Depuis deux ans, la lutte pour les droits des femmes a connu une avancée importante en France.
Après 1979 et les dernières grandes manifestations pour l’adoption définitive de la loi permettant l’avortement, le mouvement féministe en France s’était morcelé, devenant presque invisible. La montée du Front national depuis les années 1980 et le retour de la droite au pouvoir, notamment le gouvernement de 1995 comportant plusieurs ministres liés aux catholiques intégristes de l’Opus Dei, ont créé une situation dangereuse pour les droits des femmes. Dans un contexte de crise économique, une offensive idéologique a été menée, allant vers la remise en cause pour les femmes de toute autonomie économique et vis-à-vis de la maternité, conformément à l’ordre moral qui conçoit leur vie comme subordonnée à l’existence de la famille traditionnelle. Ces intentions se sont principalement concrétisées pour les femmes -qui sont déjà les premières victimes du chômage- par l’adoption de lois les incitant à abandonner leur travail et développant la précarité, par des coupes dans les budgets sociaux qui ont entre autres eu des conséquences sur les possibilités de recourir à l’avortement dans les hôpitaux.
Depuis plusieurs années, la pratique de l’avortement a même été menacée physiquement par les actions de commandos anti-avortement menées par quelques petits groupes, à l’image de ceux existant aux Etats-Unis, s’introduisant dans les hôpitaux ou cliniques, détruisant le matériel, occupant les locaux, ce qui, dans tous les cas, représente une véritable violence pour les femmes et le personnel médical. La Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (CADAC)s’est créée en réponse aux premières actions commandos, avec l’adhésion de plusieurs partis, syndicats et associations, pour empêcher toute remise en cause du droit de choisir, y compris en utilisant les recours juridiques. Mais, malgré une loi obtenue en 1993 qui permet de condamner toutes les entraves à l’avortement, les procès contre ces opposants ont le plus souvent abouti à des peines symboliques. A de nombreuses reprises, les commandos ont même obtenu des autorisations administratives leur permettant de se rassembler aux portes des cliniques pendant des heures sous la protection de la police, comme s’ils étaient de simples manifestants. La CADAC a dû faire face à cette situation, choisissant, pour réussir, à faire interdire et écourter ces actions intolérables et contraires à la loi, de faire intervenir les élus locaux de la gauche et d’appeler systématiquement à des contre-rassemblements au même moment et au même lieu. Cette stratégie a souvent payé, mais elle présente des risques. Cette volonté de ne pas laisser les femmes seules face aux opposants à l’avortement implique la confrontation directe dans le cas où l’interdiction n’est pas obtenue, ce qui peut dériver vers une logique d’affrontements qui risquent de choquer les femmes et qui tendent à les mettre sur le même plan que les groupes minoritaires anti-avortement.
En janvier 1995, alors que les actions commandos se multipliaient, les opposants à l’avortement -avec le soutien de l’extrême-droite et d’une partie de la droite- ont réussi une manifestation de rue de 10 000 personnes. Ceci démontre que les commandos, certes minoritaires, n’agissent pas de façon isolée et qu’ils sont le produit d’une remontée de l’ordre moral bien plus vaste. Il apparaissait alors vital de reconstruire une mobilisation d’ampleur et d’ensemble. La CADAC a appelé à une manifestation nationale en novembre 1995, mais avec la volonté de ne pas la limiter au droit à l’avortement afin de démontrer que toutes les attaques contre les droits des femmes participent d’une même logique, celle qui menace les droits de toute la population. Les mots d’ordre mis en avant ont été le droit à l’avortement et à la contraception, le droit au travail, l’égalité hommes-femmes dans tous les domaines, le refus du retour de l’ordre moral.
Toutes les composantes de la gauche se sont impliquées, dès la préparation de la manifestation, y compris celles qui n’avaient pas ou plus d’intervention concernant les droits des femmes. Des collectifs de préparation unitaires se sont créés dans toute la France. Quarante mille personnes ont participé à la manifestation, très dynamique et colorée (chansons et matériel conçus pour l’occasion). La réapparition de cette lutte était donc pleinement réussie. Ce succès nous donnait une responsabilité collective. C’était aussi une véritable occasion pour que les débats sur les droits des femmes traversent des organisations très diverses.
La volonté de toutes était de continuer ensemble. Mais il est apparu que, pour avancer, nous ne pouvions pas nous en tenir à des mots d’ordre. Il fallait approfondir les débats et définir un contenu. Nous avons fait le choix de préparer des Assises nationales pour les droits des femmes dans le but d’aboutir à des revendications précises dans tous les domaines. Nous savions que cela signifiait que les débats qui traversent la gauche allaient surgir entre les 166 organisations politiques, syndicales et associatives composant le collectif. Nous avons choisi de les mener dans la durée, de mettre en place un travail commun pour favoriser un fonctionnement au consensus. Pour cela, des commissions se sont constituées : Droit au travail, Précarite-pauvreté-immigration, Elles choisissent (avortement, contraception et choix sexuels), Citoyenneté-laïcité-ordre moral, Femmes dans la vie publique, Violences faites aux femmes, Familles et politiques familiales, International.
Le travail des commissions a été enrichi par la tenue d’Assises locales ou régionales, qui ont quelquefois permis des expériences très importantes. Dans le Nord, l’une des zones les plus touchées par la crise et le chômage, des cahiers de présentation des Assises ont été diffusés par le collectif local, donnant la possibilité aux femmes de s’y exprimer. Des centaines de témoignages de femmes ont ainsi été recueillis. Les femmes y ont décrit leurs difficultés matérielles, leurs conditions de travail, les violences qu’elles subissent, leur situation familiale. Certaines se sont exprimées en tant que retraitées ou femmes d’origine étrangère. Beaucoup ont fait part de leur volonté de changer la société. Ces témoignages étaient d’autant plus bouleversants que certaines femmes semblaient ne jamais avoir eu l’occasion de les faire connaître auparavant. Ils ont été le support des assises de la région Nord-Pas-de-Calais qui ont réuni 400 personnes. Toute la difficulté était d’utiliser pendant les assises le travail fait durant des mois, d’arriver à faire participer un maximum de femmes à cette étape, de faire partager la profondeur du travail réalisé dans les commissions.
Deux mille personnes ont assisté aux assises nationales des 15 et 16 mars 1997, qui ont abouti à une plate-forme commune, dont la lutte pour l’emploi est l’axe principal. Le collectif se maintient pour gagner sur cette plate-forme, avec une première campagne sur l’emploi. Les femmes de toutes les organisations ont souligné que l’existence de cette dynamique unitaire avait renforcé leur rôle dans leurs organisations respectives.
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, Franca
Quand les femmes se mobilisent pour la paix, la citoyenneté, l’égalité des droits
Texto original
CADAC (Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception) - 21 ter rue Voltaire, 75011 Paris, FRANCE - Tél./Fax 01 43 56 36 48 - Franca - www.cadac.org - colcadac (@) club-internet.fr