Agir ici, histoire d’un groupe de pression tiersmondiste

A partir de l’expérience de l’association "Agir Ici pour un monde solidaire", ce dossier propose d’étudier les mécanismes du changement social qui peuvent être observés à partir de la création et du fonctionnement de ce lobby tiers-mondiste.

Alors que, durant les trois décennies qui ont suivi la guerre, le soin a été laissé aux organisations internationales de venir à bout des inégalités Nord-Sud, les Organisations non-gouvernementales se sont lancées dans l’aventure au début des années 1960, voyant les Etats incapables de répondre à cet objectif. Basée sur l’assistanat, leur action a peu à peu évolué de façon à devenir plus politique (appui aux sociétés civiles du Sud)et plus centrée sur une vision globale Nord-Sud incluant l’information des publics européens sur le tiers-monde. Cependant, en France, une grande carence est observée concernant l’action citoyenne de pression auprès des décideurs en faveur de plus de justice dans les politiques Nord-Sud.

Un groupe de "seconds couteaux" des ONG a fait ce constat de carence à l’occasion du débat de 1985 que les libéraux des ONG d’urgence ont lancé contre les idées tiers-mondistes rendant le Nord coupable des faiblesses du Sud. Les ONG ont été secouées par ces interrogations et certaines sont, depuis lors, en panne idéologique. Agir Ici s’est lancé après que certains de ses promoteurs aient été faire un petit tour des associations de lobby en terres anglo-saxonnes, rompues à ce genre d’exercice.

En 1988, après que plusieurs personnalités amies aient manifesté leur enthousiasme à l’idée de voir se créer ce groupe de pression très nouveau en France, 20.000 appels ont été lancés dans toute la France. A la fin de l’année, plus de 1200 personnes avaient envoyé leur accord et un chèque pour permettre à une petite structure de s’autofinancer (afin de ne dépendre de personne). La première campagne menée contre l’exportation de déchets toxiques vers des pays non équipés pour leur traitement fut un succès. Au bout de cinq ans d’activité, Agir Ici a plus de 6000 signataires, deux permanents et demi, 25 campagnes à son actif et la reconnaissance du milieu des ONG, après que celles-ci aient plutôt vu ce nouveau style d’ONG comme une concurrence.

Le parcours d’Agir Ici est symptomatique de l’évolution des ONG en France. Bien que l’on ne puisse pas dire qu’Agir Ici soit une ONG, la naissance de ce groupe de pression traduit l’essoufflement des méthodes du mouvement tiersmondiste et ses difficultés de renouvellement. La découverte tardive de cette "citoyenneté active" en France montre le grand décalage existant entre les pays latins (où le lobbying, sous toutes ses formes, est très nouveau)et les pays anglo-saxons, grands professionnels de la chose, au point parfois que le contenu politique en soit émoussé.