Il n’existe certainement pas un planificateur ou élu responsable du développement urbain qui ne soutienne le postulat de la participation publique. Le principe de la participation ne souffre aucune contestation. Il est en effet plus facile - et gratifiant - de réaliser un projet ou un plan de développement soutenu par les habitants du quartier ou de la ville. Une autre question se pose pourtant: sous quelle forme, à quel degré et avec quels moyens le citoyen devrait-il être impliqué dans un processus de planification participatif?
A priori, l’on peut penser qu’il existe autant de modèles participatifs que de projets. D’où une multitude de solutions, mais on peut toutefois y distinguer trois grandes familles de principes:
1)la participation "juridico-formelle" c’est à dire la possibilité de participation prévue dans la procédure et le déroulement du projet;
2)la participation informelle qui mobilise les habitants et les associations;
3)la participation politique, ou "système de démocratie directe" à travers les votations populaires.
Si l’on évalue ces trois modèles sur un critère d’intervention décisionnelle, les deux premiers modèles offrent une participation du citoyen assez limitée. En effet, dans le premier cas, l’on a une intervention ponctuelle (par ex. lors de l’enquête publique, puis par l’opposition au projet par les voies judiciaires).
Dans le second cas, la situation est plus volontariste, plus consultative. Le citoyen participe au projet, soit à titre personnel, soit comme membre d’association, sans pouvoir de décision toutefois. Les problèmes de ce type de participation sont connus: le principal problème est celui de la représentativité, du choix des groupes pertinents et des "laissés pour compte" (pas de représentant...).
Malgré tout, la participation informelle a prouvé son utilité en devenant incontournable pour intégrer les souhaits et revendications des habitants dans les projets et plans de développement.
Finalement, reste un troisième modèle de participation directe de chaque citoyen à la décision politique par le moyen bien connu du référendum ou "votation populaire". Le verdict des électeurs est de dernier ressort, il est final. Chacun doit le respecter (élus, planificateur). Avec ce troisième modèle il s’agit bien d’une spécificité suisse. La votation est l’élément structurant de la participation réelle du citoyen à la planification des projets les plus importants.
Prenons l’exemple du projet d’Euroville à Bâle en Suisse, il s’agit d’une restructuration globale du quartier de la gare centrale. Le projet s’articule autour de deux objectifs:
a)le renforcement du noeud d’échanges de transports
b)la création d’un centre de services prévu pour 4’500 emplois.
Les premières études ont commencé il y a 12 ans. Dès le démarrage du projet, les responsables politiques ont investi dans la participation des citoyens, sachant qu’une opposition trop forte renforcerait les obstacles à surmonter (votations populaires, recours judiciaires). D’où de nombreuses démarches initiées :
-création de cinq "groupes d’accompagnement" officiels auprès du maître d’ouvrage, dans le cadre de la participation formelle à la procédure:
a)groupe d’accompagnement, relations publiques
b)urbanisme, architecture
c)transports
d)environnement
e)réseaux.
Chaque groupe d’accompagnement composé d’une douzaine de personnes de toutes tendances, surtout du secteur privé, a pour fonction d’apporter des avis d’experts ainsi que d’exercer un contrôle sur la qualité des études.
Participation informelle du second type qui implique une multitude d’associations ainsi que d’autres groupes. Les plus importants étant les associations de quartiers riverains, celles de transports, de commerçants, de partis politiques, de parents d’élèves etc. Des centaines de réunions ont ainsi été consacrées au projet. Ces associations étant "périphériques" au projet, il faut noter le rôle clef joué par la grande " Association gare " pour la promotion du projet EuroVille.
Qui dit votation populaire exige information préalable et donc, les campagnes d’information ont été capitales dans une participation du troisième type: journal spécifique, un pavillon d’expo permanente à la gare et enquêtes d’opinion sur des propositions alternatives. Il était indispensable de créer un climat favorable dans la population. Ce projet a en effet passé 4 fois l’obstacle d’un référendum (1983, 1987, 1991, 1992)dans un sens favorable aux décisions souhaitées et espérées par le maître d’ouvrage.
Que peuvent apporter ces différents types de participation?
Dans le premier cas, les groupes d’accompagnement poussent à des solutions plus différenciées, mieux argumentées, couvrant un maximum d’aspects. Il faut pour ce faire un groupe aux origines les plus larges, libre de ses avis et non confiné dans un rôle de "chambre d’enregistrement", à l’écart des circuits de décision.
Dans le deuxième cas, il s’agit d’une meilleure réponse aux besoins et aux attentes des citoyens. Par exemple, très concrètement, cela signifiait une extension du parking vélo de 2’100 places (parking VP de 1’700 places), plus de confort et de sécurité pour les usagers et les clients de la gare, et des plans de mesures d’accompagnement pour les quartiers proches.
Dans le troisième cas, après chaque votation, on a un feu vert pour continuer le projet et faire avancer le chantier. On est en situation de démocratie directe, et nul ne pourra dire que le projet s’est fait contre la majorité des habitants ou en les ignorant. Il ne faut pas s’y tromper: le vote "ne donne pas le crayon" aux habitants, ils ne dessineront pas le projet. Ils s’exprimeront face à un projet précis. C’est au maître d’ouvrage de gérer les modifications à opérer et au planificateur d’apporter son savoir faire.
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, Suíça, Bale
A ce jour, qu’est-ce qui peut encore susciter une peur face à une réelle participation des citoyens au devenir de leur ville ?
-serait-ce une ingérence dans les processus de décision, un contre-pouvoir important par rapport à l’exécutif?
-est-ce que cela pousserait au dérapage des projets (durée, programme, coûts)?
-est-ce que les architectes et urbanistes craignent pour leur projet (aléas des votes)?
-est-ce que trop de participation ne dilue pas les projets un peu singuliers par l’autocensure, recherche du compromis a priori (avant le vote)?
Toutes ces peurs paraissent secondaires par rapport à des avancées concrètes qui sont:
-les projets sont réellement " plus proches " du citoyen;
-les usagers et les habitants s’identifient au projet et à travers lui à ce qui fait leur ville;
-sur le long terme, le développement doit se faire avec le citoyen et non plus malgré ou contre lui.
Comme nous l’avons vu dans le cas de Bâle, il n’y a pas de recette toute faite sur un type idéal de participation. Il me semble bien que c’est le mélange des formes de participation qui produise les meilleurs résultats.
Texte mis en fiche et diffusé par le CR-DSU=CENTRE DE RESSOURCES SUR LE DEVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN, 4 rue de Narvik, BP 8054, 69351 Lyon cedex 08, FRANCE. Tel 78 77 01 43. Fax 78 77 51 79
Hans Wirz, Rheinstrasse 29, 4410 Liestal service de la planification des 2 Bâle - Suisse tel : 41 61 925 59 43 - fax : 41 61 925 69 83.
Entretien avec WIRZ, Hans
Entrevista
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