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L’ Amérique latine est faite de métissages culturels

Sébastien LE RAY

06 / 1997

Utilisant le vieil adage qui veut que l’on ne soit jamais aussi bien servi que par soi-même, l’écrivain et homme politique Mario Vargas Llosa reprend la généalogie de sa famille pour étayer ses propos sur la culture métis de l’Amérique latine.

Les Vargas sont arrivés au Pérou avec la première vague de colonisationnespagnole et se sont ensuite éparpillés au cours des siècles à travers tout le pays. De cette branche vient la famille paternelle. Le premier Llosa arrive bien plus tard sur la côte péruvienne (XVIIe siècle). Faisant de son cas une généralité, l’auteur annonce que la plupart des Latino-américains suivent une lignée européenne. Espagnol pour les plus anciens, ce lien avec l’Europe peut aussi se faire pour le Portugal, la France, l’Italie pour les branches familiales les plus récentes. A partir de là, des métissages, des mélanges se sont opérés entre les différentes populations (blanches, indiennes, noires). Bien sûr, ce métissage s’est opéré à des rythmes différents selon les pays (plus rapidement au Mexique qu’au Pérou), mais a été quasi général et ceci dans les deux sens, au point que l’on peut affirmer "qu’il n’y a pas de famille européenne établie en Amérique latine qui, après deux ou trois générations ne se soit indianisée un peu. Vice-versa, les Indiens "purs" (si tant est que cette expression ait encore un sens)sont aussi faciles à trouver qu’une aiguille dans une meule de foin".

Mais attention aux définitions. Ce propos pouvant étonner, M.V. Llosa précise le sens qu’il donne au métissage qui est pour lui aussi culturel et psychologique. Ce métissage se trouve donc naturellement par exemple dans la langue. Autant l’espagnol est affirmatif et explicite, autant le péruvien utilise des diminutifs pour adoucir sentiment et conviction (pas de "non" mais des "oui, mais" : "Blancs, Noirs, métis, mulâtres, ,nous les Péruviens, au moment de parler (c’est-à-dire de sentir ou penser)sommes imprégnés du ritualisme et des délicates formes indirectes tant appréciées des Quechuas. Et les Indiens sont aussi touchés par ce phénomène". L’auteur, pour étayer ses propos, reprend la thèse de José María Arguedos qui démontre que la communauté indigène est un pur produit métis ayant emprunté des coutumes, des croyances et des manières aux Espagnols qui prévalent aujourd’hui sur les formes autochtones.

Malheureusement, ce métissage est souvent ignoré, voire rejeté du fait du racisme qui sévit en Amérique latine et qui s’exprime de mille façons. Or contrairement à ce que l’on pourrait croire (le pouvoir économique et social étant essentiellement entre les mains des Blancs, les Indiens occupant une position d’exploités), le racisme fonctionne à double sens et surtout de manière intellectuelle. Un bon exemple de ce racisme intellectuel reste le débat qui agite les "indigénistes" et les hispanistes des années 20 et 30, où certains proposaient de détruire les églises et les peintures coloniales car elles représentaient "l’anti-Pérou". L’auteur a donc vu un risque dans la célébration du 5ème Centenaire : que celui-ci soit pollué par de vieux débats alors que des problèmes beaucoup plus urgents sont à traiter. Il ne sert à rien de se lamenter continuellement sur les massacres commis il y a 500 ans (même s’il faut les avoir à l’esprit); il faut plutôt voir pourquoi discrimination et déculturation ont continué sous les indépendances et persistent aujourd’hui. Quant à refaire l’histoire avec des "si" (que se serait-il passé si les Européens n’avaient pas débarqué en Amérique...), cela relève de l’histoire-fiction et n’a aucun intérêt. Il est nécessaire de vivre avec son passé, mais aussi se projeter dans l’avenir. De cette rencontre, l’Europe et l’Amérique ont subi des bouleversements. Les deux mondes sont maintenant liés et il faut l’intégrer et peut-être considérer cela comme une chance, "une chance d’être tributaire d’une vieille dynastie de penseurs, poètes, inventeurs, rebelles et artistes qui contribuèrent de façon décisive à faire reculer la barbarie de l’intolérance, du dogme, des vérités uniques, et à séparer la morale de la raison d’Etat".

Palavras-chave

desenvolvimento cultural, cultura dominante, cultura minoritaria, cultura e poder, diversidade cultural, aculturação, racismo


, América Latina

Comentários

M. V. Llosa se veut à travers ce texte le chantre de la culture métis. Malheureusement, parfois il se voile la face et ignore les problèmes : le métissage n’est pas la solution miracle à tous les maux : le métis peut, par exemple, renier son sang indien ou noir et vouloir être plus blanc que le blanc. (Au Guatemala, les métis ont été les complices zélés du massacre des populations indiennes...). De plus, il n’insiste pas assez sur le racisme qui touche les populations indiennes, exclues du système économique et social. Par contre, ses propos sur le racisme à double sens et intellectuel sont très développés. Dans son combat pour plus de justice, des priorités et des choix doivent être gérés.

Notas

Titre de l’article de M.Vargas LLosa : "Eloge du métissage".

Fonte

Artigos e dossiês

VARGAS LLOSA, Mario, 1492, l'invention d'une culture in. Magazine littéraire, 1992/02/00 (France), n° 296

CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - Franca - cedal (@) globenet.org

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