Le débat autour de la déclaration internationale des droits des peuples autochtones
04 / 1998
Depuis plus de dix ans, les Nations Unies débattent d’une Déclaration Internationale des Droits des peuples autochtones, car actuellement il n’existe pas d’instruments internationaux spécifiques reconnaissant les droits des autochtones en tant que tels. La Déclaration universelle des droits de l’Homme, de par sa propre nature, ne peut faire référence aux secteurs particuliers de la société. Dans le Pacte des Droits civiques et politiques des Nations Unies, les autochtones sont groupés dans la catégorie générale des "minorités ethniques" ; les droits spécifiques y sont accordés, en premier lieu, aux "personnes" appartenant à ces minorités ethniques ; ces droits elles les exercent en commun "avec les autres membres de leur groupe". En reconnaissant des droits collectifs à des groupes ethniquement différenciés, le Pacte des Droits civiques et politiques fournit les éléments juridiques internationaux qui servent de fondement à la Déclaration internationale des droits des peuples autochtones. Dans le domaine du droit international, les peuples autochtones devraient être considérés au moins comme un type "spécial" de minorité ethnique, différent des autres minorités ethniques qui ne sont pas forcément autochtones.
Par ailleurs, la Déclaration des Nations Unies sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale (1962), reconnaît explicitement les groupes qui sont différents du reste de la société de par ses particularités raciales. La Convention sur la discrimination raciale (1965, mais ratifié seulement en 1969), fait constamment référence aux "groupes de personnes" unis par des caractéristiques raciales communes. Or, les peuples autochtones sont, dans la plupart des cas, des groupes racialement discriminés.
Un autre élément à considérer est la Déclaration sur les droits des personnes appartenant aux minorités religieuses, nationales ou ethniques et linguistiques, votée par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1992. Bien que cette Déclaration ne reconnait pas des droits collectifs aux minorités, elle établit le devoir des États de protéger les minorités en tant que groupes.
La Convention 107 de l’OIT, approuvé en 1957, a été le premier document international faisant référence aux personnes indigènes. Elle fut remplacé, en 1988, par la Convention 169, laquelle reconnaît de manière explicite des droits collectifs aux "peuples indigènes", ce qui n’est toujours pas le cas pour les minorités en générale. Cette dernière fut le premier, et reste toujours le seul instrument international se référant aux "peuples indigènes". Or, en droit international, le concept de peuple est inhérent à celui de droit à l’autodétermination, ce que, actuellement, aucun État n’est prêt à accepter par rapport à ses minorités autochtones. L’OIT contournera la contradiction en ajoutant à l’article premier : "L’emploi du terme ’peuples’ dans la présente Convention ne peut en aucune manière être interprété comme ayant des implications de quelque nature que ce soit quant aux droits qui peuvent s’attacher à ce terme en vertu du droit international".
En 1994, la Déclaration des Droits des peuples autochtones, élaborée par le Groupe de travail des Nations Unies sur les populations autochtones, était approuvée par la Sous-commission de prévention des discriminations et protection des minorités. Cette déclaration reconnaît aux peuples autochtones "le droit de disposer d’eux-mêmes". Mais elle précise, afin d’exclure toute interprétation dans un sens séparatiste, que, "en vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel".
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Tout le débat autour de la question des droits des peuples autochtones est traversé par la question du rapport entre le concept de peuple et le droit à l’autodétermination. L’enjeu politique y est de taille, car il est clair qu’il y a une contradiction entre la reconnaissance, par le droit international, du droit des peuples à l’autodétermination, et l’exclusion de ce droit de toute une catégorie de peuples, les "peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants".
L’auteur essaie de contourner le problème en proposant une différentiation conceptuel entre question autochtone et question nationale, c’est-à-dire, entre "ethnie" et "nation". De son point de vue, la question nationale concerne les processus de Décolonisation, donc d’edification d’un État indépendant, tandis que la question ethnique est en rapport à l’exercice du droit à l’autonomie.
L’auteur omet, hélas, d’apporter la démonstration théorique de cette différentiation entre ethnie et nation, à partir de laquelle il déduit des droits politiques très inégaux entre l’une et l’autre. Beaucoup de mouvements de libération nationale ont une base ethnique ; ils conçoivent leur ethnie comme étant un peuple et une nation, laquelle, par ailleurs, est souvent "autochtone" par rapport à la population ou l’État dominant. Poussé jusqu’au bout, cette logique impliquerait que les Kanaks, du fait d’être, de point de vue culturel, une "ethnie", "autochtone" de surcroît, devraient se contenter de l’autonomie ; autrement dit, ils n’auraient pas le droit de devenir, du point de vue politique, une nation.
C.Cratchley est un sociologue chilien, spécialiste des questions touchant les minorités ethniques.
Artigos e dossiês
BENGOA,José, Los derechos de los pueblos indígenas : el debate acerca de la declaración internacional, Centro de Estudios y Documentación Mapuche Liwen in. Liwen, 1997 (Chili), 4