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Comment désertifier un désert

Irrigation et salinisation au Sahara algérien

Rabah LAHMAR

08 / 1996

Le déficit chronique de l’Algérie en céréales, notamment en blé, et les possibilités de développement de cette culture offertes par l’exploitation des eaux fossiles du Sahara ont favorisé la promulgation, en 1983, d’une loi facilitant l’accès à la propriété foncière agricole des terres mises en cultures dans le Sahara. Pour donner l’exemple, l’Etat a crée à Gassi-Touil, au nord-est du Sahara, deux fermes pilotes, de 1000 ha chacune, destinées à la production de semences de céréales. Ces fermes sont dotées de gros moyens et bénéficient d’une gestion qui les rapprochent des fermes américaines.

Le Sahara algérien, d’une superficie de 2 millions de Km2, est un des déserts les plus arides et les plus chauds du monde ; c’est aussi un système endoréique. Sous ce climat très sec et très évaporant, la vie s’est traditionnellement organisée autour de la culture de palmier dattier rendue possible par l’existence de points d’eau : les oasis.

Cette immensité recèle dans ses profondeurs d’importantes réserves d’eaux fossiles de minéralisation variant entre 2 et 8 g/l de sels. Les sols du Sahara sont essentiellement des sols minéraux dans le sens où, en dehors des oasis, la fraction organique y est très faible voire nulle. Sur les topographies élevées, les sols sont rocailleux ou sableux (Hamadas, regs, ergs). Dans les dépressions, la texture peut être fine, mais les sols sont salés (Sebkha et Chotts).

Ainsi, les sols présentant les caractéristiques de profondeur, de texture, de structure et porosité ..., leur permettant de recevoir l’irrigation sans risques pour la culture, pour eux-mêmes, et pour l’environnement sont rares dans ce contexte. Sur près d’un million d’ha du Sahara où la cartographie pédologique a été réalisée, un peu moins du dixième a été considéré comme irrigable. Le sol apparaît donc comme une contrainte sérieuse à la mise en valeur en irrigué dans le Sahara.

Dans ces conditions d’aridité, de sols et d’eau, l’irrigation des cultures exige une maîtrise particulière des techniques d’irrigation et du drainage. Les sols ont de faibles capacités de rétention pour l’eau et pour les nutriments. Il s’agit alors d’une part d’éviter l’accumulation de sels en fortes quantités dans le sol, et d’autre part, de limiter les gaspillages d’eau. A titre d’exemple, un ha de blé consomme 6000 m3, si l’eau d’irrigation contient 2g/l de sels, la culture peut alors laisser dans le sol en fin de cycle 12 tonnes de sels !

Cinq campagnes d’irrigation, dans les fermes pilotes de Gassi-Touil, ont suffit à multiplier par six le niveau de salinité des 20 premiers cm du sol, pourtant sableux. Entre 20 et 80 cm de profondeur, la charge saline a pratiquement doublé. Ces niveaux de salinité sont largement suffisants pour provoquer une chute importante des rendements du blé dur. Les rendements ont en effet baissé de près de la moitié. En plus de cet aspect important d’extension des zones salines, les auteurs notent un important gaspillage d’eau dans le nord-est saharien et une remontée des nappes phréatiques salées qui menace des oasis et des agglomérations entières.

Les auteurs pensent que la mise en valeur par l’irrigation en zone saharienne, constitue certainement pour l’Algérie un espoir pour augmenter sa production agricole. Mais, précisent-ils, cela ne peut se réaliser sans choix judicieux des sites à mettre en valeur, sans maîtrise de l’irrigation, sans système de drainage fonctionnel et surtout sans promotion des compétences locales. La mise en valeur agricole du Sahara doit nécessairement intégrer la lutte contre la salinité du sol.

Palavras-chave

agricultura irrigada, cereal, salinidade da água, salinidade do solo, degradação do meio ambiente, irrigação, seca


, Argélia, Sara

dossiê

Des sols et des hommes : récits authentiques de gestion de la ressource sol

Comentários

Visiblement, la stérilisation par les sels des grands périmètres irrigués du nord-ouest algérien où la salinité des eaux des oueds ou des barrages est moindre et où le climat est plus clément n’a pas servi de leçon.

La manière dont sont exploitées, aujourd’hui, les ressources en eau et en sol du Sahara, dans les périmètres irrigués, ne garantit ni leur longévité ni celle des coûteux aménagements hydro-agricoles entrepris.

Les réserves en eau du sous-sol saharien ne sont pas renouvelables. Elles montrent déjà des signes d’une exploitation minière comme la baisse de l’artésianisme et l’augmentation de la charge saline de l’eau. Ce qui a pour conséquence l’abandon de certains forages.

La salinisation des sols, pourtant sableux, se produit à une grande vitesse. Elle est non seulement l’effet direct de l’irrigation mais aussi celui de la remontée des nappes souterraines salées qui par évaporation déposent des sels dans le sol et surtout à sa surface. L’absence d’un lessivage naturel des sels et l’augmentation de la charge saline des eaux d’irrigation ne peuvent conduire qu’à la stérilisation complète des sols. Ce qui est, dans ce milieu, une perte définitive.

Cette agriculture industrielle n’est pas sans effets directs ou indirects sur les agglomérations sahariennes et sur les oasis : concurrence pour l’eau, remontée des nappes salées ..., les spécialistes mentionnent une régression de la palmeraie traditionnelle qui a pourtant permis à l’oasis de traverser les siècles !

Quand les sols deviendront improductifs parce que trop salés, quand les eaux d’irrigation deviendront trop chargées en sels ou quand les forages tariront, que deviendra cette agriculture industrielle? Va-t-elle devenir itinérante ? Souhaitons qu’elle se remette profondément en cause bien avant que cela n’arrive.

Si les conditions actuelles d’exploitation des ressources hydriques et pédologiques du Sahara se maintiennent, ne s’achemine-t-on pas alors vers la désertification d’un désert ?

Fonte

Artigos e dossiês

DAOUD, Youcef; HALITIM, Amor, AUPELF-UREF, Irrigation et salinisation au Sahara algérien, AUPELF-UREFJohn Libbey E in. Sécheresse, 1994/09 (France), 5; <Aridité, agriculture et développement : la cas des oasis algériennes>, <DUBOST Daniel>, in SECHERESSE n 2, vol. 3, Juin 1992, pp. 85-89

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