Valerii Abramkin, ancien dissident politique, a été arrêté en 1979 et a passé six ans dans les prisons soviétiques (dont deux dans un camp à régime sévère, à Krasnoiarsk)pour divers délits, dont la diffusion clandestine de samizdat. Membre du comité de réforme du système pénal, de la délégation moscovite du groupe d’Helsinki, expert de divers comités des droits de l’homme, il est aujourd’hui à la tête d’un centre de recherche et d’expertise, conseille l’Assemblée sur les questions de droits de l’homme et écrit de nombreux ouvrages, souvent financés par les programmes TACIS ou l’institut de la société ouverte (G. Soros)sur l’état du monde carcéral et pénitentiaire russe. Il dresse le plus souvent un état des lieux, mais édite aussi des ouvrages de conseils aux détenus pour survivre dans les conditions de vie insoutenables des prisons soviétiques. Voici comment est construit le livre : comment survivre dans une prison soviétique?
En fait, ce livre donne des conseils pratiques aux personnes impliquées dans une procédure judiciaire, étape par étape : arrestation, instruction du procès, jugement, verdict, procédures de recours et d’appel, demandes de grâces, prison. La partie la plus intéressante concerne la vie en prison : l’auteur livre son expérience et conseille les détenus. Il décrit les règles informelles, mais inviolables, de la vie en communauté, les hiérarchies existantes, la répartition des rôles. Le plus frappant est de constater que, durant la période soviétique, le monde carcéral vit en monde clos, selon ses propres règles. Ainsi, la vie dans les cellules est ordonnée selon des principes de vie en communauté : tous les biens (argent, nourriture, cigarettes)sont centralisés et redistribués selon des règles égalitaires. Les conflits sont tranchés par des autorités morales. La hiérarchie est très présente : l’auteur distingue quatre castes:
Il y a d’abord les "blatnye", c’est-à-dire les sommets de la hiérarchie du milieu : autorités, bandits d’honneurs. Pour eux, la prison est une étape de leur carrière criminelle. Ils refusent de travailler car le milieu ordonne que les blatnye n’aient aucun contact avec le pouvoir officiel, l’administration. En particulier, une personne ne peut être admise dans ce milieu si elle a été membre, ne serait-ce qu’un jour, du Parti communiste ou des jeunesses communistes. Ils n’ont pas le droit d’être mariés, ni d’avoir effectué leur service militaire. Ils tranchent les conflits apparus dans les cellules et dirigent la vie des détenus, parallèlement à l’administration pénitentiaires.
Les "moujiki" constituent la deuxième caste : ils ne font pas carrière dans le monde du crime. A la sortie de prison, ils sont en droit d’envisager de mener une existence honnête, de travailler. Toutefois, en prison, ils respectent les règles du milieu et refusent de collaborer avec l’administration carcérale. Bien que n’ayant pas le droit de s’immiscer dans le monde des blatnye, il arrive qu’ils en suscitent le respect et que leur avis soit demandé pour la résolution d’un problème.
La troisième caste s’appelle "kozly" : ce sont les traîtres, ceux qui collaborent avec l’administration pénitentiaire. Il sont évidemment détestés par les blatnye et les moujiki.
La quatrième caste, les "petoukhi", désignent les homosexuels assumés ou désignés. Ils assouvissent les besoins sexuels des détenus, sont méprisés, bien que parfois défendus par des blatnye. Ce sont les castes principales : il en existe d’autres.
Les insultes sont interdites. En effet, la prison est un monde où existent des règles strictes : toute parole prononcée n’est jamais prise à la légère. Toute personne doit répondre des mots qu’il a prononcés. Aucun humour, aucun secon degré ne justifient une insulte proférée. Deuxième règle : toute personne doit régler seule ses problèmes. Si quelqu’un se fait agresser, il doit répondre. Ce n’est qu’après qu’un tiers a le droit d’intervenir. S’il intervient avant, cela lui sera reproché.
Enfin, les codes et valeurs se retrouvent à travers les tatouages. Ceux-ci désignent l’infraction commise par le condamné et le nombre d’années passées en prison. Les motifs religieux cachent souvent ce genre de significations : autant de coupoles à une église, autant d’années passées en prison.
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, Rússia
V. Abramkin sait de quoi il parle. Son témoignage a beaucoup de valeurs, particulièrement dans une période où le monde criminel alimente de nombreux mythes et fantasmes. La description de la vie en prison permet de repenser également la capacité du système soviétique à contrôler la société.
Les titres des documents cités dans cette fiche ont été traduits du russe ou transcrits en caractères latins. Pour toute recherche, s’informer auprès de France-Oural.
Livro
ABRAMKIN, Valerii, Comment survivre dans une prison soviétique?, Vostok, 1992 (RUSSIE)
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