François Lartigue, du fait de ses connaissances sur certaines cultures méso-américaines, est inséré dans une équipe officielle chargée de faire un film sur la première rencontre continentale de la pluralité, qui se tient à Mexico en 1992, réunissant plusieurs ethnies de l’ensemble du continent américain. Il relate ici son parcours.
Il souligne tout d’abord les moyens colossaux mis en oeuvre pour cette réalisation : dépenses considérables, les meilleurs preneurs d’images de Mexico, des tournages vont même se dérouler dans un studio qui a vu passer la superproduction américaine, "Dune".
Le cinéaste Paul Leduc a choisi de prendre l’ethnie Nambihwara comme interlocuteur privilégié pour son reportage. Elle est originaire du Brésil et est devenue célèbre pendant les années 70 comme le Biafra du Brésil, quand une épidémie de rougeole a provoqué la mort d’une grande partie de la population indigène, sous-alimentée et expulsée de ses terres. Les autres ethnies présentes sont les Invit, les Mapuche, les Apache Tarto et les Kayapo, les Rararumari et les Wayu, les Zapotèques et les Shipito, les Kehchi et les Paez, les Garifuna et les Kura. Deux Nambihwara sont particulièrement repérés :
- Le responsable du groupe, Moné Manchuco, qui est éducateur au Posto Indigena Kithaulu. Il cherche à composer un recueil de la tradition de son peuple; il est donc très intéressé par la création d’un fonds pour le développement des peuples indigènes d’Amérique latine, pour financer son projet.
- Lourenço Alino de Conguira, 80 ans, va devenir un des pilliers du film "grâce à sa patiente gentillesse, sa volubilité et une allure qui convient à Leduc, car elle réunit le visage expressif d’un homme d’âge mûr et les aspects qui en garantissent d’être partout reconnaissable comme un véritable amérindien". Pour les besoins du reportage, il raconte entre autre l’histoire de la "minina" (muentsu)qui relate l’origine de la musique, distribue un tract sur les conséquences néfastes de la recherche d’or sur les rives de la rivière Agua Suja, à l’ouest de la zone indienne Sararé, sous-groupe de Nambihwara (pollution de rivières, déforestation...)
Des dicussions ont aussi lieu entre les différentes ethnies (entrevue par exemple entre Moné Manduco et Antonio Nuñoz, un Shipibo du Pérou, autour du problème de commercialisation de l’artisanat).
F. Lartigue va ensuite décrire la marche de la pluralité du 26 avril 1992, qui passera par le Zocolo, la grande place centrale de Mexico, qui permet d’importants rassemblements. Pour l’occasion, de vastes plate-formes avaient été aménagées, sonorisation et feux d’artifice étaient prêts. Mais malheureusement pour les organisateurs, la pluie fut de la partie, ce qui amena un mauvais déroulement de la marche. Au-delà de quelques anecdotes (un speaker va demander aux manifestants de retirer leurs imperméables afin que l’on puisse admirer leurs vêtements typiques), l’auteur essaie d’analyser la logique de cette commémoration : elle aurait dû permettre de rappeler une bien sombre actualité (narcotrafic, économies exsangues...)
Des réactions vont être déclenchées de la part des ethnies participantes : 2 jours après la fin de la rencontre, elles publieront un manifeste dans les journaux américains pour soutenir toutes les manifestations de revendication et pour exiger le respect du processus d’autonomie et des formes d’organisation autonome, adaptées chacune à leur propre contexte juridique et politique. Par ailleurs, les Mapuche du Chili, les Shoar de l’Equateur et certains groupes du Mexique avaient dénoncé le caractère trop folklorique du programme de la rencontre. Selon l’auteur, certaines autorités officielles avaient tenté de la paralyser pour des impératifs politico-diplomatiques mexico-espagnols.
cultura minoritaria, pluralismo cultural
, México, América
Artigos e dossiês
LARTIGUE, François in. CARAVELLE, 1992 (France), n° 59
CEDAL FRANCE (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine) - Franca - cedal (@) globenet.org