07 / 1995
A l’origine des appartements de voisinage, l’idée du chef de projet DSQ, une femme, de créer un lieu de convivialité pour des femmes de culture étrangère ; des femmes qui n’avaient pas l’habitude d’utiliser les équipements de quartier, de permettre une ouverture sur l’extérieur du quartier... L’idée était que la confrontation et l’échange entre femmes différentes impulseraient une expérience et une dynamique créatives.
C’est ainsi qu’à Romans, depuis dix ans, deux appartements discrets mais repérés par certains sur les quartiers surprennent par le passage d’un public de femmes. Quatre après-midis par semaine, des femmes de toutes origines y entrent en sortent... Dans chacun de ces appartements, une éducatrice est présente. Les activités, les centres d’intérêts des après-midis se déterminent au gré des envies, des soucis du moment (cuisine, couture, discussion, sortie hammam...).
Les frais de fonctionnement des appartements sont pris en charge par les différentes partenaires : les loyers par le CCAS, les quatre temps pleins de professionnelles par le FAS, la mairie, la Caisse d’Allocations Familiales, le Conseil Général dans le cadre de la "Politique de la ville"... Mais c’est avant tout le positionnement des professionnelles qui mérite d’être observé.
La dimension personnelle que les éducatrices engagent dans la relation au groupe de femmes leur confère une position professionnelle originale. Elles sont présentes et reconnues à divers titres : femmes, françaises, travailleuses sociales. Leur action s’inscrit dans la relation complexe entre privé et public, entre social et culturel.
DES EDUCATRICES, "MEDIATRICES CULTURELLES" ?
Dès l’origine, les éducatrices ont évité de trop cadrer leur intervention. Elles ont privilégié une certaine réserve dans le but de respecter la liberté de chacune et de laisser s’exprimer les capacités de médiation des femmes entre elles. Cela s’est traduit par le fait que les lieux n’ont pas été structurés par les professionnelles mais par les femmes, qu’aucune demande de renseignements administratifs ou personnels n’était formulée (certaines femmes gardent leur anonymat durant les premières rencontres)...
Les échanges au sein du groupe provoquent des interactions dont les effets se ressentent auprès de chacune : d’une certaine manière des processus d’acculturation se développent entre les femmes et par elles. Elles définissent "les contenus" de ce qu’elles souhaitent faire, discuter, aborder. Elles se connaissent, se reconnaissent, mais aussi se confrontent avec la présence des éducatrices, garantes silencieuses de l’espace et de la société d’accueil : le temps est laissé à chacune de s’intégrer dans le groupe et de faire sa place. Chacune peut ainsi aborder les "différences", petites ou grandes, proches ou lointaines à son rythme.
De fait les éducatrices ont un rôle fondamental dans la relation interculturelle parce qu’elles sont un point de repère, de confrontation possible avec la société d’accueil. Cela nécessite chez ces professionnelles, une distanciation par rapport à leur histoire personnelle, une capacité de recul et de décentrement importantes.
Les femmes savent qu’elles peuvent les interpeller quand elles ont besoin d’elles soit en tant qu’éducatrices (aide à des projets, rappel de la règle...), soit en tant que femmes de culture française (confrontation/échanges sur les références culturelles, les modes de vie...). Les éducatrices sont support de médiation. En effet, même si c’est de manière implicite, ce sont elles qui définissent le respect des règles de vie collectives, (éviter les commérages, le respect de l’expression...). Cette relation est renforcée autant par leur statut professionnel que par leur identité culturelle.
Dans ce cadre spécifique, elles retrouvent des fonctions "classiques" du travail social : un travail de prévention et de régulation sociale. Très attentives aux problèmes individuels, elles ont une grande écoute et engagent si nécessaire un suivi social dans les familles, par des visites à domicile. Leur action se situe plus dans l’évitement de problèmes, la prévention, que dans du traitement social plus visible (crises...). Dans cet esprit, elles aident à la construction de projets soit collectifs (sorties à la joujouthèque,
en grand magasin, à la journée pendant les vacances scolaires, au hammam...), soit familiaux (aide au départ des familles en vacances, sorties familiales en car...).
mulher, interdependencia cultural, relações sociais, mediação, trabalho, diálogo intercultural
, Franca, Romans
Ces pratiques professionnelles de médiation sont intéressantes pour plusieurs raisons.
- Elles réaffirment un travail social fondé sur la confiance dans les capacités des personnes à se prendre en charge à partir de séquences de vie qui permettent la transformation et l’évolution. Elles offrent une transition respectueuse des personnes et des dynamiques de chaque groupe.
- La reconnaissance des identités culturelles comme point d’appui pour une insertion sociale
donne des repères pour une meilleure compréhension du monde dans lequel les personnes vivent. Les fonctions d’interface et d’accompagnement à l’autonomie que les professionnelles jouent sont essentielles.
- Le financement du fonctionnement des appartements de voisinage par les acteurs sociaux institutionnels locaux, depuis l’origine, témoigne de la reconnaissance de l’action et des intuitions de départ.
- Ces pratiques s’inscrivent dans l’évolution de la société dans son rapport aux populations migrantes ou issues de l’immigration : cette action vise l’intégration (retrouver une relation culturelle harmonieuse avec l’environnement)et éventuellement une insertion sociale.
Cette fiche est co-produite par le CR-DSU et Habitat Formation. HABITAT-FORMATION -12 rue Poncelet-75017 PARIS - (1)44 15 14 00
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Entretien avec DRAGON D.; DESBORDES F.
Entrevista
GRANE, Jean, DIALOGIE, Ville de Romans, Les appartements de voisinage, bilan d'une action, 1994 (France)
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