moyens lui dire :"Non nous on a pas de moyens".
2. Voir avec les communautés comment mobiliser l’épargne à la base. L’ASSAILD veut mettre en route une banque agricole, cela fait une année. Les études sont faites mais il y a encore des problèmes.
3. Nous envisageons d’aider les producteurs à rédiger leurs projets et à les envoyer. On va voir si on a quelques adresses au niveau régional ou au niveau international".
cooperação UE ACP, política internacional, organização camponesa, ONG, crédito
, Chade, Moundou
"L’homme, il est tout", dit notre interlocuteur. A la fois un être vivant en société dans son village, avec ses amis du groupement et un individu chargé de famille et occupé par son exploitation. C’est pourquoi il semble justifié, à ce cadre de l’ONG, que son ONG offre désormais deux niveaux d’appuis et non plus seulement le travail avec les groupements. Mais quels moyens mettre en oeuvre, et avec quels instruments de financement, pour ne pas être qu’accoucheur des idées des paysans et pour parvenir à ce que leurs rêves se concrétisent ?
Entretien réalisé en février 1998
[Fiche produite dans le cadre du débat public "Acteurs et processus de la coopération", appelé à nourrir la prochaine Convention de Lomé (relations Union Européenne/Pays ACP). Lancé à l’initiative de la Commission Coopération et Développement du Parlement Européen et soutenu par la Commission Européenne, ce débat est animé par la FPH.]
Entretien avec DJERALAR,Zambo
Entrevista
LECOMTE, Benoît
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