Dans son intervention au Séminaire-atelier "Les mouvements de femmes aujourd’hui en Argentine, Brésil, Chili, Paraguay, Uruguay" tenu à Buenos-Aires en juillet 1993, Erika PADILLA CID, membre de l’équipe de formation des femmes de milieux populaires de l’organisation chilienne Tierra Nuestra (Notre Terre), a fait un historique du mouvement des femmes au Chili. Cette fiche résume cette partie de son exposé.
Pour comprendre la réalité du mouvement des femmes au Chili, l’auteur retrace son passé proche et distingue quatre périodes pour décrire les actions collectives des femmes sous le gouvernement militaire.
1/ Les femmes s’organisent pour défendre la vie (1973-1976).
A cette étape de la dictature, l’organisation des femmes répond à la violation systématique des droits de l’homme. Les familles de détenus disparus, de prisonniers et de victimes politiques se regroupent. L’organisation cherche à résoudre les cas individuels en les dénonçant et en créant une pression sociale. De la même façon, des groupes de femmes se constituent pour assurer leurs moyens de subsistance. Sous la protection de l’Eglise catholique, apparaissent des cantines pour enfants, des ateliers de production, des potagers familiaux, des soupes populaires, etc. On ne peut ignorer qu’un large réseau de Centres de Mères, organisation traditionnelle des femmes des quartiers pauvres, est contrôlé par le gouvernement militaire par le biais du CEMA-Chili.
2/ Les femmes commencent à s’interroger sur leur problématique spécifique (1977-1981)
A partir de l’Année internationale de la femme (1975), de la Décennie de la femme des Nations Unies (1975-1985)et d’initiatives internationales multiples, le Chili est sensibilisé à la question par les femmes des organismes d’aide, les partis politiques puis les organisations populaires. C’est ainsi que surgit toute une kyrielle d’organisations qui se mettent à débattre de la discrimination de la femme. Le gouvernement s’institutionnalise et les femmes s’interrogent sur leur rôle dans les domaines social, culturel et politique. C’est dans ce contexte que se déroulent quatre Rencontres nationales de la femme chilienne, qu’est lancé l’appel à célébrer la Journée de la femme et que naissent des organisations ayant pour objet une réflexion autour de la condition féminine et d’autres relatives aux partis ou courants politiques.
3/ Les femmes se mobilisent contre la dictature par leurs demandes spécifiques (1982-1986)
Pendant cette période, le travail des Organisations non gouvernementales (ONG)se poursuit par des programmes qui s’adressent aux femmes à faibles revenus et des institutions exclusivement destinées aux femmes voient le jour. Ceci facilite la prise de conscience par les femmes de leur condition spécifique en enrichissant leur expérience organisationnelle. Les petits groupes prolifèrent qui s’interrogent sur la problématique de la vie quotidienne, développant ainsi entre les participantes des liens affectifs et de solidarité. Le Mouvement féministe naît et dispose de sa propre maison "La Morada". Cette période est riche en mobilisations diverses à travers lesquelles se forge le mot d’ordre : "La démocratie dans le pays et à la maison".
4/ Les femmes formulent leurs propositions pour la démocratie (1987-1989)
A partir de l’instauration de l’état de siège, les activités publiques du mouvement déclinent, à l’exception de celles du 8 mars. Il devient évident que la fin de la dictature sera négociée et qu’elle se réalisera par étapes. Lors du plébiscite de 1988, les femmes s’engagent pour assurer la victoire du NON. Elles participent également aux élections présidentielles et parlementaires. Elles publient «Les revendications des femmes pour la démocratie» qui intègrent, outre le retour à la démocratie, une critique de l’ordre social établi et divers avis critiques face à la situation discriminatoire de la femme. Dans ces documents, les revendications spécifiques des femmes apparaissent ainsi que la demande de leur incorporation au programme de gouvernement démocratique. La Concertation des femmes pour la démocratie se constitue et élabore un Programme de gouvernement pour la femme dans lequel elle préconise la création d’un ministère spécifique. La dictature prend fin en restituant la sphère socio-politique aux partis politiques. Ceux-ci se plongent dans une période de négociations et de distanciation d’avec le mouvement social, lequel perd peu à peu sa capacité à faire valoir ses droits.
4/ Enfin, l’auteur s’interroge : qu’en est-il aujourd’hui des femmes au Chili ? (juillet 1993)
Le processus de transition est dirigé par les partis politiques, et le mouvement social qui a permis de sortir de la dictature en est absent. Commence alors une période de réorganisation sociale, politique et gouvernementale. Les femmes ont tendance à se disperser. On constate un flux depuis les ONG, les partis politiques et les organisations sociales vers les structures gouvernementales. La démocratie qui s’est construite selon des modalités définies par le gouvernement précédent, est de type représentatif et non participatif ; elle est principalement l’affaire des partis politiques dont la prépondérance est très forte. Les syndicats et les corporations assument les luttes revendicatives particulières. Le gouvernement ne change pas de politique économique. Il maintient le système néolibéral qui, s’il place le Chili au niveau macro-économique au cinquième rang mondial de la croissance technologique, génère, tout comme sous le gouvernement précédent, un haut degré de pauvreté. Les secteurs populaires attendent patiemment une "croissance équitable" qui n’arrive pas et qui laisse une part importante de la société dans la pauvreté et la marginalité. C’est là que se retrouvent les femmes, au même titre que les jeunes, les vieux et les secteurs populaires.
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, Chile
Quand les femmes se mobilisent pour la paix, la citoyenneté, l’égalité des droits
Ce bref historique du mouvement des femmes au Chili montre une expérience d’organisation dans un pays latino-américain et souligne également un processus qui s’est vérifié dans d’autres pays : la cooptation des femmes dirigeantes du mouvement social par les structures gouvernementales.
Fiche originale en espagnol, traduite par Claire TARRIERE (RITIMO-CEDIDELP), MFN 4747.
Livro
PADILLA CID, Erika, Movimiento de Mujeres hoy en Chile, Red de Comunicación, 1994/04 (URUGUAY)
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