La déclaration de Bamako : constat et principes
04 / 1997
Réuni à Bamako, au Mali, le réseau Agriculture paysanne et modernisation a adopté une déclaration dont voici quelques extraits.
Contrairement aux images pessimistes véhiculées par les médias, l’Afrique a les potentialités naturelles et humaines pour assurer sa propre sécurité alimentaire. La situation actuelle est largement imputable à l’inadéquation de politiques agricoles qui ont souvent accordé une place insuffisante au développement des cultures vivrières, à l’amélioration des conditions de stockage, à l’organisation des marchés des denrées alimentaires [...]. La libéralisation de l’économie et la mondialisation des échanges, en considérant les aliments comme une simple marchandise, risquent d’aggraver la dépendance alimentaire de l’Afrique.
Des facteurs qui causent la faim
Quatre facteurs principaux concourrent à l’insécurité alimentaire en Afrique. Le premier est représenté par les conditions de production : inégalité dans l’accès au foncier, inadaptation des systèmes d’irrigation et de stockage, modèles techniques inadaptés, etc. Le second facteur est causé par le caractère aléatoire des débouchés : demande urbaine limitée par la pauvreté, filières et marchés mal structurés, information et organisation des producteurs insuffisantes.
Les politiques
d’ajustement structurel
aggravent l’insécurité alimentaire
La concurrence des produits provenant d’autres régions du monde constitue le troisième facteur défavorable, par l’impact négatif qu’elle provoque sur la production africaine. Enfin, les conflits et les guerres sont responsables des pénuries les plus dramatiques.
Des éléments de réponse
Il existe de nombreuses expériences qui démontrent la capacité de l’Afrique à relever le défi de la sécurité alimentaire. Ce sont :
1 - Des initiatives locales portées par les organisations paysannes avec l’appui d’ONG ou de services de recherche [...].
2 - Des interventions de l’État qui montrent quelles sont les missions attendues de lui en matière de mise à la disposition du monde rural d’innovation technique ou de création d’un environnement favorable à la production agricole et à la sécurité alimentaire [...].
De façon générale, on peut constater que l’émergence d’organisations paysannes fortes, la consolidation de la société civile et la démocratisation des régimes politiques accroissent la capacité des producteurs à peser sur les décisions mais aussi à assumer des responsabilités dans la définition et la mise en oeuvre de stratégies de sécurité alimentaire et d’amélioration des revenus, à l’échelon régional et national.
Des principes
1 -Nous réaffirmons le droit des peuples à se nourrir eux-mêmes, c’est-à-dire le droit de l’agriculture paysanne à produire l’essentiel de l’alimentation dont a besoin la population et le devoir des États d’inscrire la sécurité alimentaire comme priorité de leurs politiques. Il ne s’agit pas d’un choix nationaliste étroit d’auto-suffisance alimentaire mais de la nécessité d’appréhender la sécurité alimentaire comme un système englobant les échelons local, national, sous-régional et continental et permettant aux complémentarités de s’exprimer.
2 -La sécurité alimentaire est inséparable de la justice sociale dans l’accès à la terre et aux moyens de production pour les ruraux ainsi que dans l’accès à l’emploi et à des revenus décents, notamment pour les urbains.
3 -La sécurité alimentaire à long terme est inséparable de l’existence d’une agriculture paysanne capable de s’adapter aux évolutions de la demande, de générer des emplois et des revenus, d’assurer une répartition équilibrée de la population dans l’espace et à même de prendre en compte les exigences d’un développement durable.
4 -La sécurité alimentaire est inséparable de la démocratie à l’échelon national, dans la production et la répartition des richesses, et à l’échelon international, dans les relations qui s’établissent entre les pays et dans les prises de décision au sein des organismes internationaux.
5 -La régulation par le seul marché n’est pas à même de garantir la sécurité alimentaire ; celle-ci suppose que le marché soit organisé, régulé par la société civile et les États et par des mécanismes institutionnels internationaux car les produits alimentaires ne peuvent être considérés comme de simples marchandises.
6 -La sécurité alimentaire est inséparable de la satisfaction des besoins essentiels en santé, en éducation, etc. ; les carences dans ces secteurs accroissent l’insécurité alimentaire, d’une part en limitant les capacités de travail des producteurs et d’autre part en détournant une partie croissante de leurs revenus pour satisfaire ces besoins.
7 -La paix et la sécurité alimentaire sont indissociables : les guerres et conflits désorganisent à l’évidence la production et les échanges ; l’insécurité alimentaire peut à son tour générer une instabilité et des tensions politiques internes et rend la population plus aisément manipulable.
8 -La sécurité alimentaire s’inscrit dans la durée et exige que soient créées les conditions d’un développement durable, du point de vue écologique, économique, social, institutionnel, politique et culture.
(voir fiche n°2 pour les propositions)
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, África
Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996.
Actas de colóquio, seminário, encontro,…
Réseau APM Afrique, La déclaration de Bamako, 1997 (France)
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