03 / 1994
Faisant suite aux turbulences suscitées par la succession des régimes au pouvoir à Managua depuis la chute du régime somoziste en 1979, la Côte Atlantique du Nicaragua a essayé de trouver avec le renouvellement de ses deux assemblées parlementaires régionales en février 1994 - celle de la Côte Nord et celle de la Côte Sud - un renforcement réel de son processus d’autonomie.
Les précédentes élections de 1990 avaient porté au pouvoir des majorités dont l’inefficacité étaient vite devenues évidentes. Une rapide analyse des facteurs de cette inefficacité érigée en système, dévoile le manque de préparation du personnel politique et administratif à la gestion des affaires publiques régionales. Ce manque de préparation résulte des failles du système de formation tant scolaire que technique ou professionnelle, du degré maximal de regroupement des factions politiques autour de personnalités dont la légitimité était issue pour la plupart du seul rôle qu’elles avaient joué pendant le conflit Contra-Sandiniste (1980/1990), et peut-être surtout de la marginalisation des instances politiques de la Côte Atlantique de la part du gouvernement de Managua.
Ce constat, fruit de l’analyse de coopérants scandinaves présents dans la région depuis plusieurs années a engendré l’initiative aujourd’hui soutenue par ASDI - l’agence de coopération au développement du gouvernement suédois - qui consiste à donner des fondations solides au processus démocratique dans le contexte ethnique, social, politique et historique de la Côte Atlantique.
L’accord conclu à cet effet entre le gouvernement suédois et le gouvernement nicaraguayen à la fin de 1993 a deux objectifs :
1)"soutenir la poursuite du processus d’autonomie et de démocratisation en cours et accroître la capacité et les compétences des autorités régionales, " et
2)"ainsi contribuer au développement de la Côte Atlantique ainsi qu’à l’unité nationale du pays en prenant en considération les droits des peuples indigènes."
Ces objectifs seront atteints par la mise en oeuvre d’un plan d’action autour de trois axes :
- soutien aux élections régionales et municipales sur la Côte Atlantique,
- consolidation institutionnelle des assemblées et des administra-tions régionales,
- soutien au processus requis pour rendre opérationnelle la loi d’Autonomie Régionale de 1987.
Les responsabilités pour la mise en oeuvre de ce plan sont partagées entre, d’une part, le gouvernement suédois qui assurera entre Juin 1993 et juin 1996 un financement d’environ US$ 3 million - dans le cadre des accords de coopération au développement avec le Nicaragua - et, d’autre part, le gouvernement du Nicaragua qui mettra son administration au service du programme et financera la part du budget non couverte par la Suède.
La première partie du plan s’est achevée par l’élection, le 27 février 1994, des assemblées régionales Nord et Sud (voir la fiche DPH : Côte Atlantique de Nicaragua - 27 février 1994, une élection sur mesure). La seconde s’est mise en oeuvre depuis. Elle est coordonnée par un coopérant norvégien choisi par ASDI.
Un bureau a été ouvert à cet effet à Managua. Il est surnommé "Ambassade de la Côte". Il s’agit de l’Oficina de Desarollo de la Autonomia de la Costa Atlantica du Nicaragua (ODACAN). Il coordonne les différentes activités prévues pour renforcer le processus politique de l’autonomie. La raison d’établir ce bureau à Managua plutôt que sur la Côte Atlantique est que les pressions sur le gouvernement central, pas nécessairement favorable à l’autonomie, seraient plus efficaces si elles étaient effectuées depuis Managua plutôt que depuis la Côte avec laquelle les communications sont souvent difficiles.
Le plan d’action prévoit :
1)programme de formation : les bénéficiaires seront les 90 membres des deux assemblées et les administrations régionales, les partis politiques, les pouvoirs et les administrations municipales, et au niveau des communautés villageoises les juges, les leaders locaux et religieux. Les progranunes comprendront un formation politico-juridique (constitution, loi d’autonomie, droits de l’homme, et autres lois liées à la gestion ré- gionale et locale), une formation administrative (comptabilité, techniques de réunions, processus démocratique, conununication entre le corps politique et la société civile). Une équipe de formateurs sera constituée qui tiendra compte des disparités locales, culturelles, linguistiques et sociales.
2)établissement d’un système de communication : réseau de communication radial, publication d’un bulletin officiel des assemblées régionales, publication de la loi d’autonomie dans les différentes langues, soutien aux journaux locaux.
3)soutien aux infrastructures : reconstruire la "Casa de Gobiemo" du Nord, détruite par un incendie criminel, améliorer celle du Sud, fournir l’équipement technico-aclministratif requis, assurer les services de traduction, d’assistance juridique, et de relation publique.
Ces différentes actions constituent un premier volet du plan d’action global. Une participation financière ou en nature de la part des régions a été exigée pour leur démarrage. Il est intéressant de noter que celle-ci a été bien au-delà de l’effort escompté, démontrant ainsi l’intérêt des autorités régionales pour appuyer un processus en profondeur.
processo de democratização, eleição, direitos humanos
, Nicarágua
La loi d’autonomie de 1987 a été conçue dans l’enthousiasme du processus révolutionnaire sandiniste, mais n’a finalement pas fait grand cas des réalités locales. Celles-ci n’ont pas tardé à se matùfester dès la mise en place du processus après les premières élections des assemblées régionales en 1990.
Il ne fait aucun doute que le plan en cours répond à un besoin. Cependant, les facteurs de l’inadéquation des mesures de la loi à la réalité du terrain sont multiples. Il n’est pas question d’interrompre le processus d’autonomie pour préparer un terrain plus favorable à son succès. Le fait d’engager un processus de consolidation en le superposant au fonctionnement aussi "normal" que possible des institutions qu’il est sensé consolider permet de s’interroger sur les chances réelles du succès de l’opération.
Cette initiative d’une grande originalité est le fruit d’une concertation qui recherche la vole de
l’efficacité. Elle constitue déjà en cela un premier résultat.
Diego Gradis est responsable de "Traditions pour demain", réseau associatif contribuant à la promotion et la défense des identités amérindiennes.
Texto original
TRADITIONS POUR DEMAIN