Pour comprendre les enjeux de l’Organisation mondiale du commerce
Michel SAUQUET, Pierre Yves GUIHENEUF
03 / 1996
Un paysan d’Afrique, demande Joseph Rocher, vaut-il autant qu’un paysan d’Europe ou d’Amérique ? La question est brutale, et pourtant... En 1991, nous avons posé à un haut fonctionnaire européen le problème du faible pouvoir des pays africains dans la négociation de l’Uruguay Round ; la réponse fut cohérente : "L’Afrique ne représente que 2,5 % du commerce mondial, il est normal que son pouvoir d’intervention dans la définition des règles du jeu corresponde à son poids commercial."
Joseph Rocher et le RONGEAD ont assisté de près aux conséquences des stratégies commerciales des pays du Nord sur les paysanneries du Sud. Nous y avons été confrontés, disent-ils, lorsqu’après avoir soutenu le lancement d’un projet rizicole dans l’est du Zaïre, à la fin des années 70, nous avons vu ce projet péricliter au cours de la période 80-85. La cause : une baisse du prix du marché mondial du riz, accompagnée d’un mouvement massif d’importation. ils ont essayé de comprendre cet étrange système, où l’argent du contribuable européen ou américain est curieusement utilisé, d’un côté pour financer des projet de développement dans les pays du Sud, de l’autre pour subventionner des exportations qui vont faire échouer ces mêmes projets.
La genèse du GATT - l’accord général sur le commerce et les tarifs douaniers - se trouve dans le libéralisme du siècle dernier, révisé par l’ordre néo-libéral d’après 1945 en passant par les replis nationaux de l’entre-deux-guerres. Les arguments sur lesquels il s’appuie sont certes légitimes : le bien-être du consommateur, l’économie des ressources, la limitation du chômage... Pourquoi donc alors ces résultats, qui ne semblent pas toujours conformes à l’esprit initial ?
En fait, les négociations du Gatt sont l’expression d’un subtil mélange de principes généraux admis - en principe - par tous les pays membres et de puissants et souterrains rapports de force. Joseph Rocher ne manque pas de remarquer par exemple que, dans la façon dont le Gatt arbitre les différents, la justice n’est jamais indépendante et pas toujours compétente. Les Etats, les firmes et les lobbies tentent tous de tirer leur épingle du jeu. Quand on voit les normes estimées acceptables par un comité d’experts en matière de résidus de pesticides dans les aliments, de 3 à 40 fois plus élevées que celles autorisées sur le territoire américain, on peut s’interroger. On ne s’interroge plus quand on sait que parmi les experts mandatés par les Etats Unis auprès du Gatt, les représentants de l’industrie figurent en bonne place mais que n’y siège aucun groupe de consommateurs ou d’écologistes. Du côté de l’agriculture, le tableau dressé n’invite pas plus à l’optimisme, si on veut bien considérer que l’accord du Gatt compromet gravement l’avenir de certaines régions et de certains producteurs, notamment dans les pays les plus pauvres.
Avec la mondialisation de l’économie et le développement du commerce, les négociations de l’Oorganisation mondiale du commerce (OMC, ex-Gatt)auront des effets de plus en plus importants dans notre vie quotidienne. Nous devons nous y investir car c’est là aussi que s’élabore notre avenir. Producteurs, consommateurs, citoyens en général doivent connaître les enjeux de l’OMC, son mode de fonctionnement et les espaces de discussion. Déjà, des réseaux internationaux d’organisations paysannes ou de développement se constituent. Les écologistes et les consommateurs prennent la mesure de la dimension planétaire des débats de demain. Ces dynamiques sont encourageantes, c’est sans doute là l’effet le plus positif des dernières négociations du Gatt...
livre comércio, liberalismo, política econômica, mercado mundial, acordo comercial, acordo económico, zona de livre comércio, comércio internacional, GATT, OMC
, África
Livro
ROCHER, Joseph, RONGEAD=Réseau d'ONG européennes sur l'Agro-alimentaire et le Développement, Le Gatt en pratique, FPH in. Dossier pour un débat, 1994 (France), n°39
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - Franca - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr