En Équateur, la sécurité alimentaire n’est pas considérée par les organisations paysannes comme leur seul objectif. C’est une étape, un moyen pour le mouvement paysan de se renforcer et de consolider sa place dans la société nationale.
L’Équateur est un pays qui a connu un processus de réforme agraire dans les années soixante-dix. Mais peu après, et pendant de longues années, l’État a préféré se consacrer à l’exploitation des ressources pétrolières plutôt qu’au développement de l’agriculture. Aujourd’hui, malgré la présence d’importantes ressources naturelles, le pays importe du maïs et des pommes de terre qui sont parmi les aliments de base de la population.
En 1990, le gouvernement a élaboré un projet de loi visant à privatiser les terres communales et les ressources en eau. Ce projet s’est heurté très rapidement à l’opposition d’une grande partie de la population paysanne qui craignait qu’il n’ouvre la porte à la concentration des terres et à son appropriation par les agriculteurs les plus favorisés. Les organisations indiennes ont été les premières à se mobiliser. Partout dans le pays, les routes ont été bloquées par des barrages et des manifestations ont été organisées dans les villes. L’économie entière a été paralysée pendant plusieurs semaines. Pour stopper le mouvement, le gouvernement a dû accepter de négocier. Depuis lors, les organisations paysannes et indiennes jouent un rôle décisif en Équateur et constituent des interlocuteurs incontournables pour le gouvernement.
Les organisations paysannes et indiennes ont formulé deux propositions. La première est de remettre à l’honneur l’objectif d’auto-suffisance alimentaire du pays. La seconde est de se baser pour cela sur la petite paysannerie, à la fois pour augmenter la production et pour réduire la pauvreté en milieu rural.
Toutes leurs revendications n’ont pas été satisfaites, mais des avancées ont été obtenues sur des points importants. En particulier, la contribution du secteur paysan et indien en matière d’approvisionnement intérieur et de sécurité alimentaire a été explicitement reconnue, ce qui implique la mise en place de politiques de soutien à l’agriculture paysanne. La privatisation des terres communales a été limitée et celle de l’eau interdite. Les propriétés ancestrales des communautés indiennes d’Amazonie et du littoral ont été reconnues. Enfin, la loi stipule que des politiques de développement durable doivent être établies, permettant la protection des ressources naturelles.
Cependant, si le mouvement populaire a permis de renégocier la loi agraire, il n’a pas suffi à donner un coup d’arrêt aux politiques néo-libérales en milieu rural. Dans les faits, l’appui prioritaire au secteur exportateur, la disparition de mesures de soutien à la production, au crédit et à la commercialisation de l’agriculture paysanne, les politiques d’ajustement structurel et l’effacement de l’État se sont aggravés au cours de l’année 1996, laissant les petits producteurs dans une situation économique très difficile.
En même temps qu’il se retirait de l’économie agricole, le gouvernement s’ingérait dans la marche des organisations paysannes, essayant de contrôler et de diviser le mouvement. Cela a obligé les organisations à concentrer leurs efforts sur leur propre organisation et à assurer leur indépendance vis-à-vis de l’État.
Au cours du mois d’octobre 1996, le RIAD et d’autres organisations agricoles d’Équateur ont organisé la première rencontre nationale sur la sécurité alimentaire. Ce forum a permis de provoquer un débat et de confronter les points de vue des ruraux et des urbains. Il a donné naissance à une Commission nationale intégrant différents secteurs de la société équatorienne, qui assure la continuité du travail engagé à cette occasion. Progressivement, sous l’effet des politiques d’ajustement mises en place par l’État, la sécurité alimentaire s’affirme comme un axe de mobilisation fédérateur de la société civile en Équateur.
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, Equador
Ce texte fait partie d’une série de cas portant sur la question de la sécurité alimentaire, recueillis parmi les membres du réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM)lors de la rencontre de Yaoundé, en septembre 1996.
Entretien avec CABASCANGO, J. M.; LARREA, Fernando
Entrevista
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