Comment mettre en pratique le développement durable dans une société hyper industrielle
06 / 1998
Non loin du lac Tissot, au Danemark, fonctionne une sorte "d’écosystème industriel". La plus grande raffinerie de pétrole du pays rejette des gaz, de la vapeur et de l’eau qui, au lieu d’être dispersés dans la nature, sont récupérés par la première centrale électrique, située à quelques centaines de mètres. Celle-ci produit à son tour de la vapeur d’eau achetée par une unité de production d’enzymes, ainsi que du gypse, qui sert de matière première à un fabricant de panneaux de construction. Des serres agricoles, une ferme d’aquaculture, une usine d’acide sulfurique et la ville proche de Kalundborg valorisent également des "déchets" de ce pôle industriel, grâce à un réseau de pipe-lines, et toujours moyennant rétribution. L’eau est la ressource la plus réutilisée.
Cette recherche systématique de complémentarités et de valorisation des déchets illustre ce que pourrait être une industrie plus respectueuse de l’environnement. Pour Suren Erkman, la "symbiose de Kalundborg" s’inspire d’un principe de base de l’écologie : la valorisation des interactions positives issues de complémentarités entre des élements différents, qui composent ainsi un écosystème. C’est aussi l’une des bases de réflexion de l’écologie industrielle, une jeune théorie (née dans les années quatre-vingt)qui postule qu’une l’industrie plus respectueuse de l’environnement pourrait naître d’une observation approfondie des mécanismes de fonctionnement de la nature.
Les "écosystèmes industriels" sans rejets nuisibles sont encore théoriques. L’expérience de Kalundbord montre que le principe a des limites : dépendance mutuelle des industries des industries concernées, dont les procédés de fabrication ou les caractéristiques des intrants peuvent faire évoluer les caractéristiques des sous-produits, difficulté d’intégration des grandes et des petites unités, etc. Mais il montre aussi ses avantages, et notamment la possibilité de sortir d’une spirale incessante de production de normes écologiques toujours plus contraignantes, d’améliorer les performances de l’usine, de donner une valeur à des déchets.
Toutes les entreprises entre elles ne sont pas complémentaires : il faut identifier des "biocénoses industrielles", c’est-à-dire des combinaisons positives, comme celles que l’on observe entre espèces végétales et animales dans la nature.
Autre piste d’action possible : comprendre comment fonctionnent les entreprises, ce qu’elles peuvent apporter à d’autres, ce dont elles ont besoin, leurs forces et leurs faiblesses. C’est en observant le "métabolisme industriel" que l’on peut identifier des progrès possibles. Dans le cas de la fabrication du jus d’oranges, par exemple, l’étude des flux de matière et d’énergie montre que des progrès sont possibles à plusieurs niveaux : celui de la production, de la transformation et de la consommation. Dans ce cas, l’agriculture doit être intégrée dans une réflexion globale sur l’ensemble de la filière, ce qui peut compléter les approches horizontales ou sectorielles plus classiques. L’internationalisation des échanges de produits alimentaires acquiert un nouveau relief par cette approche : l’auteur estime que, si on considère les surfaces agricoles nécessaires à la production des aliments consommés par les néerlandais, on se rend compte que celles-ci sont de 7 à 8 fois plus élevées que les surfaces disponibles dans le pays. Ce qui ne peut manquer de poser des questions si on veut bien admettre que le manque de terres cultivables posera un jour problème à l’humanité.
Le recyclage n’est pas la panacée, de nombreux produits voyant leurs qualités se dégrader par les recyclages successifs. Quant à la "dématérialisation" dont on attendait beaucoup, elle semble se révéler ambiguë : l’ordinateur et le fax, qui devaient sonner le glas de l’ère du papier, en ont fait flamber au contraire la consommation. Mais d’autres pistes de progrès existent. Par exemple, de nombreuses pollutions sont causées par des produits qui se dispersent peu à peu dans l’environnement : détergents, engrais, pesticides, peintures, colorants, etc. Il est possible de freiner la dissipation par l’amélioration ou le remplacement pur et simple des matériaux les plus gangereux. Il est également possible de fermer les boucles de matière pour récupérer et valoriser au maximum ce qui est aujourd’hui considéré comme des déchets. Autre exemple : un grand fabricant de photocopieurs (Xerox)qui reprend votre ancienne machine pour réutiliser les éléments et en faire de nouveaux modèles, pour le plus grand bénéfice de l’environnement et même de l’emploi...
Qu’est-ce qui pourrait faire évoluer l’industrie vers des techniques de plus en plus "propres" ? Pour Jesse Ausubel, penseur de l’écologie industrielle, c’est peut-être le souci d’esthétique ! " Le but de l’écologie industrielle est un ensemble plus élégant de processus industriels". C’est aussi le signe d’une économie plus intelligente.
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, Europa
Les idées ne manquent pas pour rendre l’industrie plus propre. Mais la question de la motivation des industriels est sans doute évoquée trop rapidement. Les coûts de ces techniques, le financement des recherches, la rôle de la fiscalité, les pressions des citoyens et des consommateurs : tous ces instruments peuvent-ils être utiles ? C’est une autre question. A terme, c’est sans doute ce qui déterminera si des "écosystèmes industriels" resteront anecdotiques ou deviendront la norme.
Livro
ERKMAN, Suren, Vers une écologie industrielle, FPH in. Dossier pour un débat, 1998 (France), 84
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