Compte-rendu du séminaire international de Kigali
Michel SAUQUET, Pierre Yves GUIHENEUF
03 / 1996
En 1993, à la demande de la Conférence de Toutes les Eglises d’Afrique (CETA), la Fondation avait appuyé la tenue d’une conférence sur la construction d’une paix durable au Rwanda. Cette rencontre avait rassemblé à Mombasa (Kenya)des représentants des partis politiques, de la société civile, des églises, des mouvements de jeunes et de femmes. On sait bien que cette conférence n’a guère eu d’effets sur le moment puisque, quelques mois après, survenait le génocide du printemps 1994. Pourtant, la démarche qui avait été la sienne a été jugée suffisamment utile pour que ceux des participants qui ont survécu au massacre et en particulier le premier ministre actuel Faustin Twagiramungu aient demandé à la FPH de les aider à organiser à Kigali une nouvelle rencontre du même type, sous l’égide conjointe du Collectif des ligues et associations de défense des droits de l’Homme (CLADHO). Pour aider les participants rwandais à cette conférence à réfléchir aux différents défis de la reconstruction, un travail préalable de recueil d’expériences de construction de la paix à l’étranger a été mené, et des délégués du Chili, du Cambodge, d’Afrique du Sud, du Zimbabwe, et de bien d’autres pays, ont étéinvités à venir témoigner des problèmes qui s’étaient posés à eux lors du passage de la guerre à la paix.
Le séminaire de Kigali a réuni, pendant une semaine, une centaine de Rwandais et une quarantaine d’invités extérieurs. Dix enjeux majeurs ont été abordés par autant de groupes de travail :
- l’impunité. Comment punir les véritables responsables des massacres, alors que l’Etat est souvent le premier frein à la justice et que l’appareil judiciaire est détruit ? La réconciliation nationale passe par la justice et non par l’oubli, maisil faut veiller à toucher les responsables des massacres, qui ne sont pas toujours ceux qui ont porté les coups.
- la mémoire. L’histoire officielle du Rwanda, qui fait des Hutus et des Tutsi des ennemis héréditaires, est le fruit de manipulations. il faut construire une mémoire plus juste, en y intégrant l’histoire des massacres pour bâtir des projets communs et non pas entretenir la vengeance.
- les victimes du génocide. il est important de panser autant que faire se peut les blessures des victimes du génocide : créer des centres d’accueil et favoriser l’adoption des orphelins, donner des compensations matérielles aux handicapés, accompagner tout particulièrement les femmes victimes de viols.
- la société civile. des associations doivent être favorisées afin de favoriser l’éducation aux droits de l’homme, rechercher à tisser des liens entre l’Etat, les ONG, la population et les financeurs, proposer un accompagnement des enfants sans famille et des miliciens reconvertis.
- les réfugiés. Le Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU, l’Etat et les ONG doivent se coordonner et se partager les tâches en vue de faciliter le retour des réfugiés qui le désirent. il faut concevoir un programme de réinsertion économique et sociale.
- les terres. La terre est l’enjeu de nombreux conflits, insolubles sans politique d’intensification agricole, sans politique urbaine ou sans politique de mise en valeur de nouvelles terres.
- l’administration. Sa reconstruction doit passer par la formation de cadres et la simplification des structures durant la phase de reconstruction. A plus long terme, il faut envisager une décentralisation et une réforme de la Constitution.
- l’eglise est largement accusée pour ses erreurs et sa négligeance. Les responsables doivent reconnaître leurs fautes, l’Eglise ne doit pas se politiser et être plus exigente envers ses prêtres. - la jeunesse. De multiples propositions visent à inculquer de nouvelles valeurs morales aux jeunes et favoriser leurs activités collectives.
- les médias. Les journalistes doivent être mieux formés, contrôlés dans leur activité mais indépendants du pouvoir politique.
- l’aide internationale. Par le passé, elle n’a pas empêché le génocide, y a même contribué de mille manières. il faut s’insurger devant le cynisme de certains Etats, notamment la France. Dans le futur, l’aide doit aider les Rwandais à réaliser les priorités qu’eux-mêmes auront définies pour une stratégie de reconstruction. Actuellement, ces priorités concernent l’aide aux orphelins et aux veuves.
Les participants à chacun des ateliers de travail ont pu partager leur expérience avec celle de représentants d’autres pays qui ont vécu des situations semblables de retour de la guerre à la paix : Colombie, Guatemala, Palestine, Zimbabwé, Croatie, Brésil...
Au-delà de la reconstruction du Rwanda, il faut parler de refondation, tant la faillite de l’ancien système est criante. Les massacres sont le fruit de disfonctionnements multiples qu’il s’agit de corriger en prenant des mesures de court terme mais aussi de long terme. Le dialogue, la formation, la réparation des esprits sont les axes forts d’une reconstruction durable.
violência, paz, guerra civil, racismo, refugiado, passagem da guerra a paz, solidariedade
, Ruanda
Sur le même sujet, voir également le Document de travail n° 64 "Expériences et réflexions sur la reconstruction nationale et la paix"
Livro ; Actas de colóquio, seminário, encontro,…
FPH=FONDATION CHARLES LEOPOLD MAYER POUR LE PROGRES DE L'HOMME, CLADHO=Collectif des ligues et associations de défense des droits de l'Homme, Rwanda : reconstruire, FPH in. Document de travail, 1994 (France), n° 63
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