A partir des années 80, le Rwanda est confronté à une grave crise alimentaire. Depuis la famine de 1988 engendrée par des aléas climatiques, la production ne peut plus satisfaire la demande alimentaire croissante. Au déséquilibre qualitatif de l’alimentation s’ajoute dorénavant un déficit quantitatif. A la chute de la production des cultures vivrières (légumineuse, céréale, tubercule et banane)de 1988, a succédé un début de relance en 1990, mais dont les effets ont été inhibés par la guerre civile d’octobre 1990.
La baisse constante de la production depuis 1980, peut s’expliquer d’une part par des effets conjoncturels (conditions climatiques, guerres)mais aussi par des facteurs structurels.
Jusqu’en 1988, la production vivrière était relativement satisfaisante, l’offre suivant à peu près la demande, malgré l’expansion démographique. Le relatif maintien de l’autosuffisance alimentaire a été possible par la culture de nouvelle terre et la réduction des jachères. Aujourd’hui, le problème de la disponibilité de terres arables se pose avec acuité, dont la principale conséquence est la petite taille de nombreuses exploitations. De nombreux paysans ne peuvent plus produire de façon suffisante pour leur autosubsistance. Certains louent leur force de travail dans les grandes exploitations, d’autres se tournent vers des petits travaux non-agricoles, émigrent ou tombent dans la mendicité.
La crise alimentaire de 1988 est un signe révélateur de la précarité dans laquelle l’autosuffisance alimentaire a été assurée au Rwanda jusqu’à ces dernières années.
Aujourd’hui, la situation est d’autant plus grave que la situation de déficit alimentaire s’étend aux régions habituellement autosuffisantes. Pour faire face à ce défi et répondre à la demande alimentaire croissante, il est nécessaire d’élaborer de nouvelles stratégies et de prendre en compte deux variables majeures : d’une part la croissance démographique et le manque de terre qu’elle entraîne, d’autre part la dégradation de l’environnement, résultat de l’épuisement des ressources naturelles
Si la politique agricole menée n’a pas toujours produit les résultats escomptés, il n’en est pas de même d’initiatives locales mises en place par les paysans pour faire face à la crise alimentaire. Deux associations de femmes ont été mises en place, l’une dans la commune de Nyakizu, région frontalière au Burundi et particulièrement touchée par la famine de 1988; l’autre dans la commune de Shyanda, où le surpeuplement rend l’exiguïté des exploitations plus prégnante, touchant en particulier les jeunes et les femmes.
Pour les femmes de Nyakizu, il s’agissait de concentrer l’effort sur l’amélioration des structures de production. Suite à leur demande auprès de la commune, les femmes ont acquis une parcelle dans un marais. Cette dernière est exploitée collectivement un jour par semaine, chacune des femmes apportant une portion d’engrais organique pour augmenter les rendements. La volonté des femmes d’améliorer le système de production par l’utilisation d’engrais organique était limité par leur difficile accès au bétail. Un appui extérieur leur permit dans un premier temps de doter la moitié du groupe d’un porc. Après le sevrage de la première portée, la seconde moitié du groupe fut à son tour doté d’un porcelet. Quand l’ensemble des membres ont ainsi été servis, un porc a été cédé à un autre groupement. Ainsi, ce système de "prêt-bétail" a permis à chaque membre de posséder un porc pour se procurer du fumier, mais a aussi permis à chaque femme d’avoir un petit revenu avec la vente des porcs qui se reproduisent rapidement.
Les femmes de Shyanda ont cherché à améliorer la structure de commercialisation fortement dominée par la spéculation des commerçants. Cette dernière prit des proportions considérables lors de la famine de 1988, où le problème principal était d’accéder aux denrées produites dans d’autres régions. Les commerçants ont ainsi imposé leur prix, ces derniers pouvant être multipliés par deux ou trois. Un petit capital prêté aux femmes leur permit d’acheter des produits directement chez le producteur, au moment de la récolte et à un prix supérieur à celui pratiqué par les commerçants. De même, les prix de vente étaient inférieurs à ceux proposés par les commerçants. Le résultat de l’expérience fut encourageante, et à plusieurs titres. D’abord, les commerçants se trouvant concurrencés par les femmes ont été amené à augmenter leur prix d’achat au producteur et à diminuer le prix de vente au consommateur. Ensuite, au bout de deux ans, les bénéfices permettaient non seulement le remboursement de l’argent prêté au départ, mais aussi la constitution d’un petit capital.
Ces deux expériences mettent en évidence les capacités des populations à imaginer des solutions face à la famine. La sécurité alimentaire passe donc par l’élaboration de stratégies mais aussi de politiques, sens dans lequel doit travailler la recherche.
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, Ruanda, Nyakizu, Shyanda
Ce texte montre l’importance du rôle des commerçants dans la fixation des prix, faisant du petit producteur une victime du marché. Pour l’auteur, le marché est un mal nécessaire, agissant à la défaveur du petit producteur. Dans la région des grands lacs (Rwanda, Burundi, Zaïre), la situation est telle, qu’il y a un processus de retour au troc au sein des villages (information orale de l’auteur).
Colloque "Agriculture paysanne et question alimentaire", Chantilly, 20-23 février 1996.
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