L’athéisme, qui constituait l’un des fondements du régime soviétique, est remis en cause en URSS à la suite la politique de libéralisation de Mikhail Gorbatchev. En 1990, une loi reconnait la liberté de croyance et la liberté des organisations religieuses. A la suite de la disparition de l’URSS, en décembre 1991, la Russie s’engage à garantir cette liberté religieuse. En 1993, celle-ci est étendue juridiquement aux militaires. La loi de la Fédération de Russie "Sur le statut des militaires", adoptée en 1993, reconnaît aux militaires le droit de participer à des messes et à des cérémonies religieuses, à titre personnel et en dehors du temps de service.
Au delà des considérations juridiques, l’évolution des relations entre l’Eglise et l’armée en Russie est un phénomène notable. En effet, la Russie hérite de la majeure partie de l’armée soviétique. Cette armée est bouleversée et moralement désemparée. La faillite de l’idéologie qui la guidait, la perte des valeurs soviétiques conduisent les officiers à chercher de nouveaux repères moraux. L’Eglise orthodoxe russe tente de répondre à leurs attentes.
Conscient du rôle qu’est susceptible de jouer le facteur religieux dans la reconstruction morale de l’armée et soucieux de renouer avec les traditions militaires pré-révolutionnaires, le ministère de la défense russe se lance, à partir de 1992, dans une politique de coopération avec l’Eglise. Le 2 mars 1994, le patriarche de Moscou et de toutes les Russies, Alexis II, signe avec le ministre de la défense, Pavel Gratchev, une déclaration commune. Un comité de coordination entre l’Eglise orthodoxe et l’armée est créé.
Des officiers chargés de la collaboration avec les organisations religieuses sont instituées. Mais, en novembre 1995, le patriarche Alexis insiste sur la nécessité de passer à une nouvelle étape en instituant des prêtres militaires.
Des conférences sur les problèmes de coopération entre l’armée et l’église ont lieu dans les écoles militaires supérieures. Des églises orthodoxes sont construites au sein des écoles militaires de Kostroma et de Saratov, au sein de l’école des troupes de fusées stratégiques de Krasnodar. La tradition des parades militaires renaît lors des fêtes religieuses. A la fin de l’année 1994, le patriarche Alexis estime que la collaboration entre l’Eglise et l’armée est un succès.
L’Eglise orthodoxe n’hésite pas à s’engager sur le terrain pour aider le ministère de la Défense. Depuis la fin des années 1980, on observe une augmentation du nombre d’insoumis en URSS puis en Russie. les jeunes Russes ne souhaitent pas servir dans une armée réputée pour ses conditions de vie difficiles et ses brutalités. En octobre 1995, lors de la période de conscription d’automne en Russie, le patriarche Alexis II fait publier une lettre aux jeunes en âge de servir les incitant à répondre à l’appel sous les drapeaux.
En collaborant avec l’armée, l’Eglise se fait le soutien parfois aveugle de ses dérives. La guerre en Tchétchénie l’illustre. En 1995, Pavel Gratchev déclare: "l’armée russe a toujours été forte grâce à sa haute spiritualité. L’Eglise est la première qui a soutenu l’armée lorsqu’elle a rempli sa mission en Tchétchénie pour le maintien de l’intégrité territoriale de la Russie". A quoi Alexis II répond "l’Eglise orthodoxe prie pour ceux qui défendent la patrie".
La collaboration entre l’Eglise et l’armée en Russie n’est pas unique. Des accords ont aussi été signés entre l’Eglise et le ministère des affaires intérieures, le service fédéral de garde-frontières et l’agence fédérale des communications du gouvernement. L’Eglise orthodoxe russe est traditionnellement un soutien du régime politique en place. Du temps même de l’URSS, l’Eglise orthodoxe s’es singularisé par sa soumission et ses compromissions avec le régime en place. La collaboration entre l’Eglise et l’armée en Russie se situe donc dans ce cadre plus général.
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, Rússia
La coopération entre l’Eglise et l’armée, au niveau des dirigeants, est notable en Russie. Il semble par contre difficile d’évaluer sa réalité sur le terrain. Beaucoup de militaires, formés à l’école soviétique, ne se sont pas convertis à l’orthodoxie à la suite de la disparition de l’URSS. Les chiffres fournis par le général Moroz, chargé de la formation au sein des troupes de fusées stratégiques, qui montrent que seulement 8% des officiers ont croyants au sein de cette arme, permet de relativiser les déclarations des dirigeants militaires et religieux sur l’importance de leur collaboration.
Les titres des documents cités dans cette fiche ont été traduits du russe ou transcrits en caractères latins. Pour toute recherche, s’informer auprès de France-Oural.
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