Comment dépasser l’incompréhension mutuelle de partenaires de projet dans un contexte de violence et de répression
06 / 1997
Lorsqu’en 1992 une première réunion rassembla cinq comités de femmes et d’enfants réfugiés à Gaza, nous y étions déjà présents depuis quatre ans et demi avec un programme de formation en kinésithérapie. Le constat du traumatisme psychologique des enfants de l’Intifada et de la répression était amplement partagé par les deux parties.
La proposition d’ERM de mettre en place des centres d’animation, de rattrapage scolaire et de former des animatrices fut acceptée, même si pour les comités de femmes l’aspect rattrapage scolaire était primordial alors qu’inversement pour ERM l’aspect essentiel était l’animation et que nous ne mettons pas les mêmes choses derrière le mot "projet pédagogique".
Les femmes étaient garantes de l’acceptation sociale, politique et culturelle du projet auprès de la communauté. De notre côté, nous étions garants de la pédagogie des centres, de la formation et des finances.
Trois axes étaient définis pour que les femmes reprennent l’ensemble des aspects du programme et garantissent ainsi sa pérennité. Un certain nombre de volontaires se sont donc succédé sur le terrain avec des rôles de formateurs (pour les animatrices, mais aussi pour les membres des comités de femmes), d’administrateurs et de coordinateurs.
Leur présence soulevait cependant beaucoup de questions. Combien gagnaient-ils (les seuls expatriés sur Gaza étaient à l’époque les membres des organisations internationales)? Si ce n’était pas pour l’argent, alors pourquoi venaient-ils à Gaza ? N’y avait-il rien à faire en France ? Quels moyens avait-on d’être sûr qu’ils n’étaient pas des agents israéliens ? Etaient-ils vraiment compétents ? N’allaient-ils pas apporter plus d’ennuis que d’avantages ?
Et là arrivaient les critiques et les rumeurs, centrées sur leur bonne adaptation socioculturelle : un tel buvait de l’alcool, un tel portait des débardeurs, un autre était drogué... Quelquefois c’était vrai, quelquefois complètement inventé. Mais ces critiques n’étaient souvent formulées qu’à la responsable de mission de Paris et aux membres palestiniens de l’équipe (et encore, pas toujours puisque certaines ne sont apparues qu’en 1997 lors d’une évaluation conjointe du travail). Non exprimées, elles ont été pour beaucoup dans la tension parfois extrême entre l’équipe ERM et l’équipe des comités de femmes, et il aura fallu cinq ans pour qu’une réelle confiance s’instaure de part et d’autre.
Pouvait-on éviter ce long cheminement ? Pouvait-on l’abréger par des mises à plat franches et ouvertes, régulières, par une meilleure sélection et préparation des volontaires, par des équipes moins nombreuses, par le choix d’expatriés plus proches culturellement (d’origine maghrébine, notamment)? Certainement en partie.
Mais comment faire comprendre à un volontaire qu’il peut a priori être suspecté d’être du Mossad alors qu’il vient travailler pour des enfants ? Ce n’est que lorsqu’il aura compris la situation d’enfermement, de répression et de violence que vivent les Palestiniens de Gaza qu’il pourra le faire et cessera de trouver les questions et les critiques qui lui sont portées surréalistes et... paranoïaques.
En fait, pour minimiser ces problèmes, nous avons aujourd’hui "trouvé" trois solutions :
- travailler le plus possible avec les mêmes expatriés qui connaissent le terrain et ont été acceptés par les partenaires palestiniens ; ou bien, s’il est nécessaire d’en envoyer de nouveaux, privilégier des personnes que nous connaissons de longue date et qui ont suivi notre travail sur la zone ;
- "palestiniser" un maximum l’équipe d’ERM, par la formation aux postes-clés de coordinateurs et de responsables pédagogiques palestiniens ayant démarré avec nous comme traducteurs. Ces personnes ont en outre la position difficile mais indispensable de médiateurs culturels entre les occidentaux d’ERM et nos partenaires palestiniens. Ils sont en partie garants que le programme sera politiquement et culturellement "correct".
- organiser des séjours en Europe pour nos partenaires palestiniens (cadres associatifs ou animateurs)qui leur permettent entre autre de mieux comprendre notre culture, car; comme me l’a écrit M. après un séjour en Italie "c’est ici, en Italie, que j’ai compris toutes vos difficultés pour nous comprendre et vous adapter à la situation de Gaza".
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, Palestina
Mireille SZATAN, médecin. Active dans ERM depuis 1982, actuellement directrice des programmes. Missions de travail: Beyrouth 82, Sahraouis 89. Missions exploratoires, mises en place, suivi évaluation : Gaza, Liban, Brésil, Sahraouis, Rwanda, Croatie, Cambodge.
Texto original
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