Ce texte offre un panorama très vaste de la politique agricole (c’est-à-dire concernant la production agricole et non l’élevage)qu’a menée le Mexique depuis la Révolution du début du siècle. La nature de l’Etat, patrimonial et paternaliste, explique l’évolution et les orientations de cette politique.
Tous les aspects d’une politique agricole sont étudiés à la lumière de la libéralisation, rendue nécessaire par l’effondrement de l’Etat interventionniste, à partir de la crise de 1982. Aussi bien, jusqu’à cette date, l’Etat avait accumulé de nombreux systèmes de protection et d’appui à l’agriculture, atteignant leur plus grande expression en 1982, grâce à une manne pétrolière qui fut de courte durée ; ensuite, il n’a eu de cesse que de confier aux lois du marché les mécanismes de régulation qu’il ne pouvait plus prendre en charge.
L’Etat qui émerge de la Révolution est antilibéral et va assumer un rôle directeur, interventionniste et patrimonial à l’égard de la société. Infrastructures sociales et productives vont de pair pour consolider un Etat central et lui apporter une légitimité politique. La crise de 1929-30 l’induit à poursuivre un modèle de développement économique par substitution des importations. Parallèlement, le bloc au pouvoir est issu des milieux de grands propriétaires terriens du nord et, bien qu’obligé de ratifier la réforme agraire et de distribuer les terres envahies par les paysans, il considère l’hacienda comme la seule unité de production viable. C’est cet Etat qui a conservé le pouvoir jusqu’à ce jour, c’est-à-dire pendant plus de 65 ans.
Au nom de la politique de substitution des importations, les prix d’un certain nombre de produits agricoles (12 produits de base à partir de 1971)ont été soutenus, aussi bien pour les producteurs que pour les consommateurs. Aujourd’hui, la politique des prix se trouve bousculée par le contexte international : avec le Traité de Libre Commerce (TLC)signé avec les Etats-Unis et le Canada en 1994, le Mexique perdra toute autonomie alimentaire s’il ne protège pas le maïs et le haricot, base de l’alimentation des Mexicains, de la concurrence des Etats-Unis, qui ont une bien plus grande productivité pour ce produit. C’est ce qu’ont fait certains pays asiatiques pour le riz.
Dans un certain nombre de domaines d’intervention, des stratégies d’auto-gestion se mettent en place pour se substituer à l’Etat qui se retire. C’est le cas des magasins d’approvisionnement et de commercialisation ; mais l’apprentissage de l’autonomie est long et difficile pour les organisations paysannes. Néanmoins, la grande nouveauté réside dans la mise en relation, à l’échelle locale et régionale, des producteurs avec les consommateurs. Dans le domaine du crédit, les " unions de crédit " et les " caisses d’épargne " devraient remplacer un système défaillant. Deux aspects essentiels sont soulevés à propos du crédit : l’énorme capacité d’épargne et donc d’investissement dans certaines régions, grâce aux virements de parents émigrés aux Etats-Unis, et l’utilisation du crédit pour des nécessités autres que l’agriculture.
La réduction des investissements publics, qui accompagne la compression des fonctions et du budget de l’Etat, devrait être compensée par des investissements privés, nationaux ou étrangers. Cependant, depuis 1982, seulement 100 sociétés commerciales ont été créées sur des terres ejidales ou communales. La logique de l’Etat semble s’opposer à celle du secteur privé : tandis que l’Etat attend des détenteurs de capitaux privés qu’ils achètent des terres et prennent en charge les coûts de valorisation par des infrastructures d’appui à la production (chemins, irrigations, installation de l’électricité, magasins, etc.), les investisseurs, qu’ils soient nationaux ou étrangers, trouvent plus rentable de louer les terres et d’en tirer un maximum de profit avec des techniques de production intensives, sans se préoccuper de la dégradation des sols, puisqu’une fois épuisés, il serait aisé d’aller ailleurs.
Le dernier programme d’appui à l’agriculture mis en place sous le gouvernement du président Salinas en 1993 s’appelle PROCAMPO. Il s’agit d’accorder des subventions pour sept produits (maïs, haricot, blé, riz, coton, soja et sorgho)cultivés à l’hectare. Ne pas considérer la productivité et inciter à produire sur de grandes superficies (la subvention étant attribuée pour chaque hectare cultivé)équivaut à assurer un revenu aux producteurs et conduit les paysans à ne pas respecter les jachères. De plus, cette forme de subvention ne va pas avoir d’incidence sur les réseaux d’appui ni sur la production si elle arrive souvent trop tard : il faudrait que ces ressources soient attribuées avant les semailles et qu’elles soient accompagnées d’une assistance technique qui considère la participation des producteurs. Le crédit rural, quant à lui, devrait être attribué au producteur pour qu’il en organise l’utilisation selon ses besoins prioritaires, dans l’agriculture ou autres.
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, México
Alors qu’il faudrait renforcer la petite exploitation familiale (dans un pays où plus de la moitié des producteurs agricoles ne parviennent pas à satisfaire leurs besoins alimentaires), la restructuration foncière vise la privatisation et la concentration des exploitations. Ce paradoxe donne à réfléchir sur la pertinence et la cohérence des politiques agricoles, d’autant que le Mexique est donné en exemple pour sa politique alimentaire.
Colloque "Agriculture paysanne et question alimentaire". Chantilly, 20-23 février 1996.
Actas de colóquio, seminário, encontro,…
DIEGO Q., Roberto, Estado patrimonial y estado neoliberal : la política agrícola en México
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