Comment naît une innovation ? Comment se diffuse-t-elle dans la société ? Quelle est la part de l’invention originale et du transfert d’idées dans une innovation ? Ces questions n’interrogent pas seulement ceux qui se passionnent pour la création technique, mais plus généralement ceux qui s’intéressent aux processus de changement social et aux relations entre technique et société. A travers quelques cas précis, on entrevoit la complexité des processus. En commençant par l’histoire de la célèbre 2 CV.
Qui savait que la plus rustique de nos voitures a été l’aboutissement d’un processus d’innovation des plus longs et complexes qu’ait connu l’industrie automobile ? La qualité du processus de création de la 2 CV Citroën a sans doute été la clé de son succès, jamais encore égalé. Ecoutez plutôt : l’histoire commence dans la presse spécialisée, qui réclame une voiturette à la portée des acheteurs modestes. Au début, les constructeurs français ne prêtent guère attention à cette demande de la clientèle, mais la sortie de la petite Fiat 500 les oblige à se bousculer. Des ingénieurs sont lancés dans la campagne pour connaître les désirs de la clientèle. C’est simple : elle veut une voiture pas chère et pleine de qualités. Les responsables commerciaux craignent qu’un modèle économique ne vienne concurrencer le haut de gamme mais ils sont vite rassurés : un prix bas et une robustesse imposent des performances modestes et une esthétique "aux limites de la provocation". Les pauvres ne pourront pas faire autrement que de l’acheter et les riches ne seront pas tentés : tout est parfait. Cependant, les ouvriers renâclent à commettre pareil véhicule et le patron de Citroën doit procéder lui-même aux essais. Le contexte économique et politique (la guerre, les variations de pouvoir d’achat)et les logiques internes à l’entreprise imposent de nouvelles contraintes. Finalement, tout cela finira par s’accorder et par déboucher sur un objet par nature consensuel : la 2 CV, une véritable innovation, un grand succès.
Consensus : le mot est lâché. Les grandes innovations ne procéderaient-elles pas d’une recherche de consensus entre des objectifs apparemment divergents ? C’est aussi ce que montre l’invention du "robot loucheur", inventé à la demande d’un fabricant de camembert qui désirait produire, comme autrefois, un fromage moulé à la louche. Il ne trouvait pas (pour les salaires qu’il était prêt à offrir ? ...)le personnel disposant du coup de main très particulier requis pour cela. Il invente donc un robot, symbole de la technique moderne, mouleur à la louche de camembert "traditionnel" !
L’innovation naît ainsi, dans des moments de crise entre des rationalités différentes, de personnes qui cherchent à fabriquer un compromis. Mais l’apparition de nouveaux objets industriels ne naît pas que de consensus : elle se situe dans une trajectoire technologique et dans sa rencontre avec le mouvement des idées, les principes de la science, le génie de bricoleurs et - peut-être surtout - les besoins des usagers. Des récits d’innovations dans l’hydraulique ou l’aviation viennent ainsi montrer que la demande du marché joue un rôle décisif dans l’émergence des nouveautés.
inovação técnica, processo de adaptação, inovação, difusão de técnicas
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Livro
PEYRIERE, Monique, FPH=Fondation Charles Leopold Mayer pour le progrès de l'homme, FPH in. Dossier pour un Débat, 1989/05 (France), N°3
GEYSER (Groupe d’Etudes et de Services pour l’Economie des Ressources) - Rue Grande, 04870 Saint Michel l’Observatoire, FRANCE - Franca - www.geyser.asso.fr - geyser (@) geyser.asso.fr