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La ludothèque de la cité des Francs-Moisins, un espace de jeu pour les enfants et les adolescents d’où la violence est exclue

Muriel ROQUE

09 / 1997

"Il existe des techniques pour contrecarrer la violence, que ce soit celle des cités françaises ou celle des enfants des camps. Il s’agit de créer un lieu neutre, où la violence des enfants destructurés ou traumatisés reste à la porte." En huit ans de pratique et d’observation dans la ludothèque qu’il a fondée au coeur d’une des cités les plus difficiles d’Ile-de-France, les Francs-Moisins, Claude Frigiotti et son équipe sont parvenus à créer et à maintenir un espace "neutre" pour les enfants, les adolescents et les jeunes adultes d’où la violence est exclue.

La nécessité de passer contrat avec l’enfant et sa famille

Dès le départ, l’enfant et sa famille passent un contrat écrit et moral avec la "Ludo" : l’enfant vient à la ludothèque une première fois en toute liberté mais, s’il veut revenir, ses parents doivent venir l’inscrire. C’est l’occasion de prendre un contact chaleureux avec la famille autour d’un café et d’expliquer le fonctionnement de la ludothèque. Il est demandé une cotisation annuelle de 50FF par famille et, à chaque fois que l’enfant vient, il doit verser 3FF. Cet argent sert à acheter de nouveaux jeux, ce qu’on explique à l’enfant dès le début. En se déplaçant, les parents cautionnent l’importance du jeu, accompagnent leur enfant et abandonnent l’attitude qui consiste à dire "va jouer plus loin". Une fois ce contrat passé, si la famille est en difficulté financière, elle peut proposer des arrangements de paiement, ou un savoir-faire utile à la ludothèque (par exemple la couture pour fabriquer ou réparer des déguisements). De même, si l’enfant n’a pas 3FF quand il vient, il est tenu de proposer quelque chose. Cet engagement financier, si modique soit-il, est avant tout un moyen de négociation et surtout un prétexte pour rencontrer régulièrement les familles, les impliquer et ne pas les enfermer dans un statut de population défavorisée mais d’acteurs du développement de leur enfant.

Un système d’organisation autour du jeu

A l’intérieur de la ludothèque, on est en liberté organisée, ce qui se traduit par la conception même des différents espaces de jeu, chacun dévolu à une activité. Pour prendre un jeu, il faut aller chercher la fiche correspondante auprès de l’adulte et la déposer à côté de sa fiche d’inscription. Tout le temps qu’il détient la fiche, l’enfant est propriétaire et responsable de son jeu, que ce soit pour dix minutes ou pour plusieurs heures. En cas de conflit, c’est celui qui a la fiche qui a raison. Ainsi, les tout-petits ont le même pouvoir que les grands car c’est la règle qui domine et rend inutile le recours à la force physique. L’enfant est propriétaire du jeu pour le meilleur - jouer avec ses copains - et pour le moins agréable - rapporter un jeu complet avec sa fiche et vérifier pièce après pièce avec l’adulte que le jeu est complet -. Ce temps de vérification, qui peut durer de 10 secondes à un long moment, est très important dans cette volonté constante de responsabiliser l’enfant. L’adulte annonce des règles simples et claires toujours guidées par la notion de contrat, donc d’échange : moi adulte, je m’engage à te donner un jeu complet que tu dois me rendre dans le même état. Si une pièce manque à un puzzle, l’enfant cherche avec l’adulte jusqu’à ce que la pièce soit retrouvée. L’enfant est obligé de passer par l’adulte parce qu’il doit rapporter le jeu. En respectant le contrat de part et d’autre, un climat de confiance s’instaure entre l’enfant et l’adulte. En cas de vol, l’enfant qui détient la fiche doit régler le problème. Les règles sont les mêmes pour tous et incontournables ; de son côté, l’équipe d’encadrement respecte ses engagements de fournir des jeux complets en bon état et renvoie l’enfant aux règles en cas de conflit.

La violence interdite

L’enfant a le droit de ne pas s’entendre avec les autres, il peut choisir de jouer seul, en groupe ou avec un adulte, mais en aucun cas il n’a le droit de se battre sous peine d’exclusion. S’il n’a pas respecté cette règle, il peut revenir mais il doit négocier et s’engager à respecter la règle commune : il passe donc un contrat moral avec les adultes. Autre exemple : si un cinquième enfant veut venir jouer dans un espace prévu pour quatre, il ne doit pas s’imposer mais demander l’avis du groupe dont les membres doivent négocier entre eux pour l’accepter, donc utiliser la parole et l’explication plutôt que de recourir à la violence. De même, quand un enfant veut se retirer du jeu, le groupe doit être d’accord et contrôler que les jeux de l’enfant qui veut partir sont rangés. Le groupe donne son autorisation et est responsable.

Palavras-chave

violência social, criança, educação a paz, psicopedagogia


, Franca

Notas

Entretien avec FRIGIOTTI, Claude

Fonte

Entrevista ; Texto original

ERM (Enfants Réfugiés du Monde) - 34 rue Gaston Lauriau, 93512 Montreuil cedex, FRANCE - Tél. : 33 (0)1 48 59 60 29 - Franca - erm (@) erm.asso.fr

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