Le comité d’éthique pour les sciences du CNRS a été mis en place en 1994 par François Kourislsky, alors directeur général du CNRS. Il a pour mission d’émettre un avis sur les problèmes éthiques soulevés par la recherche scientifique à l’exception de ceux traités par le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Il est susceptible d’ initier des débats, de faire des recommandations au directeur général du CNRS, aux scientifiques et de rendre ses avis publics. Mais une recommandation publique s’adresse à qui la lit ! Le champ est immense et les problèmes innombrables. F. Kourilsky cite, à titre d’exemple, quatre domaines. Le domaine des sciences du comportement: les techniques de communication et d’influence, utilisant aussi bien l’hypnose que des données scientifiques psychologiques et physiologiques envahissent la publicité, révélant des frontières dangereuses pour des personnes fragiles. De même, avec l’extension fulgurante des outils et réseaux de communication, la création d’images virtuelles, les dérives de l’information et de la désinformation ouvrent un nouveau chapitre pour la réflexion éthique.
Les manipulations de l’histoire existèrent de tout temps ; mais la méthodologie scientifique s’affirmant, le professionnalisme des historiens permet de revoir les comportements et de réaffirmer une éthique. Le domaine de l’environnement trace un rôle très particulier aux scientifiques, à la fois sources d’informations inquiétantes et référence rassurante. Le problème de l’énergie nucléaire rejoint l’éthique pour les sciences à travers la responsabilité des risques, l’information sur ceux-ci, et la quasi-exclusivité des scientifiques pour assurer l’information, alors même que, comme dans d’autres programmes scientifiques, ils sont suspectés par le public d’appartenir à un même lobby. Guy Aubert a succédé à F. Kourislky à la tête du CNRS. Adhérant sans réserve à la mise en place du Comité d’éthique, il répond également à quelques questions de la revue « Natures-Sciences-Sociétés ». Après un accent très marqué sur l’importance des problèmes déontologiques de la communication scientifique (exacerbés par la pression des média et des effets économiques ou de notoriété attendus) qui furent d’ailleurs les premiers abordés par le comité d’éthique, il témoigne, sur d’autres questions, d’un certain scepticisme, voire pessimisme. A la différence du passé, les choses évoluent aujourd’hui suffisamment vite pour que des bouleversements significatifs interviennent dans la durée de vie d’un homme. D’ou des difficultés d’adaptation. Que nous devions nous interroger est évident. Mais, de là à imaginer qu’on prenne la décision, parce que les développements sont trop rapides pour l’homme tel qu’il est, d’en ralentir le cours… ? De quels moyens disposons-nous ? Il faudrait d’abord pouvoir se mettre d’accord au niveau international. Et on imagine, au vu des intérêts en jeu, les difficultés à surmonter pour arriver à un consensus mondial. La séparation de phases, qui ne fait que s’accentuer, entre les pays qui sont engagés dans ce genre de processus et ceux qui ont complètement perdu l’espoir de les rejoindre un jour devient extrêmement grave. Et G. Aubert, de nature plutôt optimiste, se pose quelques questions: comment la société humaine, à l’échelle de la planète, parviendra-t-elle à s’adapter à ce processus ? Malgré les pressions, le stress qu’elle subit, pourra-t-elle évoluer sans rupture ? Ou bien, en passera-t-on par une rupture qui sera certainement une grande catastrophe ? Quelle forme prendra-t-elle ? A certaines époques, les ruptures ont pris la forme de guerres mondiales, il n’exclut pas que cela puisse arriver.
Idées, expériences et propositions sur les sciences et la démocratie
Il est très significatif que le comité se soit d’abord saisi des problèmes de déontologies de la communication scientifique, fort aigus il est vrai et non sans conséquence tant sur le sérieux de la science que sur les fantasmes de l’opinion. Mais on espère qu’il s’attaquera vite à des problèmes encore plus fondamentaux, ne serait-ce que pour donner naissance à des débats d’opinion seuls à même de déboucher sur des prises de conscience, et donc des réorientations politiques.
Extraits de deux entretiens de la Revue « Natures-Sciences-Sociétés » respectivement avec deux directeurs successifs du Centre National français de la Recherche Scientifique (CNRS).
Artigos e dossiês ; Entrevista
Entretien avec François KOURILSKY et Guy AUBERT, NATURES-SCIENCES-SOCIETES, 1996 (France), N°4
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