Propositions pour une réforme de la politique agricole en France
10 / 1995
L’agriculture française a longtemps su ménager notre territoire mais, emportée par la logique marchande, elle ne sait plus le faire. Or, aujourd’hui, les perspectives du marché alimentaire s’amenuisent : le marché solvable est saturé et il ne faudrait pas que, sous prétexte d’exportation, les excédents européens empêchent les agricultures des pays pauvres de se développer.
En France, les systèmes d’intervention publique dans l’agriculture sont nécessaires : c’est une réalité, c’est aussi un problème. Les transferts publics accentuent les inégalités de revenu d’une région à l’autre. L’administration ne parvient pas à prendre en compte la diversité des situations des agriculteurs et la réalité de certaines évolutions, comme la pluri-activité. Le mouvement de concentration et de spécialisation des régions de production se poursuit...
Il est temps de redéfinir la place de l’agriculture dans la société. Il est temps d’élaborer, grâce à un dialogue entre les agriculteurs et le reste de la société, un projet qui intègre de nouvelles données : la fonction alimentaire ne suffit plus à justifier les soutiens accordés à l’agriculture, le milieu rural est autant un lieu de vie pour une population diverse qu’un outil de production des seuls agriculteurs, la politique agricole doit s’articuler à la politique d’aménagement du territoire et à la politique sociale.
A partir de ce constat, il faut formuler des éléments pour une politique et, pour cela, anticiper ce qu’en attend le monde. En France, on peut distinguer grossièrement trois catégories d’exploitations agricoles :
- les exploitations marchandes, de masse, bien intégrées aux marchés : elles sont environ 200 à 250 000.
- les exploitations à production spécifique (produits bios, fermiers ou sous label)qui sont environ 150 000.
- les autres, souvent pluri-actives, dont l’avenir est incertain : 400 000 exploitations
Pour ces exploitations si différentes, il faut des politiques différenciées.
Il faut, pour les exploitations intégrées aux marchés, des systèmes instaurant des prix différenciés selon les personnes et les niveaux de production. Pour cela, la création d’un fonds spécial, le Fonds d’intervention pour la mutation de l’agriculture et du monde rural (FIMAER)s’impose.
Il faut également développer les activités de service (protection du paysage, etc.), définir un statut social et fiscal du pluri-actif, former les agriculteurs à la polyvalence.
Il faut en outre accompagner ces mutations d’innovations techniques : la recherche doit être incitée à faciliter l’extensification et la pluri-activité.. Enfin, il est nécessaire de moderniser l’organisation professionnelle, redimensionner les services administratifs, concevoir une union syndicale dans le respect de la diversité.
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, Europa
Ce texte, rédigé par Edgard Pisani, est issu des travaux du Groupe de Seillac, composé d’une vingtaine de personnalités françaises et réuni en 1992 à l’initiative de la Fondation pour le Progrès de l’Homme et de la revue l’Evénement Européen. Le groupe de Seillac a également publié un appel diffusé par la FPH : Agriculture, société et territoire : pour une politique européenne. Dans la filiation du groupe de Seillac s’est réuni en 1995 le groupe de Bruges, composé de personnalités de divers pays de l’Union européenne, qui a également formulé des textes d’orientation.
Livro
PISANI, Edgar, Groupe de Seillac, Pour une agriculture marchande et ménagère, Editions de l'Aube, 1994 (France)
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