Les mutations des sociétés pastorales et l’action des ONG en Afrique sahélienne
03 / 1996
En conflit avec les agriculteurs, suspects aux yeux des pouvoirs, les peuples d’éleveurs de l’Afrique sahélienne ont longtemps été marginalisés. Il a fallu que la sécheresse mette en lumière leur détresse dans les années soixante-dix et quatre-vingt pour que se développent, pas toujours dans la cohérence, des actions d’aide en leur direction. Les ONG sont passées progressivement de l’assistance au développement en tentant d’accompagner les bouleversements sociaux qui ont affecté l’organisation traditionnelle de ces peuples : contraintes imposées par les politiques gouvernementales, début de sédentarisation ou émigration urbaine, difficultés d’accès aux paturages, concentration des troupeaux aux mains de gros propriétaires...
Vingt ans après, quel bilan peut-on faire de cette action ? Trois paradoxes sont soulignés par le sociologue J.P. Ollivier de Sardan dans sa préface :
1. Au-delà des conflits entre agriculteurs et pasteurs pour l’accès aux paturages, le partage de l’eau ou les dégâts causés par les troupeaux, la complémentarité agriculture-élevage est éclatante et devrait constituer une préoccupation fondamentale de toute action de développement rural. Non seulement les échanges sont favorables aux deux parties, mais les pasteurs sont eux-mêmes aussi agriculteurs. Pourtant, dans les projets de développement, agriculture et élevage sont rarement associés et la recherche de procédures de négociation entre éleveurs et agriculteurs autour de projets communs est quasiment inexistante.
2. Les femmes ont un rôle déterminant dans l’économie pastorale : elles sont propriétaires, productrices, transformatrices, gestionnaires, vendeuses... Mais ce rôle est presque toujours ignoré dans les projets. Ceux qui s’adressent à elles ne concernent que les activités - certes estimables mais limitées - de l’hygiène, des soins aux enfants ou de l’alphabétisation. Ce problème relève de stéréotypes occidentaux de la féminité plutôt que d’une prise en compte du rôle réel des femmes.
3. Même dans les pires conditions, dans les bidonvilles ou dans les camps de réfugiés, les groupes de pasteurs tentent de garder un lien avec l’élevage et le mode de vie pastoral. La reconstitution des troupeaux est souvent un objectif prioritaire, ce qui est logique d’un point de vue économique. Pourtant, les activités de reconversion qu’on leur propose prennent rarement en compte cette réalité. Pourquoi, alors que ces gens disposent de grandes compétences dans une activité dont la rentabilité est élevée, tente-t-on de les convertir à des activités à rentabilité douteuse comme l’agriculture irriguée ou l’artisanat ?
Le constat est donc sévère pour les ONG. D’autant plus que l’auteur juge que rares sont les projets qui mettent au premier plan le souci d’offrir à leurs usagers un service de qualité. Si les ONG concernées par ces projets se sont cependant soumises à la règle du jeu d’une évaluation sans complaisance, c’est bien parce qu’elles jugent urgent de réorienter leurs façons de faire. La perspective est donc encourageante et ouvre des pistes prometteuses.
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, Burkina Faso, Chade, Eritreia, Quénia, Mali, Mauritânia, Níger, Somália, Sudão, Uganda
L’ouvrage est basé sur la présentation et l’analyse de 34 projets ONG dans 10 pays de la région sahélienne, classés par secteurs d’intervention. ACORD est un consortium d’ONG européennes, parmi lesquelles Oxfam, Afvp, Novib...
Livro ; Relato de experiencias
OXBY, Clare, ACORD, Peuples pasteurs en crise, Syros Alternatives, 1990 (France)
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - Franca - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr