Entre la Sibérie au Nord et l’Asie Centrale au sud s’étend le Kazakhstan, de la mer Caspienne à l’ouest jusqu’aux confins de la Chine à l’est. De par sa superficie de 271,73 millions d’ha, Il est le deuxième État de l’actuelle CEI. Il était aussi la deuxième république socialiste de l’ex-URSS dont il représentait le 1/8ème de la surface totale.
Le Kazakhstan, steppique au nord, semi-désertique au sud, était à l’origine peuplé d’éleveurs nomades installés depuis le 15ème siècle. Les premiers colons russes y font apparition dès le 18ème siècle ; leur nombre va considérablement augmenter à la fin du 19ème siècle. La dernière grande vague de colonisation de ces grands espaces, par des jeunes russes et ukrainiens, date du milieu du 20ème siècle ; plus précisément de l’ouverture, en 1954, du front de colonisation des"terres vierges".
Le projet "terres vierges" du Kazakhstan fait partie de ces grands travaux lancés par l’URSS et devait permettre aux soviétiques, grâce à la conjugaison de la science et du socialisme, de transformer l’économie d’un espace faiblement peuplé. Produire des céréales au Kazakhstan devait permettre d’enrayer les pénuries alimentaires.
Sans tenir compte de la nature du sol, 40 millions d’ha de "terres vierges" des steppes du nord du Kazakhstan (près de 15% du territoire)ont été défrichés par brûlis. Les marais ont été asséchés et dessalés. Le labour profond de type dry-farming a été pratiqué. Les sovkhozes, immenses fermes d’État fortement mécanisées et dotées de techniciens et d’agronomes, qui ont été fondés sur ces terres, devaient produire du blé de printemps.
Cette grande opération n’a pas vraiment été une réussite. Après plusieurs années de bonnes récoltes, les rendements ont chuté, passant de 2Qx/ha à 12Qx/ha en meilleure année ; les irrégularités du climat n’ont pas arrangés les choses. De plus, les sols steppiques, auxquels les mêmes techniques que celles utilisées sur les terres noires d’Ukraine (Chernozems)ont été appliquées, ont commencé à se dégrader. les tempêtes de poussières se sont alors développées.
L’érosion éolienne a détruit localement toute la couche arable. Après la perte de milliers d’ha de sols, des corrections visant l’adaptation des techniques au milieu naturel ont été apportées : choix de variétés de blé à cycle court, travail très superficiel du sol avec des machines spécialement conçues à cet effet, implantation de brise- vents...
Ces correctifs n’ont malheureusement pas eu d’effet notable puisque selon des données récentes, 73 % des terres arables du Kazakhstan sont touchés par l’érosion éolienne et 33% sont affectés par les sels. A elle seule, la salinisation cause une perte de récolte évaluée à 30%.
D’autre part, l’élevage, déplacé par les cultures, s’est concentré dans les steppes plus arides et les quasi- déserts du Kazakhstan central et oriental, entraînant un fort surpâturage qui dégrade les sols.
Le Kazakhstan oriental n’est pas épargné non plus. La déforestation y a engendré d’intenses érosions hydriques sur les pentes des montagnes et la disparition des petits cours d’eau.
A ce sombre tableau il faut ajouter les pollutions chimiques et les contaminations radioactives :
- une enquête datant de 1989 a montré que l0 à 16 % des terres agricoles contiennent des quantités accrues de pesticides. Dans la partie orientale où s’est développée une industrie métallurgique non ferreuse, les sols des jardins potagers contiennent de quantités importantes de métaux lourds. Les concentration de plomb, de zinc, de cuivre et d’arsenic dépassent de 2 à 3 fois les normes admises et sont responsables de nombreuses maladies.
- autour du site nucléaire de Semipalatinsk, aujourd’hui fermé, les niveaux d’iode, de césium, de strontium et de plutonium dans le fourrage sont en général de 30 à 100 fois plus importants que la moyenne du Kazakhstan.
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, Cazaquistão
Des sols et des hommes : récits authentiques de gestion de la ressource sol
Lla distribution des sols du Kazakhstan obéit a une zonalité climatique. Du nord où dominent les sols bruns isohumiques et les sols chatains, on passe progressivement vers sud avec l’accroisement de l’aridité, aux sols bruns semi-arides, aux sols gris-brun semi-arides, aux sierozems, aux sols désertiques et dunaires. Les sols intrazonaux, solonchak et solonetz, sont plus fréquents au sud pour les premiers et au nord pour les seconds.
Pour le profane, cette distribution des sols signifie que du nord au sud du Kazakhstan, les sols sont de moins en moins pourvu en matière organique et de plus en plus riches en carbonates de calcium notamment. On passe ainsi des sols plus sombres à des sols plus clairs en surface. Les solonchak sont des sols impropres aux cultures du fait de leur excès en sels solubles mais qu’on peut récupérer dans certaines conditions. Les solonetz sont des sols alcalins, riches en sodium échangeable, à structure détruite, défavorables aux cultures et qui sont pratiquement irrécupérables.
Sans rentrer dans les considérations politiques de l’époque soviétique, nous avons là un bon exemple de conséquences désastreuses sur toutes les ressources et sur l’environnement que peut générer une décision qui touche au sol et qui n’en tient pas compte, volontairement ou non. Ce cas paraît pour le moins paradoxal dans un pays qui a vu naître, bien avant la révolution bolchevique, la science qui étudie le sol : la Pédologie.
Les sols choisis pour cette opération n’étaient pas des plus mauvais, mais leur gestion était des plus mauvaises. En effet, le travail intensif de ces sols a finit par " brûler " tout leur stock organique et limiter considérablement leur activité biologique. Leur structure détruite, ils n’opposent aucune résistance à l’érosion notamment éolienne.
Les soviétiques ont mal géré leurs sols. Ils ont aussi mal conseillé leurs partenaires dans la gestion de leurs sols. Je me souviens, étant étudiant, avoir vu lors d’une tournée de terrain faite à la fin des années 1970 dans la steppe algérienne, un périmètre de mise en valeur en irrigué en cours de réalisation par des soviétiques. C’était une véritable catastrophe avant même le démarrage des cultures. Les soviétiques avaient procédé à un nivellement du terrain alors qu’ils avaient prévu son irrigation par aspersion, ce qui était déjà discutable dans cette région très ventilée et sans brise-vents, sans parler de la charge saline des eaux destinées à l’irrigation. Le nivellement avait ramené en surface du calcaire poudreux, blanchâtre, qui se laisse emporter par le moindre souffle de vent. Les sols steppiques de ce périmètre étaient constitués de minces horizons de surface fortement calcaires, contenant très peu d’humus qui recouvraient d’épais horizons calcaires. Il y avait là un mauvais choix des sols, une mauvaise conception du périmètre et un mauvais choix des techniques d’irrigation... Et tout ce gâchis était précédé d’études !
Livro
MNATSAKANIAN,Ruben, L'héritage écologique du communisme dans les républiques de l'ex-URSS, Frison-Roche, 1994 (France)