Nord-Sud : de l’aide au contrat

Après la "décennie perdue" des années quatre-vingt, le mot même de développement apparaissait comme une illusion. Mais quand on regarde de près, le tiers monde - ou plutôt les tiers mondes tant sont diverses les situations - fourmille d’initiatives. Ces germes de changement sont malheureusement trop souvent étouffés par un ordre économique international peu propice, des Etats soucieux de se désengager de leurs obligations sans pour autant perdre leurs prérogatives ou bien d’un système d’aide international qui ne reconnaît pas le potentiel créateur des populations locales.

Au Pérou, une coopérative paysanne s’essaye à la transformation du blé produit localement pour augmenter sa valeur ajoutée et se soustraire aux appétits des intermédiaires. Au cours des années, les succès obtenus renforcent la confiance des paysans en eux-mêmes, de telle sorte que leur organisation devient un interlocuteur obligé des administrations locales et un acteur décisif du développement local. A Madagascar, une société d’investissement sans but lucratif appuie la création de petites entreprises artisanales en apportant une part de leur capital. Elle se propose d’encourager les activités répondant aux besoins locaux, respectant les lois sociales et valorisant les matières premières du pays. Ce faisant, elle développe l’esprit d’entreprise et renforce la confiance des artisans en leur propres capacités. Au Sénégal, des citadins développent des activités agricoles et artisanales sur des lopins contigus à leur habitation. L’étude de leurs initiatives montre que, loin d’être marginales, elles sont décisives pour l’économie familiale et qu’elles questionnent les idées habituelles sur la fonctionnalité du bâti urbain.

Ces quelques cas parmi ceux qui sont décrits dans ce livre montrent que le potentiel de changement est important et les énergies multiples. Le défi est de baser le développement sur cette multiplicité d’initiatives et de ne pas les reléguer dans l’informel, l’anecdotique ou l’exclusion. Le principe serait d’encourager les projets de la population au moyen d’opérateurs d’appui, véritables accoucheurs du développement : ONG, organismes internationaux, techniciens nationaux... Ils doivent être formés, non pas à imposer leurs solutions, mais à favoriser l’émergence d’initiatives locales. Cette démarche doit être garantie par de nouveaux mécanismes de coopération internationale, par une sorte de contrat qui assure sa pérennité, sa reconnaissance, un rempart contre l’arbitraire. Il nous faut donc passer d’une démarche d’aide à une démarche de contrat entre le Nord et le Sud. On peut qualifier ce contrat de "contrat de génération", en ce sens qu’il doit durer un temps suffisant pour que les efforts entrepris soient soutenus, et parce qu’il doit permettre de générer les initiatives. On peut concevoir que de tels contrats soient signés par un ensemble de pays développés avec certaines zones fragilisées, ces accords-cadres couvrant une multitude de contrats particuliers de longue durée. Ils pourraient être financés par un Fonds spécifique pour la survie et le développement, alimenté par une contribution additionnelle de 0,1 % du produit intérieur brut des pays qui s’y engageront.