04 / 1996
En France, la médiation s’est développée dans de nombreux domaines de la vie sociale, mais à la différence d’autres pays, la médiation scolaire n’en est encore qu’à ses débuts.
En revanche dans les pays anglo-saxons, et plus particulièrement aux Etats-Unis, la médiation s’apparente à une véritable "success-story" car on dénombre à ce jour plus de 2000 expériences. Le développement rapide de la médiation dans le milieu scolaire et universitaire ne doit pas nous faire oublier que cette institution est en crise et qu’elle connaît de plus en plus de difficultés pour réguler les conflits qui éclatent en son sein ou dans son environnement direct. Dans certaines villes, comme New-York, parler de crise du système scolaire, s’apparente à un euphémisme, quant on sait que les élèves, avant de pénétrer dans les enceintes scolaires, sont soumis à des fouilles ou doivent passer sous des portiques de détection d’armes.
S’il est vrai que ce pays connaît un contexte particulier de violence, on ne peut ignorer que les écoles, au même titre que les structures familiales et de quartier, ont toujours constitué des lieux de socialisation. Or, actuellement, elles ne sont plus à même de jouer ce rôle.
Il serait illusoire de croire que la crise du système scolaire ne serait liée qu’à de simples problèmes de dysfonctionnement comme par exemple le manque de moyens (enseignants, surveillants, locaux...)ou encore à un archaïsme des programmes ou des méthodes pédagogiques. Elle n’est qu’une des facettes de cette crise généralisée de nos systèmes de régulation sociale qui touche l’ensemble des secteurs de la vie sociale.
L’institution scolaire souffre d’un déficit de régulation, car les formes traditionnelles d’autorité ne sont pas adaptées au règlement de ce type de conflit. En effet, le modèle disciplinaire repose sur l’opposition des parties et le prononcé d’une sanction qui va du blâme à l’exclusion. Ce type de règlement des conflits reproduit le modèle en vigueur dans la société, qu’il soit inquisitorial ou accusatoire. Il n’est pas adapté à la nature des relations scolaires et devrait reposer sur la pédagogie de l’éducation, et non sur le système de la sanction.
Les institutions scolaires américaines connaissent des problèmes similaires et ce n’est pas par hasard si ce sont les mouvements de médiation communautaires qui se sont mobilisés pour proposer la médiation comme mode de gestion des conflits. En effet, ces mouvements de médiation sont porteurs d’un nouveau modèle de régulation des conflits, plus consensuel, faisant appel aux techniques de communication et de négociation. Cette implication ne vise pas simplement à répondre aux problèmes immédiats auxquels sont confrontés les établissements scolaires comme la violence, le vandalisme, l’absentéisme... mais aussi répond à une vocation pédagogique à travers la transmission d’un nouveau mode de règlement des litiges : la médiation.
Les organisations de médiation ont compris que seul l’apprentissage de la médiation par les jeunes générations permettrait une meilleure diffusion de ce mode de règlement des litiges et contribuerait à l’amélioration des relations sociales. Pour elles, il ne s’agissait pas simplement de répondre aux problèmes immédiats, mais aussi de promouvoir un nouveau mode de résolution des conflits. L’objectif poursuivi n’est pas simplement de réguler les conflits mais de répondre à ce que l’on appelle pudiquement en France le "malaise scolaire".
Les modèles de médiation scolaire
Il n’y a pas un modèle mais des modèles de médiation scolaire. D’une expérience à l’autre les projets sont différents. Un des plus classiques mais aussi des plus anciens est celui du "BOCES Program" qui a été mis en place au début des années 1980 au sein du "Middle County School District New-York State". C’est un des plus classiques car il reposait sur la formation de professeurs et d’élèves en vue de la médiation des conflits, entre élèves ou entre ces derniers et leurs parents. C’est un modèle de médiation "mixte", car il associe comme médiateurs des enseignants et des élèves, mais aussi "restreint" car ces derniers ne prennent en charge que les conflits opposant des élèves entre eux ou avec leurs parents. Il existe une certaine résistance de la part des enseignants à accepter que les litiges les opposant à leurs élèves fassent l’objet d’une médiation.Si les programmes de médiation limités à la gestion des conflits entre élèves ou leurs parents sont les plus répandus, il existe aussi des expériences comme celle mise en oeuvre par le Victim Service Agency (VSA)de la ville de New-York dénommé SMART (School Mediators’ Alternative Resolution Team)qui associe des étudiants, parents et personnel scolaire, formés à la médiation pour résoudre les conflits entre étudiants, parents et étudiants et professeurs et étudiants.
Il existe aussi le modèle de médiation par les "pairs" c’est-à-dire la médiation faite par des élèves dans des conflits opposant des collégiens entre eux. Un des projets les plus connus est celui du "Conflict Managers project" qui a été initié par le fameux Community Board de San Francisco. Il a démarré en 1982 à la Revere Elementary School et c’est un des projets les plus médiatiques, car les photos des médiateurs en herbe revêtus des fameux T-shirts oranges portant la mention "Conflict Managers" ont fait le tour du monde. Dans le cadre de ce programme, les médiations se déroulent sans intervention des adultes et dans la cour de récréation durant les inter-cours pour des problèmes mineurs. Le processus de médiation repose sur le principe de la subtile pression communautaire, de l’intervention de pairs et sur la reconnaissance de ce mode de résolution par les parties en conflits.
Ce programme, basé sur l’apprentissage des techniques de communication et de résolution des conflits, devrait à terme permettre aux élèves d’accroître leur responsabilité pour améliorer le climat scolaire, de renforcer le sens de la coopération et de la communauté scolaire, et amener l’atténuation des tensions et de la violence entre les élèves.
Grâce à l’aide apportée par une organisation comme la National Association for Mediation in School (NAMES), ces programmes expérimentaux ont été utilisés comme modèle pour développer la médiation scolaire par de nombreux Etats. Ce mouvement s’est poursuivi au Canada et en Europe, où la Grande-Bretagne commence à expérimenter cette forme de résolution des conflits. En France, il n’existe pas, à notre connaissance, d’expériences de médiation scolaire et nous en sommes encore au stade de projets le plus souvent défendus par des organisations non liées au monde de l’Education Nationale, comme les Boutiques de Droit à Lyon ou le Centre de Formation à la médiation à Paris.
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, Franca
J-P BONAFE-SCHMITT est chercheur au CNRS, Université Lyon II; membre duRéseau des Médiateurs Associés. On peut lire aussi de lui : "La médiation : une justice douce", SYROS-Alternatives, 1992.
Artigos e dossiês
BONAFE SCHMITT, Jean Pierre in. Non violence actualité, 1993/01 (France), 165
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