Paysans dentistes d’Amérique Latine

Dans la clinique dentaire de la paroisse San Roque, un quartier déshérité de San Salvador, des adolescents- filles et garçons- suivent une formation pour devenir rapidement les dentistes de leur communauté. On a choisi les plus sérieux, les plus motivés et les plus habiles de leurs mains. Ils savent lire et écrire. Monique Tillier de l’Université Paris-Montrouge et Lise Weil témoignent suite à leur visite au Salvador:"Bien qu’ils n’aient pas le bagage scientifique qui permet à un dentiste de soigner des cas complexes ou graves, les artisans dentistes-c’est ainsi que nous les appelons- traitent toutes les situations courantes. Ils font preuve d’un souci professionnel remarquable et se dotent de garanties de contrôle de soins, sans qu’aucun médecin ou dentiste diplômé supervise le travail!." La formation s’attache à développer le sens des responsabilités et l’esprit communautaire sans lesquels les cliniques ne survivent pas. L’acquisition des connaissances se fait de manière progressive. On étudie d’abord les instruments odontologiques, la pratique du diagnostic et actes tels que détartrage et extraction. Une grande place est faite à la prévention. Les ateliers de 2ème et 3 ème niveaux approfondissent ces connaissances par des notions d’anatomie et de physiologie ainsi que de thérapeutique des affections orales courantes, de prothèses et d’orthodontie. Chaque soignant sera également un prothésiste. De retour au village, dans le quartier ou la coopérative, ils construiront de leurs mains la future clinique, la table pour allonger le malade etc..Leur ingéniosité supplée au manque de moyens matériels. En dehors du matériel en contact avec la bouche et les turbines pour les fraises, tout est fabriqué par les artisans dentistes. Avec des moteurs de frigo, des freins de voiture, des pistolets à peinture, ils produisent des modules dentaires à des prix particulièrement bas. Tout est fait pour rendre les soins accessibles à la population. Les patients ne paient que la matière première utilisée pour leurs soins. L’aide internationale, l’Association "Dents et Santé" en Amérique latine assurent le financement ainsi que la conception communautaire. Deux cents paysans très pauvres ont été ainsi formés depuis la création du projet. Ils y ont vu l’occasion d’étudier, d’utiliser leurs capacités et ont donné trois jours de leur semaine de travail à ce service communautaire. En échange, ils sont nourris et logés. Tous évoquent la satisfaction d’être socialement utiles à leur communauté. Cette expérience commence à être connue hors l’Amérique latine. Un médecin béninois a déjà pris un premier contact avec la DESPAC pour l’implanter dans son pays.