10 / 1996
Pourquoi, dans la plupart des actions de coopération, ne considère-t-on les femmes que comme des victimes, simples bénéficiaires de projets de développement, sous prétexte que la pauvreté les marginalise, l’exclusion les gagne, la soumission les anéantit ? Pourquoi ne pas partir plutôt de ce que les femmes sont, inventent, osent à partir des charges qu’elles assument et des fonctions (à défaut des responsabilités)que -de fait- elles occupent ?
C’est autour de cette question que deux études ont été menées en parallèle en Argentine et au Sénégal, avec des partenaires du CCFD (Comité catholique contre la faim et pour le développement). Puis, les principales intéressées se sont rencontrées à Paris en Octobre 1995.
Histoire d’une rencontre...
Au premier abord, c’est la différence (pour ne pas dire la divergence)des situations et des approches qui frappe. Aux Sénégalaises, il a fallu expliquer ce que "genre" signifie (et ce fut laborieux !), tandis qu’aux femmes d’Argentine, il a fallu traduire (et ce ne fut pas plus facile car il n’existe pour ainsi dire pas dans leur langue)le terme polygamie. Les unes, constituées en Groupements d’intérêt économique (GIE)font de la transformation et de la commercialisation de produits halieutiques dans des villages côtiers du Sénégal, tandis que les autres, dans des quartiers urbains populaires, aident des groupes de femmes victimes de violence conjugale à s’organiser pour faire reconnaître leurs droits. Pour les unes, il faut demander l’autorisation des maris avant d’entrer dans le GIE (c’est stipulé en toutes lettres dans le règlement intérieur), pour les autres, il s’agit de s’affirmer en tant que femme, y compris s’il le faut en s’opposant à la gent masculine.
Qu’y a t-il alors de commun entre ces femmes qui, aujourd’hui, bien en dehors de nous, continuent à entretenir des contacts ?
Il nous semble que c’est d’abord l’opportunité de la découverte mutuelle, l’intérêt du dialogue sur des réalités différentes qui a cimenté l’échange et l’a rendu si vivant. "Comment pouvez-vous accepter d’avoir des co-épouses", ont demandé, scandalisées, les Argentines aux Sénégalaises ? "Et vous, une fois que vous avez défendu vos droits, qui ramène l’argent ?" Pouvoir économique versus combat juridique...
Et c’est ainsi que les femmes du Sénégal ont expliqué tout naturellement, et peut-être pour la première fois, comment, grâce à leur activité économique, elles financent les pirogues de leur maris, achètent une case qu’elles relouent pour "sécuriser l’argent", paient la scolarisation de leurs enfants et acquièrent peu à peu -et de fait- un nouveau pouvoir. Les hommes tirant un bénéfice matériel de cette évolution ont moins d’intérêt à la remettre en cause (tandis que si elles l’avaient revendiquée a priori, le refus aurait été plus net).
Les Argentines ont, quant à elles, expliqué que l’égalité qu’elles entendent défendre, sur laquelle elles théorisent et se constituent en plate-forme de revendication au plan national, est une égalité de droits, une égalité d’opportunité (d’autres diraient de chances)et non d’identité.
Au-delà des différences exprimées, c’est le sentiment de partager le même combat (même s’il n’est pas envisagé en tant que tel par les Sénégalaises)qui a permis de gagner en compréhension mutuelle avant peut-être d’envisager des solutions communes pour permettre aux femmes, de part et d’autre de l’Atlantique, de gagner en autonomie.
mulher, diálogo intercultural, direito das mulheres, discriminação das mulheres, pobreza, violência, autonomia, cooperação Sul Sul
, Senegal, Argentina
Quand les femmes se mobilisent pour la paix, la citoyenneté, l’égalité des droits
Fiche rédigée à partir de la rencontre organisée le 24 octobre 1995 au CCFD à Paris, entre des femmes appartenant à des organisations partenaires du CCFD : Santa-Yalla pour le Sénégal, FEC pour l’Argentine.
Texto original
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