04 / 1996
Thomas Fiutak est professeur à l’université du Minnesota, aux Etats-Unis. Chargé de l’enseignement de négociation et de médiation, il dirige également le Centre de recherche "Conflit et changement". Consultant, il a aussi assuré des fonctions de médiation au niveau international. Didier Guérin et Martine Egli, médiateurs à Paris, l’ont rencontré pour NVA.
- NVA : Pourriez-vous nous préciser votre activité à l’université du Minnesota ?
- Thomas Fiutak : J’y ai trois rôles. Le premier est un rôle de coordination et de formation des équipes de médiateurs volontaires ; le second est un rôle de coordination entre les différents services, soit administratifs, soit d’enseignement ; et le troisième est l’enseignement du management des conflits aux étudiants.
- Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser aux conflits et à leur résolution ?
- C’est une histoire qui remonte à longtemps, je dirais même à mon adolescence, au moment de la guerre du Vietnam. J’ai éprouvé un profond malaise par rapport à cette guerre, une frustration de ne pouvoir rien faire. J’ai alors acquis un état d’esprit que j’ai encore aujourd’hui et qui me motive pour enseigner dans ce domaine.- Comment avez-vous eu l’opportunité d’en faire votre activité principale ?
- En 1982-83, j’ai été appelé par le doyen de l’université pour venir enseigner et le conseiller dans un programme de recherche sur les questions stratégiques et politiques. Avant d’être appelé par le doyen, j’appartenais à une association d’étudiants qui avait des activité politiques et sociales. Au bout de deux ans, j’ai pu créer un centre de recherche qui est lui-même devenu le coordinateur des centres de recherche des autres universités. J’ai été chargé de trouver les fonds pour faire fonctionner ce centre. En tant que coordinateur , j’ai eu pour tâche de mettre la théorie en pratique et j’ai, à ce titre, mis sur pieds une première structure de médiation. Ensuite, j’ai pu élargir ce travail dans un cadre inter-communautaire, notamment au travers d’une médiation que j’ai menée après le début de la période d’lntifada, entre des femmes palestiniennes et des femmes israéliennes vivant au Minnesota.- Quelles ont été vos autres expériences de médiation ?
- Après cette médiation j’ai pu écrire un papier qui a été connu à l’étranger. A la suite de quoi, j’ai fait une conférence en Pologne, à Varsovie. Là, j’ai rencontré des membres du syndicat "Solidarité". C’est ainsi que je suis entré en contact avec des personnes des Pays de l’Est.
- Dans la mise en place de cette structure de médiation à l’université, quels ont été les principaux obstacles que vous avez rencontrés ?
- La première difficulté a été de faire prendre conscience au sein de la faculté que la médiation était un moyen utile pour gérer les conflits. Je n’ai pas eu beaucoup de mal pour trouver des gens qui, après la formation que je leur avais donnée, ont accepté d’être médiateurs. Mais le fait de faire intervenir des médiateurs formés a entraîné une réaction de concurrence de la part de ceux qui sont chargés des ressources humaines, les conseillers, orienteurs, qui utilisent eux-mêmes le mot de médiation sans avoir la formation ad hoc. Une autre difficulté a été de faire accepter ce programme par les professeurs et l’administration. L’erreur aurait été de le faire passer uniquement auprès des étudiants car, à ce moment-là, la faculté et les professeurs ne l’auraient pas accepté . Je me suis donc efforcé d’abord de le faire accepter par le corps enseignant et l’administration. Le dernier problème, ce fut d’avoir la patience suffisante car les choses sont allées très lentement : la première année il y eut une quinzaine de médiations, puis dix sept, trente cinq et, actuellement, une cinquantaine il y a environ une médiation par semaine.- Quels types de conflits traitez-vous en médiation ? - J’ai rencontré toutes sortes de conflits : d’abord des conflits individuels de même niveau hiérarchique, par exemple entre secrétaires, puis des conflits entre différentes catégories hiérarchiques, et les choses se sont développées au point que maintenant j’ai des médiations à mener entre des groupes de personnes appartenant à différentes entités de l’université. Il y a parfois jusqu’à douze personnes en conflit qui viennent en médiation.- Est-ce que vous êtes amené à réaliser des médiations dans des cadres familiaux ou de quartier ?
- Pas dans le cadre strict de l’université. Mais en dehors, j’ai été amené à mener des médiations familiales et de quartier. J’ai reçu une formation dans ces deux domaines spécifiques et, en matière de médiation de quartier, je participe à des instances de premier niveau de conciliation entre les gens.- Dans toutes ces situations, est-ce que c’est le même type de processus de médiation que vous utilisez ?
- Le processus de base que je développe dans les formations s’applique à tous les domaines. La seule chose qui change c’est le contexte dans lequel il est utilisé. En médiation de quartier ou familiale, la dynamique entre les personnes n’est pas celle de l’université. Voici comment cela se passe à l’université. Je reçois une lettre ou un coup de fil d’une des parties ou bien un tiers vient m’expliquer que des personnes sont en conflit, et à ce moment-là j’entre en contact avec les personnes concernées. Si je suis chargé de contacter les différentes parties, je vais proposer à un autre médiateur de mener la médiation. Ce médiateur ne sera au courant d’aucun paramètre concernant les parties en conflit, ni sur le sujet ni sur les personnes ni sur quoi que ce soit : il arrive "aveugle". Ce médiateur mène la médiation et un autre médiateur observe, ce qui lui permettra de donner le retour. Le médiateur est responsable du déroulement du processus - établissement des faits, expression des présupposés et des sentiments, mise en place des options et accord. Une fois la médiation terminée, il n’a plus aucune responsabilité. Le médiateur ne fait qu’aider les parties à rédiger leur propre accord, mais lui-même ne fait pas de rapport. Ce sont les personnes qui ont demandé la médiation qui sont responsables de la publication de l’accord.- La médiation que vous pratiquez a lieu à l’université du Minnesota. Est-ce qu’elle a été développée dans d’autres universités, voire des lycées, collèges ou écoles primaires ?
- En effet, j’ai été contacté par d’autres universités pour savoir comment j’avais établi mon système. Il y a à peu près 110 universités qui mettent actuellement en place leur système sur la base de ce qui a été fait à l’université du Minnesota.
mediação, conflito, ensino superior, universidade
, Estados Unidos da América, Minnesota
Propos recueillis par Didier Guérin et Michèle Egli, formateurs à Comefor-Mediane, 20 Bd Edgar-Quinet, 75014 Paris (organisme de formation à la négociation et à la formation). Pour en savoir plus sur le contenu de la formation assurée par Thomas Fiutak, il est également possible de s’adresser à Jacques Salzer (Tél. 45 42 87 14)à l’Université Paris-Dauphine, Département de l’Education permanente, Place du Maréchal de Lattre de Tassigny, 75775 Paris cedex 16.
Entretien avec FIUTAK, Thomas
Artigos e dossiês ; Entrevista
GUERIN, Didier; EGLI, Michèle in. Non violence actualité, 1994/03 (France), 178
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